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Quatre domaines viticoles, quatre stratégies commerciales à l'export

Il est souvent difficile de savoir comment aborder un marché à l'international. Voici quatre stratégies hors des sentiers battus, choisies par quatre vignerons.

Les importateurs américains Andy et Kristin Bernard collaborent avec le château des Bormettes pour la réalisation de cette cuvée Côtes de femme, spécialement conçue pour leur marché.
Les importateurs américains Andy et Kristin Bernard collaborent avec le château des Bormettes pour la réalisation de cette cuvée Côtes de femme, spécialement conçue pour leur marché.
© Château des Bormettes

1 Se réunir au sein d’un groupement commercial

À l’export comme dans la vie, l’union fait bien souvent la force. Les fondateurs de la Collégiale des domaines de Loire l’avaient bien compris. En 1988, une poignée de vignerons avait décidé de monter cette SARL afin de mutualiser les énergies pour développer l’export. Trente-quatre ans plus tard, la structure a fait ses preuves et emploie onze salariés. C’est donc tout naturellement que Thibaut Henrion a repris l’adhésion de son prédécesseur, lors de son installation en 2014.

Ce vigneron à Saint-Macaire-du-Bois, en Maine-et-Loire, exploite 42 hectares de vigne. Les deux tiers de sa production sont destinés au négoce, le dernier tiers est vendu via la collégiale, tant sur le marché intérieur qu’à l’export. « Grâce à cela, je commercialise entre 15 000 et 25 000 cols par an en dehors de nos frontières », calcule le viticulteur. Près de la moitié de ce volume est constituée de chenin, un cépage qui marche fort à l’international. « Rien que sur ce mois de janvier, j’en ai qui doit partir au Japon, en Australie et en Allemagne », énumère Thibaut Henrion.

Ne pas dépendre uniquement du négoce

Pour lui, cette organisation collégiale n’a presque que des avantages. Tout d’abord, cela lui permet de se délester de la commercialisation et de tout l’administratif afférent. « Je me suis installé hors cadre familial, sans formation, plante-t-il. J’ai de la vigne et des grandes cultures. Je n’ai pas de temps pour commercialiser mon vin, surtout à l’export où il y a beaucoup de démarchage à effectuer, où les analyses demandées varient selon les marchés, tout comme les modalités de transport et les DAE. Or, réaliser de la bouteille est très important pour moi. Cela me permet de diversifier mes circuits de commercialisation et cela me procure un revenu plus régulier que le vrac car les prix fluctuent beaucoup moins. »

Une sécurité de paiement quoi qu’il en soit

Autre intérêt de poids : c’est la collégiale qui gère les impayés. Elle verse systématiquement l’argent aux vignerons à soixante jours. « Je suis donc sûr d’être payé », se réjouit le vigneron. Dernier atout : ce fonctionnement en commun favorise les échanges tant avec les salariés de la collégiale qu’avec les autres vignerons adhérents. « Nous ne sommes pas seuls à goûter notre vin, illustre Thibaut Henrion. Les commerciaux connaissent les tendances et les besoins de leurs clients, ils peuvent nous conseiller. »

Comme toute chose, ce fonctionnement à un revers. « Cela nécessite une grosse réactivité, note le vigneron. Parfois, je n’ai qu’une semaine pour préparer la commande, sachant qu’il faut adapter l’habillage sur certains marchés. À certaines périodes de l’année, c’est compliqué. »

Au niveau de la rémunération, la collégiale prélève une marge sur ce qu’elle vend, qui est négociée individuellement avec chaque vigneron. « Ce fonctionnement me convient, assure Thibaut Henrion, je touche un peu plus qu’avec le négoce et suis donc très satisfait. » Tant et si bien qu’il est à présent cogérant de la collégiale !

2 Faire appel à un volontariat international en entreprise, ou VIE

Lorsque l’on est un domaine viticole, avoir recours à un volontariat international en entreprise, ou VIE, semble inatteignable. Et pourtant. Le domaine Montirius, à Sarrians dans le Vaucluse, a bel et bien sauté le pas. Depuis le mois de septembre 2021, cette exploitation de 63 hectares dispose d’une jeune femme en VIE à Madrid. Une stratégie qui semble porter ses fruits puisqu’en trois mois, elle a déjà vendu une palette. Mais ce choix ne s’est pas fait en un jour. « Nous avons rencontré Alice lors de notre accompagnement chez Business France, explique Christine Saurel, à la tête du domaine. Elle avait remplacé notre interlocutrice lors de son congé maternité, et est repartie à son retour. Nous avions un bon feeling et savions qu’elle était sérieuse. »

Il est possible d'avoir des aides de nombreux organismes

Parallèlement à cela, le domaine travaillait avec Business France sur les destinations export correspondant le mieux à leur vin. Le premier pays est tombé : l’Espagne. « Nous savions qu’Alice rêvait de faire un VIE et d’aller en Espagne », relate-t-elle. Dans le même laps de temps, Christine Saurel reçoit des informations sur des aides de la région, de l’Europe, de l’Imed pour les VIE. « Tous les faisceaux allaient dans le même sens, s’amuse la vigneronne. Nous nous sommes donc renseignés, avons fait des calculs. Et nous nous sommes rendu compte qu’en cumulant les aides, et à partir de trois palettes vendues, un VIE d’un an revenait au même coût qu’un agent à qui on verse 10 % du chiffre d’affaires qu’il réalise. »

Le domaine décide donc de faire le grand saut et de prendre ce risque. « Nous avons d’abord embauché Alice deux mois sur notre domaine, afin qu’elle soit totalement immergée, rapporte Christine Saurel. Nous voulions qu’elle s’imprègne de notre manière de travailler à la vigne, au chai. Qu’elle voie nos vins mais aussi nos valeurs, notre état d’esprit, et comprenne ce que nous souhaitons transmettre à nos clients. » Durant cette période, Alice a également traduit les fiches du domaine, les plaquettes, commencé à travailler son marché et à dessiner sa feuille de route en collaboration avec la famille Saurel.

