« Ma maternité en production de porcs bio est bien conçue et performante »
Arnaud Jolly, éleveur de porcs dans les Côtes-d’Armor, a adapté avec succès sa conduite en maternité au cahier des charges bio. Mais il conçoit que la paille demande beaucoup de temps. La présence de niches s’avère également indispensable pour le confort thermique des porcelets.
Arnaud Jolly, éleveur de porcs dans les Côtes-d’Armor, a adapté avec succès sa conduite en maternité au cahier des charges bio. Mais il conçoit que la paille demande beaucoup de temps. La présence de niches s’avère également indispensable pour le confort thermique des porcelets.
Arnaud Jolly, installé à Plaintel dans les Côtes-d’Armor, a fait le choix, après trois ans de réflexion, de convertir son élevage en production biologique. À partir du permis obtenu en 2020, la certification a eu lieu en novembre 2021. L’élevage est passé de 250 truies en conventionnel conduit en cinq bandes de 50 truies avec un sevrage à 21 jours à un élevage de 150 truies conduit en quatre bandes de 34 truies avec un sevrage à 42 jours. La première bande bio a été sevrée en janvier 2022 et les premiers charcutiers certifiés ont été abattus en mai.
Retour pratique d’expériences sur la conception de la maternité et des matériels utilisés, la conduite des animaux et les évolutions réglementaires.
Comment s’est passé le changement de conduite en bande ?
Arnaud Jolly - La conduite en quatre bandes avec un sevrage à 42 jours permet de synchroniser les truies qui reviennent en chaleur dans la bande suivante (sauf une bande). Par ailleurs, les principales activités de naissage sont regroupées sur 15 jours, ce qui libère du temps sur les quatre autres semaines. Globalement, tout s’est bien passé. Le taux de fécondation a cependant baissé lors de la transition, autour de 80-82 %. Tout est revenu dans l’ordre avec des taux supérieurs à 90 %, sauf sur une bande saillie cet été pour laquelle nous n’avons pas trouvé d’explication. J’ai fait attention à introduire des cochettes dans chaque bande dès le départ pour avoir un rang moyen de portée homogène.
Que pensez-vous du sevrage à 42 jours ?
A.J. - Le sevrage à 42 jours se passe bien. J’arrive à maintenir mes truies en état : elles consomment très bien et je trouve même qu’elles sortent de maternité en meilleur état qu’avec un sevrage à 21 jours ! Il a fallu adapter les quantités d’aliment distribuées aux porcelets car ils consomment beaucoup plus sous la mère. En tout cas, je note que mes truies reviennent bien en chaleurs.
À partir de quand les truies et les porcelets ont accès à l’extérieur ?
A.J. - Les porcelets ont accès à l’extérieur dès la naissance, mais très peu y vont. Pour les truies, l’accès aux courettes se fait sept jours après la mise bas. En revanche, il est difficile de savoir combien chaque truie sèvre de porcelets, vu que ces derniers ont accès à quatre cases. Les porcelets sont cependant assez fidèles à leur tétine. Au départ, ils avaient accès aux 17 cases de chaque rangée. Mais j’avais remarqué que certains se perdaient. Avec quatre cases communes, ils retrouvent facilement leur mère. Cela leur permet aussi de bien repérer la zone d’alimentation une fois qu’ils sont sevrés (les porcelets restent environ trois semaines dans la maternité après sevrage). Malgré cela, les truies écrasent en moyenne un porcelet après leur libération. Nous testons actuellement des solutions pour limiter ces pertes.
Comment la paille est-elle gérée ?
A.J. - Il vaut mieux utiliser de la paille bien broyée avec des brins courts car elle absorbe mieux et elle est plus facile à ramasser à la pelle. On enlève le fumier tous les matins et on repaille abondamment le coin à porcelets sous la lampe. La consommation de paille est d’environ trois tonnes par bande, soit près de 100 kilos par place. En termes de main-d’œuvre, la gestion de la litière représente près d’une UTH pour l’ensemble de l’élevage. Il faut en moyenne deux jours pour nettoyer la maternité de 34 places intérieur et extérieur, soit une demi-heure par place. Pour suivre les maternités, il faut une matinée par jour durant les 15 premiers jours, puis un peu moins quand les truies vont dehors car les trois quarts font bien leurs déjections dans les courettes.
Quels sont les aménagements réalisés en faveur du bien-être ?
A.J. - Le bâtiment a été conçu pour faciliter l’évacuation des jus. Il présente une double pente sur sa longueur (40 mètres) avec un dénivelé de 1,5 %. Le sol des cases présente également une pente à 2 % depuis le couloir central vers les portillons d’accès à l’extérieur. Ensuite, le bâtiment est spacieux et lumineux grâce aux puits de lumière. Il est bien équipé, même si quelques aménagements manquent encore pour maximiser le confort des porcelets. Les murs en béton isolé sont lisses et faciles à laver. La ventilation est statique. Ça se passe très bien et je fais des économies d’énergie ! Mais en hiver, compte tenu de la surface du bâtiment, il est délicat de garder la chaleur dans la salle tout en gérant l’humidité relative les jours de pluie et de vent. J’ai donc fermé toutes les entrées d’air au niveau des portes.
Quels trucs et astuces avez-vous mis en place au fil de l’eau ?
A.J. - Les truies avaient du mal à comprendre comment ouvrir la porte afin d’entrer dans leur case depuis la courette. Grâce à un morceau de bois qui empêche la porte de se refermer complètement, elles comprennent plus vite le système : au bout de trois à quatre jours, elles ont intégré la présence de la poignée et je peux enlever le bout de bois. Par ailleurs, nous rentrons les truies dans la maternité sur deux jours : les jeunes d’un côté du bâtiment et les plus âgées de l’autre. C’est mieux pour le sanitaire des porcelets.
Quelles sont les évolutions prévues ?
A.J. - Je vais ajouter des nids pour les porcelets car il est actuellement difficile de maintenir la température idéale pour assurer leur confort thermique après leur naissance. Lors des épisodes de froid, le système d’alimentation pneumatique, qui fonctionne par soufflerie des silos jusqu’à une trémie à l’entrée de la maternité, s’est bloqué à cause du gel. Compte tenu du fait que les salles ne sont pas chauffées et de leur grand volume, il va falloir réfléchir à une solution. Déjà, je vais purger plus fréquemment mon compresseur ! J’ai aussi investi dans une petite chargeuse, plus maniable que le télescopique pour racler le fumier dans les courettes extérieures. La découverture sur ces courettes est un point délicat à gérer car dès qu’il pleut, il faut sans cesse repailler pour maintenir une litière à peu près sèche. C’est la réglementation et il n’y a pas de solution pour améliorer ce point. Il reste beaucoup de choses à faire, mais on améliore progressivement l’organisation du travail et l’organisation des hommes et des animaux. L’idée est, qu’à terme, une personne seule puisse gérer l’élevage pendant une semaine creuse. Actuellement, ce n’est le cas que pendant les week-ends, sauf celui des IA et des mises bas.