Comment « muscler » sa méthode de recrutement d'un salarié porcin
Conseillère en ressources humaines à la chambre d’agriculture de Bretagne, Simone Ansquer invite les agriculteurs à revoir leur façon d’attirer et de fidéliser les salariés, en s’inspirant notamment de pratiques utilisées dans d’autres secteurs.
Conseillère en ressources humaines à la chambre d’agriculture de Bretagne, Simone Ansquer invite les agriculteurs à revoir leur façon d’attirer et de fidéliser les salariés, en s’inspirant notamment de pratiques utilisées dans d’autres secteurs.
Pour remédier aux difficultés à embaucher, Simone Ansquer encourage le milieu agricole à utiliser de nouvelles pratiques de recrutement et de management qui se développent. « Il n’y a pas de recettes miracles mais des pistes à explorer », a expliqué la conseillère en ressources humaines, lors d’une journée des chefs d’entreprises agricoles organisée par la chambre d’agriculture de Bretagne. « Il faut bien avoir en tête que le profil de salarié d’aujourd’hui n’est plus le même que celui d’il y a 20-30 ans. Une évolution qui doit être intégrée par l’éleveur dans sa façon de recruter. » Elle part de plusieurs constats. « Le rapport de force entre le recruteur et le recruté s’est inversé, en particulier dans les bassins de l’emploi tendus." Le futur recruté a davantage le choix et peut plus facilement poser ses conditions. De plus, la sécurité de l’emploi ne l’attire plus autant. « Les jeunes ne cherchent pas forcément un CDI. Ils veulent parfois un CDD pour 'se sentir libres' ». Par ailleurs, ils cherchent des missions qui ont du sens (par exemple : nourrir la planète) et qui leur permettent de s’épanouir personnellement.
Bien travailler son offre d’emploi
Le recruteur doit également tenir compte de la génération à laquelle appartient le futur recruté. « Alors que la génération des baby-boomers (nés avant 1964) recherchait un travail à vie, la réussite professionnelle pour la génération X, un meilleur équilibre vies privée/professionnelle pour la Y, les générations Z et alpha (nées après 1995) sont très orientées sur le partage, le collaboratif. » Elles grandissent avec la tablette, le smartphone, les réseaux sociaux, les objets connectés, l’intelligence artificielle… Ainsi, les élevages connectés utilisant de la robotisation augmentent leurs chances d’attirer les jeunes.
La difficulté à recruter s’explique en partie par la pénurie de compétences, avec des profils recherchés souvent très techniques, et par le manque d’attractivité face aux grandes entreprises. « Il ne faut pas fermer la porte à des profils atypiques, non issus du milieu agricole et non expérimentés, et accepter de les former. N’hésitez pas à bien vendre le poste proposé sur l’offre d’emploi en parlant du 'talent' recherché et en mettant en avant vos atouts : un bon salaire, un bâtiment neuf, les conditions de travail… Il faut veiller à bien travailler l’annonce en parlant de cultures d’entreprises plutôt que de tâches trop précises et en vendant mieux l’environnement de travail », résume-t-elle. L’offre d’emploi doit être en cohérence avec les valeurs, la promesse et les exigences de l’exploitation. C’est également le cas pour l’entretien d’embauche, l’accueil du premier jour, la phase de découverte des cinq premiers jours et la période d’essai. « Il faut prendre le temps d’accompagner le recruté dans tous ces 'moments vérités' d’un recrutement. »
Se construire une réputation positive
Enfin, la conseillère incite les chefs d’exploitation à développer leur « marque employeur », en tenant davantage compte de « l’expérience collaborateur ». Concrètement, il s’agit de se construire une réputation positive en s’appuyant sur toutes les personnes qui passeront sur l’exploitation. « Chacune d’entre elles devient un 'ambassadeur' de votre élevage : un salarié, un contrat pro, un stagiaire… Quelle que soit la durée de sa présence dans l’élevage, il parlera forcément de son expérience, qui doit être la plus positive possible. » D’une manière générale, on sait que 70 % des candidats cherchent des avis en ligne sur l’entreprise avant de s’engager et 75 % des salariés sortants ne la recommandent pas. Deux chiffres pour finir de convaincre sur l’importance de l’expérience collaborateur.
AVIS
Daniel Audo, salarié en porc et président de l’Anefa du Morbihan
« Fidéliser son salarié avec un bon accueil »
« La fidélisation du salarié passe d’abord par un bon accueil. Cela paraît évident mais il est important que le salarié ne se sente pas livré à lui-même à son arrivée et que l’employeur lui consacre suffisamment de temps pour lui expliquer son travail. Cela passe avant même le salaire qui aura été discuté en amont au cours de l’entretien d’embauche. Le poste doit être bien défini. Il est important qu’il sache dès le départ comment sont réparties les différentes responsabilités entre salariés. Fidéliser passe aussi par une bonne communication. Le salarié sera d’autant plus valorisé s’il se sent écouté et associé aux différents projets de l’exploitation. Il doit pouvoir exprimer son avis à un moment donné, surtout si un changement impacte l’organisation de son travail et ses horaires (par exemple une évolution de la conduite en bande). Bien sûr, le salarié ne doit pas profiter de sa position de force actuelle. À lui également d’avoir une certaine souplesse lorsque c’est nécessaire dans l’intérêt de l’exploitation mais aussi du sien (par exemple, une flexibilité momentanée dans les horaires quand l’exploitation passe un cap difficile). Tout comme l’employeur, le salarié a des droits mais aussi des devoirs. »
Avoir un salarié à temps partagé
Installé dans le Morbihan avec son épouse sur une exploitation laitière et de cultures fourragères, Pierre-Yves Le Bozec est adhérent et président du groupement d’employeurs à temps partagé départemental du Morbihan Solutis (1). C’est par son intermédiaire qu’il emploie un salarié trois à quatre jours par semaine, le même depuis neuf ans. « C’est nous-mêmes qui l’avons proposé à Solutis. Nous le connaissions bien car il avait été apprenti sur l’exploitation en 2009. Nous avions besoin de main-d’œuvre extérieure à temps partiel. Mais en pleine crise laitière, nous ne voulions pas l’embaucher en direct en créant un groupement d’employeurs à deux exploitants. C’était trop risqué pour nos deux exploitations (risque financier) comme pour le salarié. »
Impliqué dans tous les projets de l’exploitation
Embauché par Solutis, le salarié a pu profiter d’une formation, notamment pour acquérir davantage d’autonomie de décision. Il travaille aujourd’hui dans deux exploitations dont celle de Pierre-Yves Le Bozec, où il est responsable de la mise en place des cultures. Il est impliqué dans la vie de l’exploitation, comme s’il en était un salarié direct. « J’ai pris l’habitude de l’appeler tous les soirs (10 minutes à peine) pour organiser la journée à venir, lui annoncer le programme de la semaine et mes journées d’absence pour les responsabilités professionnelles, ou tout simplement pour prendre la température… Il serait probablement parti depuis longtemps si je ne le faisais pas. Il a participé à tous les projets de l’exploitation : réflexion sur la salle de traite, évolution des pratiques culturales… » Le salarié travaille sur l’exploitation parfois le samedi et deux à trois dimanches par an. Passer par un groupement d’employeurs départemental adossé à un service de remplacement a plusieurs avantages. Cela donne de la flexibilité en cas d’arrêt maladie du salarié ou de l’éleveur. En cas de conflit, le groupement peut intervenir comme médiateur. Les conditions salariales sont discutées une fois par an, en accord avec les trois parties.