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Changement climatique
Pourquoi l’agriculture bas carbone vantée par Julien Denormandie ne plaît pas à tout le monde

Alors que le ministre de l’Agriculture français tente de promouvoir le label bas carbone auprès de ses homologues européens, la Confédération paysanne dénonce « un nouveau business du carbone » au service du secteur privé.

Julien Denormandie dans une ferme laitière.
Julien Denormandie a emmené ses homologues européens visiter une exploitation laitière bas-carbone dans le Bas Rhin.
© Photos Xavier Remongin/agriculture.gouv.fr

[Mis à jour le 9 février 2022]

Pour son deuxième conseil agricole de l’Union européenne en tant que président, Julien Denormandie a choisi de vanter les mérites de l’agriculture bas-carbone à ses homologues européens. Après une journée de visites, à l’Inrae du Haut-Rhin pour voir des essais sur la vigne puis dans une exploitation laitière labellisée bas-carbone, le ministère de l’Agriculture tient ce matin avec ses homologues une réunion sur le sujet.

Le leitmotiv de Julien Denormandie : « là où l’on capte le plus de carbone sur terre après la mer c’est dans le sol et notamment le sol agricole. La question est de savoir comment faire pour que l’agriculture devienne un vrai levier pour capter le carbone », a-t-il expliqué en marge de l’évènement.

Dans une communication du 15 décembre dernier, la Commission européenne a annoncé qu’elle proposerait d’ici fin 2022 un règlement pour développer un nouveau modèle économique vert autour de l’agriculture bas-carbone se traduisant notamment par la mise en place d’un cadre de certification centré sur la séquestration du carbone.

Dans ce cadre, Julien Denormandie espère faire adopter des conclusions au Conseil agricole d’ici fin mars en faveur du modèle français, et notamment du label bas-carbone qui permet aux agriculteurs de s’engager dans une baisse des émissions de leurs exploitations sur 5 ans contre une rémunération par le marché. Un label « adopté par 13 000 agriculteurs captant 690 000 tonnes de CO2 », a souligné Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, sur twitter.

« Face au changement climatique, l’agriculture se retrouve face au défi de réduire ses émissions mais aussi face à l’opportunité de capter du carbone », explique le ministre de l’Agriculture français. Et pour amplifier la dynamique de captation de carbone dans le sol par les agriculteurs, il mise sur un financement via l’émission de crédits carbone. La réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’augmentation du stockage du carbone dans les sols via des pratiques agricoles adaptées (gestion du bétail et des effluents, implantation de haies, préservation des prairies permanentes et des zones humides) « nécessite d’être accompagnée, au-delà des financements publics par le développement de financements privés notamment dans le cadre de la compensation carbone volontaire qui permet à des acheteurs de crédits carbone de contribuer au financement de la transition bas-carbone des secteurs agricole et forestier », explique le ministère de l’Agriculture français dans son dossier de presse.

Notre rémunération doit provenir de l’alimentation que nous produisons

Une stratégie qui ne plaît pas à la Confédération paysanne. « Pour répondre aux enjeux climatiques de l’agriculture, le gouvernement français n’a d’autre mot à la bouche que le marché carbone et la compensation. […] C’est la preuve de l’échec de sa politique sur le revenu paysan. Notre rémunération doit provenir de l’alimentation que nous produisons », déplore le syndicat minoritaire agricole.

La Confédération paysanne estime que des pratiques agricoles reconnues pour séquestrer le carbone existent déjà comme : la baisse des engrais et des pesticides, la diversification des cultures et des productions, les semences paysannes, le lien systémique entre production animale et production végétales, les haies… « Ce sont ces pratiques paysannes qui doivent être incitées, accompagnées, et soutenues pour une politique publique ambitieuse. Pas la création d’un nouveau « business » du carbone, promu par un ministre de l’Agriculture qui préfère jouer l’intermédiaire entre les différents acteurs privés pour provoquer « un alignement d’intérêts économiques », déclare le syndicat dans un communiqué. La Confédération paysanne exprime sa crainte que le marché des crédits carbone n’entraine « d’importants accaparements des terres » et rende « les agriculteurs dépendants d’acteurs économiques qui choisiront les pratiques qu’ils financent ».
 

Le ministre allemand parle de « greenwashing »

Une opinion partagée par le collectif Pour une autre Pac, dont la Confédération paysanne est membre, au côté de la Fnab, CIWF, FNE, Générations futures ou encore WWF. Le marché des crédits carbones agricoles « est une solution prétendument magique pour lutter contre le changement climatique et pour améliorer le revenu des agriculteurs » estime le collectif, pour qui ce sont les aides de la Pac qui doivent en priorité servir à réorienter le modèle agricole européen. Citant une étude réalisée en 2020 par le Réseau Action Climat, la plateforme Pour une autre Pac estime que le label bas-carbone « n’induit pas de changement structurel et systémique des pratiques agricoles ». Par ailleurs, elle rappelle que les émissions directes agricoles de GES sont issues de trois gaz - CO2 (1%), méthane (55%) et protoxyde d’azote (45%) – et juge que les efforts devraient être plutôt concentrés sur la réduction permanente du méthane et du protoxyde d’azote « dont la source principale sont respectivement l’élevage intensif et les engrais de synthèse ».

A l’heure où nous écrivons ces lignes, les ministres de l’agriculture européens ne se sont pas officiellement exprimés sur le sujet mais selon nos confrères d’Agra Presse, si le ministre Espagnol Luis Planas confirmé son intérêt pour le dispositif, son homologue allemand Cem Ozdemir a fait savoir qu’il « fallait éviter tout « greenwashing ».

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