Un jour avec une inséminatrice d’ovins
L’organisme de sélection ovine Nord (Oson) est en charge du développement et de l’amélioration des races Île de France et Texel. Justine Lemaitre est responsable du centre d’IA et inséminatrice.
8 h
La journée débute avec la collecte. Les béliers dont la semence va être utilisée pour réaliser les inséminations sont prélevés par l’animalier du centre. La collecte peut commencer plus tôt lorsqu’il faut envoyer des doses à l’autre bout de la France ou à l’étranger par avion. Une dose d’insémination fraîche ne se garde pas plus de huit heures, c’est pour cela qu’il faut être rapide et précis. Pour l’Île-de-France, les inséminations se font principalement entre mi-avril et mi-juin. Et le calendrier des rendez-vous chez les éleveurs est établi à l’avance pour que la campagne se déroule le plus efficacement possible. « Cela demande une bonne organisation, témoigne l’inséminatrice, le planning est préparé en début de campagne pour prévoir au mieux des déplacements tous les jours. »
10 h
Une fois collectée, la semence est analysée. « Pour réaliser une paillette, il faut veiller à la bonne qualité des spermatozoïdes, explique Justine, passionnée. Pour cela je détermine la concentration obtenue après le saut du bélier et évalue la vitalité au microscope. » Certains béliers sont plus productifs que d’autres et cela varie aussi selon les saisons. La spermatogenèse dure deux mois. Quand il y a un pic de chaleur en août, cela se répercute sur les prélèvements d’automne. Après cela, l’inséminatrice sélectionne les béliers qui correspondent au mieux aux critères déterminés avec l’éleveur pour améliorer le patrimoine génétique de son élevage. « Nous connaissons les stratégies et les besoins de nos clients et, sauf demande expresse du client pour tel ou tel bélier, c’est nous seuls qui choisissons quel bélier prélever », explique-t-elle. Tout est consigné sur la fiche « Élevage – mise en place ». « Nous donnons une copie à l’éleveur qui pourra entrer ces données dans le logiciel Ovitel et nous gardons un exemplaire pour faire notre suivi d’IA », explique la jeune femme.
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11 h
Avec un éjaculat de bélier, Justine réalise entre 10 et 12 paillettes. Chaque dose est diluée dans du lait demi-écrémé ce qui permet de nourrir les spermatozoïdes pendant le transport. Lorsque les doses sont envoyées congelées, il faut y ajouter du jaune d’œuf en complément. Ensuite, les paillettes sont réalisées en aspirant le mélange dans des petites pailles. Chaque bélier prélevé possède sa propre couleur pour être bien repéré. Puis l’ensemble des paillettes est stocké en bombonne réfrigérée pour assurer un transport à la bonne température.
12 h
« Je réalise des inséminations sur un grand quart Nord-Est de la France. » L’inséminatrice se déplace dans un rayon de trois heures de voiture depuis Château-Thierry. Dans son camion elle transporte une case aménagée pour basculer les brebis à la sortie du couloir de contention et pouvoir inséminer plus facilement. « On l’a bricolé avec l’équipe d’Oson et customisé à mon goût ». Elle part toujours avec sa caisse qui contient un pistolet d’insémination, un spéculum, une lampe qui se glisse dans ce dernier, du gel lubrifiant, de l’alcool pour désinfecter, des gants et des ciseaux Tout est pris en double pour remédier à toute éventualité. Il ne faut surtout pas oublier la bombonne qui contient les paillettes !
12 h 30
C’est le départ pour le chantier. Aujourd’hui, Justine Lemaître se rend à Grignon, dans les Yvelines. Elle va inséminer une centaine de brebis de la ferme de l’école d’agronomie AgroParisTech. Pour les éleveurs, l’insémination est une aubaine à saisir, d’après Justine et les responsables de la ferme académique. « L’IA apporte un confort de travail avec le groupement des mises bas. Le sanitaire est mieux contrôlé qu’en monte naturelle et le progrès génétique est plus rapide et ciblé », explique Ludovic Gressent, le responsable de la ferme ovine. Le coût reste le principal frein au développement de l’IA, car il faut compter autour de 5,50 euros par paillette et 3 euros par brebis et le coût varie d’une race à une autre. Pourtant, toute la partie transport est prise en charge par l’État.
15 h
Lorsqu’elle arrive chez l’éleveur, l’inséminatrice commence par vérifier les brebis et installer sa case. Il faut s’assurer que les paillettes préparées sont en nombre suffisant et correspondent bien aux attentes de l’éleveur. Pour cela, Justine prépare toujours deux paillettes d’avance. « Même si une seul dose suffit pour féconder la brebis, cela permet de s’assurer que tout se passe bien s’il y avait un problème. » Pour l’insémination, l’idéal est d’être trois en complément de l’inséminatrice. Une personne qui vérifie quelle paillette mettre sur la brebis lorsqu’elle arrive et une personne pour soulever la brebis dans la cage et une troisième pour s’assurer qu’elle ne bouge pas ou ne donne pas de coup de pattes. Selon la visibilité qu’a Justine, elle demande au manipulateur de relever les pattes ou de les abaisser afin de bien voir le col de l’utérus. Quand l’insémination est faite aux cornadis, deux personnes suffisent pour soulever l’arrière-train. De cette manière, Justine peut déposer le contenu de la paillette juste à l’entrée du col de l’utérus de la brebis et assurer une réussite de l’insémination comprise entre 60 % et 80 %.
17 h
« Inséminatrice c’est avant tout un métier passion ». Justine Lemaître est fière de prendre part au progrès des races ovines en suivant et gérant la génétique du début à la fin. Fille d’éleveur ovin, elle ne se voyait pas travailler dans un autre domaine et ce qu’elle aime avant tout c’est le contact avec les animaux. « Bien sûr, être une femme et jeune en plus n’est pas simple. Il faut faire ses preuves et prendre le temps que les éleveurs me fassent confiance. » Ce métier est par ailleurs tout désigné pour assouvir sa soif de voyage, sillonner les routes et aller à la rencontre des éleveurs.
Curriculum
25 ans, originaire d’Orléans