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Une vie de mouton au salon

Ils sont plus de 600 béliers, brebis et agneaux qui viennent avec leurs éleveurs au salon de l’agriculture chaque année. Ce séjour parisien n’est pas de tout repos. Un jeune bélier charollais témoigne.

Je suis venu de Corrèze avec deux copines Suffolk et mon éleveur. Après quatre heures de route, avec une pause toutes les deux heures pendant laquelle le chauffeur nous abreuve et s’assure que nous supportons bien le voyage, nous sommes enfin arrivés à Paris. C’est l’organisme de sélection du mouton Charollais qui se charge du transport, j’étais donc avec les autres gars de la race dans la bétaillère. C’est toujours l’OS qui prend en charge notre hébergement sur place et qui gère la main-d’œuvre qui va prendre soin de nous pendant les dix prochains jours [NDLR : neuf jours en fait à cause du coronavirus].

Une surveillance sanitaire efficace

Lorsque j’arrive dans le hall 1, je découvre mon enclos et mes colocataires. Nous serons trois, dans une cage de quatre mètres carrés. Je sors mon mètre pour vérifier que tout cela est bien aux normes. Il faut compter un mètre carré pour une brebis et deux mètres carrés pour un bélier. Comme je suis un agneau de 2019, de même que mes colocataires, nous ne sommes pas encore trop gros et donc la surface nous convient bien. Ces enclos, il y en a près de 200, pour la plupart groupés autour du ring ovin, mais aussi quelques-uns sur les stands des régions, pour présenter les races ovines locales principalement. En tout, 36 races, dont celles à petits effectifs, sont représentées. Bien sûr, par les temps qui courent, le rassemblement d’autant d’animaux d’horizons différents peut faire peur et donner des sueurs froides à n’importe quel vétérinaire. Mais les choses sont bien faites et les races sensibles au Visna-maëdi sont tenues à distance des individus pouvant être porteurs sains. De plus, le vétérinaire de l’élevage passe une semaine ou deux avant notre venue à Paris et délivre, si tout va bien, un certificat de bonne santé du troupeau. Je suis nourri matin et soir, avec boisson à volonté, ils savent recevoir ces Parisiens ! Par contre, c’est mon éleveur qui paye le fourrage, mis à disposition par le Salon (mais pas du tout gratuitement) et c’est aussi lui qui fournit les concentrés. Il vaut mieux d’ailleurs, car la semaine s’annonce déjà éprouvante, pas la peine d’en rajouter avec un changement dans mon alimentation…

Pas de stress pour les ovins

Le vrai moment clé du salon pour moi, c’est le concours ! Il y a toute une préparation, pendant laquelle Romain, mon éleveur préféré, me bichonne. Il relève ma laine au niveau des gigots, pour mettre en avant mes belles gambettes, il coupe les brins de laine qui dépassent de ma toison, il raccourcit un peu ma queue pour que mon écusson soit bien dégagé. Tout est fait pour mettre en valeur ma belle conformation bouchère et ma parfaite légitimité comme représentant d’élite de la race. Si je suis aujourd’hui à Paris, c’est bien parce que je fais partie des 50 meilleurs de la race et ça, ce n’est pas rien ! Mon jeune éleveur de 22 ans, m’emmène jusqu’au ring en me tenant par une longe. C’est assez impressionnant, les badauds s’écartent devant moi, me prennent en photo et tentent de toucher ma laine, même si c’est interdit. Heureusement, le trajet entre mon enclos et la scène n’est pas long et je suis bien vite de retour avec mes comparses, au chaud dans la paille, renouvelée tous les jours. Ça ne me stresse pas plus que ça, étant donné que j’ai l’habitude des concours. J’aime être au centre de l’attention et recevoir des caresses. Pour mon éleveur, emmener des animaux au Salon de l’agriculture, ça représente tout de même un investissement, sans beaucoup de retombées derrière, si ce n’est montrer les plus beaux spécimens de chaque race aux visiteurs… et puis aussi retrouver les autres sélectionneurs, avec qui il a l’air de passer du bon temps… »

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