Quelles marges de manœuvre pour renouveler son cheptel truies en bio ?
Depuis le début d’année 2023 la Chambre d’agriculture de Bretagne recense les différents postes clés du renouvellement de cochettes en production biologique.
Depuis le début d’année 2023 la Chambre d’agriculture de Bretagne recense les différents postes clés du renouvellement de cochettes en production biologique.
Les Chambres d’agriculture de Bretagne ont voulu informer les éleveurs installés en agriculture biologique (AB) sur les clés pour un renouvellement réussi du cheptel reproducteur porc.
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Pour rappel, le cahier des charges impose plusieurs contraintes lorsqu’il s’agit d’introduire des cochettes dans le troupeau de truies.
Pas plus de 20 % de cochettes non bio
L’achat de cochettes non bio ne doit pas dépasser 20 % du cheptel adulte (40 % si extension importante). Des reproducteurs non bio peuvent être introduits uniquement lorsque les animaux bio ne sont pas disponibles (1). Un site internet liste l’offre de reproducteurs d’origine biologique disponibles en France et en temps réel. Si aucune offre d’animaux bio n’est disponible, c’est-à-dire que le type génétique, l’âge, et le nombre ne correspondent pas aux critères de l’éleveur, une dérogation pour achat de reproducteurs conventionnels pourra être accordée. Cependant, la réglementation limite toujours à 20 % le nombre de cochettes non bio achetées. On sait que le renouvellement moyen dans un élevage dépasse les 40 %. Cela oblige donc les éleveurs à produire eux-mêmes la différence. Les Chambres d’agriculture de Bretagne se sont intéressés aux méthodes permettant de renouveler un troupeau biologique. Le constat révèle qu’une grande majorité des éleveurs de porcs bio pratiquent le croisement alternatif, de l’ordre de 60 %. C’est le moyen le plus simple de produire ses cochettes sur l’élevage. Bien souvent, la souche originale est une croisée Large-White (LW) x Landrace (LR) d’une lignée commerciale. Une troisième voie de verrat est parfois utilisée, il s’agit de la souche Duroc, qui apporte des qualités différentes aux truies, notamment pour la qualité de la transformation bouchère. Cette approche a permis d’évaluer le prix approximatif d’autoproduction d’une cochette bio. D’après les chiffres récupérés, il en résulte que produire soi-même ses cochettes biologiques en croisement alternatif, coûterait entre 350 et 390 euros. Les coûts des doses, de la redevance génétique, de l’aliment, du temps passé et le prix du porcelet ont été intégrés. Le coût des infrastructures liées à l’élevage des jeunes cochettes est un élément important aussi, qui n’est pas intégré au calcul (voir Réussir Porc de juin 2023, étude Biosim, Ifip, Itab, Chambres d’agriculture). Le coût des inséminations est proche d’un élevage à l’autre, de 6 à 8 euros par cochette produite. La redevance génétique, quant à elle, varie fortement selon la souche utilisée et le nombre d’individus produits par an. Elle coûte en moyenne 46,22 euros par cochette produite. À titre de comparaison, le montant moyen des cochettes bio achetées se situe entre 520 et 550 euros par animal. Malgré ce surcoût, 40 % des éleveurs de notre échantillon renouvellent en priorité en achat de cochettes. Les multiplicateurs certifiés AB en France ne sont pas nombreux mais leur offre est variée. Certains proposent même des cochettes bio pleines, afin de renouveler plus vite son cheptel (voir Réussir Porc, mai 2023, pages 28-29).
Aliment 100 % bio dès 35 kilos de poids vif
D’après les indications données par les éleveurs, la quantité moyenne d’aliment distribuée par cochette du post-sevrage à la fin de l’engraissement est de 384 kilos. En post-sevrage, elles consomment 45 kilos d’aliment 2e âge à 623 euros la tonne et 339 kilos d’aliment en engraissement à 504 euros la tonne (prix relevés pour la saison 2022-2023). Le coût alimentaire moyen d’une cochette de la naissance à 200 jours s’élève donc à 198,88 euros (soit 68 % du prix final de la cochette).
Pas d’hormones de synthèse pour synchroniser les chaleurs
Les éleveurs qui intègrent des jeunes reproductrices dans leurs bandes n’ont pas la possibilité de recourir à des hormones de synthèse pour les «cycler». Il leur faut donc largement anticiper leur puberté. L’ensemble des éleveurs interrogés commencent à observer les chaleurs en quarantaine six semaines avant la date présumée de saillie. Ils utilisent des techniques de stress par déplacement ou par contacts intermittents avec un verrat. L’apport d’huile de foie de morue (40 % des éleveurs) et de sucre (60 %) en plus d’un flushing complète la panoplie des outils mis en œuvre pour garantir la bonne venue en chaleur à la date espérée. Qu’elles soient autorenouvelées ou achetées, les cochettes mettent bas en moyenne à l’âge de 369 jours dans notre échantillon. Ce qui signifie que les éleveurs bio, ont su s’adapter à la fois au règlement de l’AB mais aussi aux besoins de leurs animaux.
Le facteur humain est prépondérant
Consacrer du temps à observer les cochettes, est une tâche indispensable afin de familiariser les futures reproductrices à l’éleveur. Cela permet aussi de détecter les éventuels problèmes (aplombs, boiteries, pathologies, retard de croissance ou de puberté…). C’est un poste où l’on peut voir quelques disparités d’un élevage à l’autre. Certains y passent deux heures par bande quand d’autres y consacrent près 13 heures. Ainsi, on obtient un coût moyen par cochette allant de 9,71 euros à 49,23 euros pour la partie apprivoisement et surveillance. Le calcul se base sur un revenu horaire par exploitant de 15 euros net de l’heure (2), pour une conduite en sept bandes, avec une intégration moyenne de 27,8 cochettes par an et par élevage (3). Malgré un nombre d’éleveurs de porc bio restreint et la baisse des abattages, il est primordial de continuer à progresser pour rester performant. L’enquête se poursuit et permettra d’affiner davantage les chiffres dans les mois à venir.
Nicolas Kolytcheff, nicolas.kolytcheff@bretagne.chambagri.fr
Avis d’expert - Nicolas Kolytcheff, Chambres d’agriculture de Bretagne
« La qualité des tétines avant tout ! »
« Afin de s’assurer d’avoir des cochettes qui auront une carrière la plus longue possible, sans problèmes physiques et en élevant des portées de porcelets de qualité, chaque éleveur sait qu’il doit scruter certains aspects physiques et comportementaux de ses animaux. Les trois premiers qui ont été cités le plus souvent parmi nos éleveurs sont : la qualité de tétines à 33 %. Les aplombs et le gabarit avec respectivement 25 % et 16 % permettent d’affiner les choix de cochettes, en particulier en autorenouvellement. »