Viande : pourquoi les prix des coproduits chutent, ce qui met les abattoirs en péril
Dans un communiqué de presse du 5 octobre, le syndicat Culture viande annonce que les 300 entreprises qu’il représente sont au bord de l’asphyxie. L’effondrement des prix des coproduits va accélérer la chute.
Dans un communiqué de presse du 5 octobre, le syndicat Culture viande annonce que les 300 entreprises qu’il représente sont au bord de l’asphyxie. L’effondrement des prix des coproduits va accélérer la chute.
Paul Rouche, directeur général du syndicat Culture viande qui représente les entreprises d’abattage-découpe françaises ne cache pas son inquiétude. La filière des abattoirs est d’après ses propres termes « vacillante ». « Quatre phénomènes liés nous prennent en étau : le recul des abattages, la flambée des coûts notamment de l’énergie qui a été multiplié par trois, la progression des importations de viandes bovine et porcine et la pression constante des distributeurs, encouragés par le gouvernement et son projet de loi pour l’accélération des négociations commerciales. »
Les équarisseurs cherchent à se rattraper sur le dos de nos entreprises en augmentant le coût de leur prestation
La situation s’est aggravée ce trimestre pour deux raisons. « D'une part, concernant les co-produits vendus aux équarisseurs, on observe un effondrement de leur prix de rachat, notamment pour les marchés des gras et des suifs alors même que ces derniers sont indexés sur le cours du pétrole qui, lui, a augmenté. Mais nos entreprises n’en ont pas vu la couleur », déplore Paul Rouche. «D'autre part, face à la baisse des volumes d’abattage, les volumes des co-produits ont aussi diminué. Les équarisseurs cherchent à se rattraper sur le dos de nos entreprises en augmentant le coût de leur prestation ». A cela s’ajoute la fermeture il y a quelques semaines du marché vietnamien, grosse plaque tournant des protéines animales transformées (PAT).
Pour le directeur général de Culture viande, les prix de rachat et les tarifs de prestation des équarisseurs sont pour le moins «opaques». «Ils sont imposés par les deux acteurs quasi-monopolistiques de l’équarrissage, Akiolis et Saria, qui sont dans une logique de maximisation de leurs comptes d’exploitation.»
Les taux de marge des entreprises des viandes bovine et porcine en chute libre
Les entreprises d’abattage-découpe se débattent aussi avec la baisse des marges en viande. En mai 2023, l’Observatoire des prix et des marges (OFPM) indiquait que le taux de marge nette était passée entre 2021 et 2022 de 1,2% à 0,8% pour la viande bovine et de 2 à 0,5% pour la viande porcine. Une marge nette qui risque encore d’être dégradée en 2023. « La plus grosse conséquence de toutes ces données, c’est de voir nos entreprises les plus modestes se restructurer voire fermer. Dans certains abattoirs, on a déjà supprimé un jour de travail par semaine. »
Nous n'avons pas réussi à convaincre le gouvernement que nos entreprises étaient électro-intensives
Face à la situation, Culture viande en appelle aux pouvoirs publics et demande des aides urgentes pour « donner aux entreprises une bouffée d’oxygène et leur adresser un signe fort. » « Pour commencer, il faudrait que nos abattoirs puissent bénéficier des aides pour l’énergie », revendique Paul Rouche. « Compte tenu des contraintes du dispositif d’Etat, seules 6% d'entre eux ont pu obtenir le bouclier énergétique. Nous n’avons pas réussi à convaincre le gouvernement que nos entreprises étaient électro-intensives. » Culture viande demande également un plan adéquat et renforcé d’aides pour les dépenses énergétiques, et de nouvelles mesures fiscales plus adaptées à la situation des entreprises.
Un courrier adressé à Bruno Le Maire resté sans réponse
En février 2023, lors du salon de l’Agriculture, une délégation de Culture viande avait rencontré Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances pour lui remettre en mains propres, un courrier alertant sur la situation précaire des abattoirs. Huit mois plus tard, cette sollicitation reste lettre morte. Cette nouvelle alerte en plein sommet de l’Elevage à Cournon va peut-être faire bouger les choses. « De toute façon, si notre maillon casse, toute la filière s’effondrera avec nous. »
Culture viande représente 300 entreprises, employant 36 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires global de 14 milliards d’euros. Des chiffres qui sont peut-être appelés à baisser prochainement ?