Bien entourer et conseiller la personne en VIE

En septembre, Alice a intégré un bureau à l’ambassade de France à Madrid, avec pour mission de trouver des importateurs espagnols. « Nous sommes en communication continue avec elle et avons souscrit durant trois mois un accompagnement par Business France pour qu’elle ne se retrouve pas démunie, informe la vigneronne. Un VIE est un réel investissement. Il faut garder en tête que ce jeune est un ambassadeur du domaine et qu’il faut beaucoup s’impliquer, l’entourer, l’écouter, l’aider. De son côté, Alice nous apprend beaucoup de choses sur ce marché et fait un travail de fond fabuleux. » Une belle aventure humaine et professionnelle que Christine Saurel ne regrette en aucun cas.

3 Travailler une gamme de A à Z pour un marché donné

Couleur de la robe, profil aromatique, packaging, nom ; rien n’est laissé au hasard sur la cuvée Côtes de femme du château des Bormettes, à La Londe-les-Maures, dans le Var. Julie Darneau, la directrice commerciale, réalise ce vin sur-mesure pour un couple d’importateurs américains, basé en Alabama. « Ils nous ont approchés via un intermédiaire que nous avons aux États-Unis, observe-t-elle. Ils souhaitaient lancer une cuvée pour laquelle ils avaient déjà le nom, l’idée de packaging, l’étiquette, etc. et recherchaient un domaine pour la produire. Cela correspondait à notre stratégie de développer des marchés dédiés et très spécifiques. »

Quelques échanges plus tard, le domaine accepte de tenter le coup. « Nous avons pu nous lancer car les propriétaires du domaine ont les reins solides, nuance la directrice commerciale. Et ils ont eu raison car c’est un pari gagnant. » En effet, de 4 200 bouteilles il y a deux ans, la commande est passée à 9 000 cols en 2021 et 16 000 pour début 2022. Avec un renouvellement de contrat signé pour les trois années suivantes, c’est à présent l’un des plus gros marchés du domaine.

Un échange sur de nombreux aspects de la cuvée

Le partenariat est vraiment vécu main dans la main. « Les importateurs viennent lors des assemblages, lors de la mise en bouteille, décrit Julie Darneau. S’ils expliquent que leurs clients préfèrent par exemple une robe rose gold plutôt que rose saumonée, nous allons essayer de nous en rapprocher au maximum. » Même topo au niveau du packaging, où les demandes des Américains sont très spécifiques : une bouteille particulière mais qui existe déjà sur le marché, entièrement sérigraphiée, avec une bague en faux diamant autour du col de la bouteille, afin d’être un cadeau à part entière. En revanche, les acheteurs font entièrement confiance au domaine, en HVE 3, pour le travail à la vigne, et gèrent l’acheminement jusqu’aux États-Unis. Au final, le domaine y trouve largement son compte : « c’est un partenariat rentable sur un marché valorisé », conclut Julie Darneau.

4 Passer par un salon de vente virtuel

Plusieurs salons en ligne proposent de mettre en relation vignerons et acheteurs. Aurélie Berthod, à la tête du domaine éponyme à Pernand-Vergelesses, en Côte d’Or, a testé cette formule l’an dernier. Avec succès. « En novembre 2020, tous les salons ont été annulés en raison du covid, se remémore-t-elle. À cette époque, à l’export, j’avais uniquement un importateur japonais qui est un ami d’ami. En parallèle, j’avais beaucoup de stocks. Je ne savais pas trop quoi faire. »

Elle entend alors parler du salon Hopwine, qui se déroule en janvier 2021. « Je me suis dit que le mois de janvier risquait d’être très calme d’un point de vue commercial et que je pouvais essayer cette formule. » Autre atout, contrairement à un salon classique, la mise en relation via ordinateur est moins stressante pour le niveau d’anglais. « J’ai appelé tous les francophones, témoigne-t-elle. En revanche, j’ai écrit des e-mails à tous les étrangers. »

Bien sélectionner ses contacts pour optimiser le salon

Elle a opté pour la formule à 1 500 euros, lui permettant d’envoyer 35 coffrets de deux cuvées. « Dès le lundi matin, j’ai eu beaucoup de messages et de demandes de coffrets, indique-t-elle. Je me suis dit qu’à ce rythme, je ne tiendrais jamais la semaine et qu’il fallait que je réfléchisse stratégiquement. » Elle s’est alors mise à éplucher chaque profil et à sélectionner les plus intéressants. « Grâce à ça, j’ai trouvé un importateur en Pennsylvanie et un au Danemark », se réjouit-elle. Un an après, cela lui a permis de commercialiser huit palettes, payées à l’avance ! Un bilan plus que positif pour cette vigneronne, qui avoue qu’un salon virtuel coûte en plus moins cher qu’un vrai salon. « Il n’y a pas les frais d’hébergement, de garde des enfants, etc., justifie-t-elle. En revanche, le contact physique manque pour bien sentir les interlocuteurs. » Un manque qui en vaut néanmoins la chandelle…

en bref

Regroupement + Déléguer la partie commerciale, sécurité de paiement

- Grande réactivité nécessaire

VIE + Ouverture et donner une opportunité à un jeune

- Investissement financier et humain

Gamme spécifique + Bonne valorisation

- Difficulté à trouver ce type de partenariat

Salon virtuel + Coût limité

- Pas de contact physique

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