Soulager ses prairies avec les fourrages d’été
En période de sécheresse, les prairies souffrent et se dégradent beaucoup plus vite sous l’action conjuguée du manque d’eau et du piétinement des animaux. Il est possible de mettre en place des fourrages à pâturer l’été pour libérer les autres parcelles.
En période de sécheresse, les prairies souffrent et se dégradent beaucoup plus vite sous l’action conjuguée du manque d’eau et du piétinement des animaux. Il est possible de mettre en place des fourrages à pâturer l’été pour libérer les autres parcelles.
Semées au printemps, les dérobées d’été telles que le sorgho, millet, moha ou encore teff grass ont besoin de chaleur et d’eau pour exprimer leurs aptitudes fourragères. Elles peuvent alors prendre le relais des prairies naturelles ou temporaires, qui souffrent davantage des conditions estivales extrêmes rencontrées ces dernières années. Les brebis peuvent alors y pâturer de juillet à octobre, laissant le temps aux prairies de se reposer et de se reconstituer dès les premières pluies.
Le semis de ces dérobées d’été doit avoir lieu entre mai et juin, entre les deux cultures principales de la parcelle. Passé cette période, « on prend un risque s’il ne pleut pas dans les jours qui suivent l’implantation », met en garde Patrice Pierre, de l’Institut de l’élevage. On compte 25 kilos par hectare pour le sorgho, 20 pour le millet perlé et 10pour le teff grass. Les dérobées vont rester en place pendant au moins 100 jours et selon les conditions climatiques, on peut espérer entre un et trois passages des animaux.
Des bons rendements de sorgho malgré la sécheresse
Des essais d’implantation ont été réalisés sur le site du Ciirpo au Mourier (Haute-Vienne) sur les étés 2021 et 2022. Ces deux années ont des profils pluviométriques et thermiques aux antipodes : 2021 a été favorable à la pousse des fourrages avec des précipitations importantes en juin (109 mm) et en juillet (86 mm). En juin 2022, si la pluviométrie a également été importante avec 146 mm, l’été a ensuite été marqué par une sécheresse de grande ampleur, combinée à de très fortes chaleurs allant jusqu’à 3 °C en moyenne de plus que les normales de saison. L’été 2022 a donc été très défavorable à la pousse des graminées, alors que les dérobées d’été ont enregistré des rendements supérieurs de 40 % à ceux de 2021. Les sorghos (hors variétés Photo Period Sensible-PPS) affichent un rendement de 15 tonnes de matière sèche par hectare en 2022 (contre 11 t MS/ha en 2021), tandis que les mohas, teff grass, sorghos PPS et millet perlé BMR ont produit autour de 11 t MS/ha en 2022 (8 t MS/ha en 2021). « Compte tenu des conditions climatiques, j’ai été très étonnée de la pousse du sorgho dans les trois élevages que je suivais. Il n’y avait alors que le sorgho de vert dans la campagne, avec des températures de 40 °C », souligne Béatrice Griffault, de la chambre d’agriculture de la Vienne.
Des valeurs nutritionnelles mitigées
Néanmoins ces dérobées d’été perdent vite en valeur protéique une fois le stade « épiaison » passée. En effet, le sorgho, moha, millet et teff grass présentent des valeurs azotées autour de 80 PDI par kilo de matière sèche au stade « épi 60 cm », convenable pour des animaux à besoins modérés et passent à 60 PDI/kg MS au stade « floraison ». Le fourrage au stade floraison pourra être pâturé par les brebis à l’entretien. La valeur énergétique, elle, reste plus constante, autour de 0,80 UFL/kg MS, quoique avec une légère diminution après le stade « épi 10 cm ».
Du fourrage pour les brebis à l’entretien
Au niveau appétence, le sorgho semble plutôt bien consommé par les brebis. Elles effectuent d’elles-mêmes une transition alimentaire sur trois à quatre jours, en attaquant par les feuilles les plus basses, puis couchent les tiges afin de consommer le reste. Les refus vont concerner seulement les tiges les plus ligneuses, les autres sont consommées. La valeur protéique du sorgho, autour de 0,84 UFL/kg MS et la valeur énergétique suffisent néanmoins à une brebis vide ou en fin de gestation. Les techniciens du Ciirpo notent a minima un maintien de l’état corporel, voire une évolution positive. D’ailleurs les techniciens n’ont pas noté de différences d’état corporel entre un lot de brebis ayant pâturé une prairie permanente et un lot sur du sorgho fourrager, signe que cette plante fourragère tient ses promesses en intérêt zootechnique.
Moins d’intérêt pratique pour le millet
La culture de millet nécessite de la vigilance et manque de souplesse d’exploitation. C’est du moins le constat fait par la chambre d’agriculture de la Vienne à la suite d’essais en élevage. Il ne faut pas semer trop tôt, pas avant fin mai, car le millet craint les chocs thermiques à sa levée. Celle-ci est très rapide et le choc risquerait de brûler les jeunes pousses. Des taches brunes apparaissent sur les feuilles et la plantule aura ensuite peu de chance de redémarrer.
La croissance du millet est rapide. Même en période sèche, il monte très vite et entre en floraison. Les tiges deviennent alors dures et les feuilles coupantes, gênant leur consommation par les brebis. Enfin, le système racinaire n’est pas très profond, il est donc fréquent que les animaux arrachent le pied en consommant la plante, d’autant plus quand le sol est très sec.
Mise en garde
Les sorghos fourragers ne doivent pas être pâturés en dessous du stade 60 cm. En effet, ils renferment de la dhurrine, une substance qui libère de l’acide cyanhydrique à la suite de sa dégradation dans le rumen. En grande quantité, cela entraîne des paralysies respiratoires.