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Quelles sont les initiatives d’arrêt de coupe des queues des porcelets de nos voisins européens?

Alors que des pays scandinaves ont abandonné la coupe des queues, des plans d’actions ont été mis en place dans certains pays du reste de l’Europe, avec des résultats jusqu’à présent mitigés.

Interdite de manière systématique depuis 2008, la coupe des queues des porcs reste pourtant largement pratiquée en Europe. 

Lire aussi : Une visite en Finlande pour comprendre les queues longues

C’est ce qu’a confirmé un audit de la Commission européenne de 2018, indiquant que la caudectomie pour prévenir les morsures de queues était réalisée sur plus de 90 % des porcs européens. Ce taux cache une forte disparité entre États membres, avec d’un côté les pays du nord de l’Europe, dont la législation va même au-delà de la directive européenne et qui représentent quelques pourcents de la production européenne, et le reste de l’Europe. À l’occasion du congrès de l’AFMVP (1), Vincent Dedet, du cabinet Auzalide, spécialisé dans la veille scientifique, a fait un focus sur la réglementation et les démarches mises en place dans certains États membres, concernant l’arrêt de la coupe des queues.

La caudectomie abandonnée en Europe du Nord

« En Scandinavie, la Finlande, la Suède et la Norvège ont une production nationale ayant de longue date abandonné la coupe de queue », explique le vétérinaire. Ces pays appliquent en parallèle des conditions d’élevage plus strictes, notamment en matière de densité. La surveillance des lésions sur les queues est réalisée en routine dans les abattoirs, en complément d’enquêtes ponctuelles. « La proportion de porcs à queue intacte à l’abattoir est de l’ordre d’un sur deux. Celle de queues avec lésions sévères varie entre 2 et 12 % », résume-t-il.

En Suède, l’interdiction de la coupe des queues effective depuis 1988 s’est accompagnée de mesures obligatoires pour maîtriser les facteurs de risque (caillebotis sur 35 % de la surface en post-sevrage et en engraissement, surface minimale de 6 m2 pour la truie et sa portée…). Selon les données de surveillance, le taux de queues mordues atteint entre 1 à 3 %, « une queue étant notée « mordue » si au moins la moitié de la queue manque, précise-t-il toutefois. Cela contribue à expliquer de tels scores. » Une enquête ponctuelle a aussi montré 6-7 % de lésions sévères et/ou de queue raccourcie.

En Finlande, l’interdiction de caudectomie, plus récente (2003), est associée là aussi à des obligations en élevage : litière et matériaux manipulables toujours présents ou ajoutés deux fois par jour, infirmerie sur au moins 5 % de la surface, un tiers maximum de surface caillebotis (dérogation jusqu’en 2028 pour les vieux bâtiments)… « L’utilisation de matériaux manipulables au-delà du minimum réglementaire peut sous certaines conditions être subventionnée. » La notation des queues à l’abattoir est systématique depuis 2013. La part d’élevages avec des morsures sévères est de 1 % par an. Une étude ponctuelle a montré que la moitié des porcs n’avait pas la queue intacte à l’arrivée à l’abattoir.

En Suisse, la caudectomie est interdite depuis 2008 (elle était autorisée sous anesthésie depuis 2001). Il n’y a pas de surveillance de routine à l’abattoir mais des enquêtes ponctuelles. « La dernière portant sur 200 000 porcs, représentant 7 % de la production nationale, montre un taux de queue entière de 63 %, bien plus faible sur les femelles. »

Des plans d’action dans le reste de l’Europe

Après l’audit de 2018 de la Commission européenne, d’autres pays ont mis en place un plan d’action visant à maîtriser les facteurs de risque de morsures et encourager l’élevage de porcs en queue entière. « Qu’ils soient d’ampleur nationale et/ou expérimentale, leurs effets n’ont été évalués qu’à un stade intermédiaire. Ils doivent s’achever fin 2023. Les évaluations préliminaires ne sont pas de nature à convaincre que la généralisation de l’abandon de la coupe de queue sera chose aisée, remarque-t-il. Les tentatives pour arrêter la coupe de queues sont timides et ne montrent pas de solutions uniformes. »

En Allemagne, les éleveurs qui intègrent la démarche bien-être Tierwohl bénéficient d’une prime pour les porcs élevés à queue intacte. Un plan d’action « interdiction de la coupe des queues » a été lancé en 2019. Il comprend notamment un engagement progressif des éleveurs sans problème de caudophagie (c’est-à-dire avec moins de 2 % de blessures à la queue) à mettre en place un lot témoin à queue entière sur au moins 1 % des places d’engraissement. Mais dans les faits, ce plan d’action serait diversement appliqué. En fonction de l’évaluation du plan d’action attendue fin 2023, l’Allemagne indiquera à la Commission européenne si elle est en mesure de renoncer à la coupe des queues en routine, sachant que la loi fédérale de protection animale est en cours de réécriture. Les résultats définitifs d’essais dans cinq stations expérimentales (projet Schwip) pourraient peser dans la balance : malgré un environnement d’élevage optimisé (densité, nombreux aménagements), la moitié des porcs avait des morsures à la queue en fin d’engraissement, loin de l’objectif maximal attendu de 10 %. Par ailleurs, le gouvernement fédéral allemand a publié un projet de loi sur l’étiquetage du mode l’élevage des animaux. Parmi les exigences, l’obtention de plus de 70 % de queues intactes par élevage (objectif à atteindre sur trois ans) !

Aux Pays-Bas, la coupe de queue est interdite sauf justification sanitaire (attestation fournie par le vétérinaire traitant de l’élevage, à renouveler tous les ans). Une nouvelle loi de protection des animaux en cours d’adoption interdirait totalement la coupe des queues en 2030, pour laisser le temps aux éleveurs de faire les adaptations nécessaires. Le label bien-être « Better leven », très présent sur les produits en grande distribution, interdit la coupe des queues dans les niveaux supérieurs 2 et 3 étoiles.

En Italie, un plan gouvernemental pour élever des porcs à queue intacte a été mis en place en 2018. Les éleveurs peuvent demander une dérogation pour continuer la caudectomie. Une grille d’audit uniformisée est utilisée systématiquement par les vétérinaires. « Une étude dans le plus grand abattoir italien publiée en 2020 montre que 15 % des lots avaient été élevés sans coupe de la queue : parmi eux, 44 % avaient des lésions sur la queue. » Vus ces résultats, le plan expérimental a été prolongé.

Au Danemark, le plan d’action date de 2014. Comme en France, les éleveurs doivent depuis 2019 enregistrer les lésions caudales pour justifier la poursuite de la coupe de queue. Le bilan de la campagne d’inspection de 2023 n’est toujours pas publié. Un modèle de subventions et de pénalités a été présenté mais il n’est pas encore appliqué.

En Espagne, un plan d’action existe depuis 2018. Depuis janvier 2023, un décret royal a été publié. Il intègre des exigences d’espace, d’enrichissement et de « limitation » des mutilations. Le guide de bonnes pratiques ne mentionne rien sur la coupe des queues.

(1) Association française de médecine vétérinaire porcine

Repères

Ce que dit la réglementation

La coupe des queues n’est pas autorisée de manière systématique. Si malgré la mise en place de mesures correctives, les morsures persistent, l’éleveur peut recourir à la coupe des queues. S’il ne constate pas de morsures sur une période de six mois, il doit essayer progressivement d’arrêter la coupe des queues.

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