Un jour avec
Rodolphe Lepoureau, directeur d’un abattoir spécialisé en ovin
À Thouars, dans les Deux-Sèvres, l’abattoir spécialisé Sovileg met en lumière la qualité des agneaux de la région, à la satisfaction de ses directeurs, Rodolphe et Pierrick Lepoureau.
2h45
En période de forte affluence (avant Pâques, Noël et l’été), la chaîne d’abattage de Sovileg se met en branle dès 2h45 le matin. Le reste de l’année, c’est plutôt autour de 4h45, selon le nombre d’agneaux arrivé la veille dans la bergerie attenante au bâtiment d’abattage. La bergerie dispose d’un plan reprenant les capacités d’accueil pour chaque case. « Nous sommes très vigilants sur le déchargement des animaux, nous ne pouvons pas nous permettre la moindre non-conformité », explique Jean-Maurice Leconte, responsable du site d’abattage. Le bâtiment dispose également de caméras de vidéosurveillance notamment pour pouvoir faire évoluer les pratiques de manipulations et les gestes des opérateurs. « Le service qualité fait des rappels tous les mois sur les points de vigilance, autant en bergerie, que sur l’amenée des animaux, l’abattage et le parage des carcasses », rappelle Jean-Maurice Leconte. En 2024, la bergerie de Sovileg va être entièrement réaménagée, avec une attention toute particulière sur l’ambiance et le calme dans lesquels patientent les agneaux. « La litière, le type de barrières hautes, les matériaux employés et le couloir d’amenée ont été étudiés avec l’Institut de l’élevage », souligne le responsable de l’abattoir. En d’autres termes, il s’agit de séparer la zone de vie de la zone de mise à mort.6h00
Si les opérateurs commencent leur journée bien avant le chant du coq, c’est aussi le cas du directeur, Rodolphe Lepoureau. Son quotidien démarre avec des coups de téléphone passés aux clients, pour gérer les prises de commandes qui viennent au jour le jour pour la plupart. La société Lepoureau, la coopérative Caveb et le transformateur Macquet, tous actionnaires de Sovileg, se définissent comme une filière dans la filière ovine française. « Nos différents partenaires apportent chacun leur expertise : la coopérative Caveb nous approvisionne en agneaux de ces producteurs, la société Lepoureau dispose d’une flotte de bétaillère qui sillonnent la France pour alloter les animaux au centre de rassemblement et d’engraissement de Chemillé-en-Anjou (Maine-et-Loire) permettant d’avoir un stock conséquent d’animaux sur pied », apprécie Rodolphe Lepoureau. Enfin, la société Macquet, spécialiste de la découpe et de la transformation de la viande d’agneau et actionnaire à 10 % de Sovileg, se charge de détailler les carcasses en prêt-à-consommer.9h00
En milieu de matinée, Rodolphe Lepoureau se rend sur la chaîne d’abattage, pour apprécier le travail de ses équipes. « Nos 47 salariés de l’abattoir sont pour la plupart en CDI et nous faisons le maximum pour qu’ils trouvent leur compte dans ces métiers durs », souligne le directeur général. Formations internes, interventions externes, suivis continus, points réguliers avec la hiérarchie, tout semble être mis en œuvre pour garantir le bien-être des salariés tout en promettant aux clients des carcasses de qualité supérieure. Pour cela, la direction de Sovileg s’est investie dans une démarche Qualité hygiène sécurité environnement (QHSE) qui fixe des objectifs à atteindre dans ces différents domaines. Pour autant, l’entreprise fait face à un problème récurrent de main-d’œuvre. « Il y a beaucoup d’absentéisme, d’arrêts de travail et de turn-over malgré nos efforts pour essayer de pérenniser la carrière de notre personnel », explique Rodolphe Lepoureau. Les membres de la direction sont alors les couteaux suisses de l’entreprise, ils doivent être en mesure de remplacer sur le vif toute personne absente. « C’est important aussi pour nos salariés, de voir que nous ne sommes pas dans notre tour d’ivoire mais que l’on met la main à la pâte également. »12h30
La mi-journée sonne la fermeture de la chaîne d’abattage. Le pôle expédition, lui, fonctionne jusqu’à 16h car il démarre deux heures après les premiers abattages. Les carcasses sont vendues à 80 % auprès des boucheries traditionnelles et des grossistes qui approvisionnent ces dernières. Les 20 % restants partent dans la grande distribution ou autres magasins. L’entreprise propose également 40 à 50 % des animaux abattus en rituel. La signature Sovileg est apposée sur les plus belles carcasses, une distinction recherchée par les clients français et internationaux. « Notre savoir-faire repose essentiellement sur la propreté des carcasses, l’absence de marques sur la viande et sur la gestion du refroidissement des carcasses. Nous avons mis au point une recette de froid pour le ressuyage, pendant plus de deux heures avec un flux d’air vertical qui va englober le produit sans faire de gangue de glace autour », développe Jean-Maurice Leconte. La carcasse est ensuite expédiée dans les trois jours après abattage. « C’est un débat sur lequel on doit argumenter quotidiennement auprès de nos clients car pour eux, plus vite ils reçoivent la commande, plus longtemps la viande peut rester en rayon, mais c’est une hérésie organoleptique et bactériologique. Ce délai nous permet d’envoyer des carcasses bien froides, qui se tiennent bien en carton ou suspendues et avec une durée de conservation supérieure à une semaine », appuie le directeur général. Sovileg fait également valoir son savoir-faire sur la valorisation des abats, qui brillent par leur fraîcheur et la qualité du travail effectué.16h00
Après la fin des activités de production, Rodolphe Lepoureau retourne dans les bâtiments administratifs, récemment refaits à neuf, accueillant les visiteurs par de grands ornements ovins. « Je passe des coups de fil aux fournisseurs pour pouvoir mettre sur pied le planning d’abattage pour les jours suivants, décrit-il. Grâce à notre stock carcasses d’une journée d’avance nous avons une meilleure visibilité pour faire concorder commandes et approvisionnement. » Via la Caveb et la société Lepoureau, l’abattoir collecte des agneaux chez plus de 600 éleveurs, dans une zone qui couvre le grand ouest, la Bretagne… Sovileg est le premier abatteur d’agneau le Diamandin et le site est classé troisième abatteur d’agneaux de France en volume.18h00
« Être directeur d’abattoir est un métier très prenant, on ne compte pas ses heures. Pourtant chaque journée est différente et tout cet environnement et très enrichissant. » Rodolphe Lepoureau revient sur ce qui lui plaît dans son quotidien : « J’ai toujours eu la passion pour l’agneau et pour le vivant. Cela peut paraître bizarre quand on travaille ici, mais la vie qu’a menée l’animal avant d’arriver à l’abattoir est très importante dans le métier. » Ce qui l’intéresse ce sont les liens noués avec les acteurs de la filière, autant sur le terrain que dans les bureaux parisiens de l’interprofession du bétail et viande. « Il ne faut pas avoir honte de nos métiers élevage et viande contrairement à ce que veulent faire passer comme messages nos détracteurs médiatiques. Soyons fiers d’être à mon sens le pays au monde ayant le plus de renommée, de savoir-faire et de qualité dans ce secteur. »CV
42 ans
2016 : Pdg de Sovileg
2004 : entrée dans l’entreprise familiale
2001 : Responsable commercial à Unilever
DATES CLÉ
1920 : création de l’entreprise Lepoureau, commerce d’animaux vivants
1974 : création du site de Chemillé-en-Anjou et début des activités d’abattage à Angers
1990 : crise du commerce d’animaux vivants
1995-1999 : création de Sovileg et rachat de l’abattoir municipal de Thouars avec la coopérative Caveb
2004 : développement commercial et amélioration du process, montée en volume en passant de 1 500 à 3 000 agneaux abattus par semaine
2011 : nouvelle chaîne d’abattage, permet de traiter 250 agneaux par heure
2014 : entrée au capital de la société Macquet
2018 : rénovation de la manutention et de la circulation des carcasses, création d’une zone abats et amélioration du process froid
2024 : projet de rénovation de la bergerie et de la zone de mise à mort