S’adapter et atténuer le changement climatique en élevage ovin
Pour leur vingtième anniversaire, les Assises ovines des Pyrénées-Atlantiques ont délibérément voulu se tourner vers l’avenir en construisant un programme d’intervention autour des leviers d’adaptation au changement climatique pour les producteurs.
En octobre dernier, à Ahaxe, débats et interventions ont tourné autour des adaptations de l’élevage ovin face au changement climatique. Aux 20es Assises ovines des Pyrénées-Atlantiques, chambres d’agriculture départementales des Pyrénées-Atlantiques et de l’Aveyron, le Centre département d’élevage ovin (CDEO), la Fédération régionale des groupements de défense sanitaire (FRGDS) d’Occitanie et l’Interprofession lait de brebis des Pyrénées-Atlantiques ont développé des pistes de travail pour composer avec l’enjeu du siècle, qui impacte déjà les exploitations ovines de l’Hexagone.
Adapter la bergerie
Si les animaux sont agglutinés, debout, et montrent des signes de halètement, il est évident qu’ils souffrent de stress thermique. Le plus souvent, ils se concentrent à l’endroit le plus ventilé et le moins chaud du bâtiment.
« Ce stress qui dépend autant de la température que de l’humidité a des conséquences sur la production laitière, la fertilité, l’ingestion de fourrage ou encore la croissance, énumère Fabien Pingitore, de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques. Il convient donc de baisser le chargement, de ventiler dès 25 °C en ouvrant les portes et/ou les trappes, en descendant les filets brise-vent, de réduire le rayonnement direct et indirect, en blanchissant ou obstruant les plaques éclairantes. »
En dernier recours, il est envisageable d’installer une ventilation mécanique, voire dans les zones les plus méridionales une brumisation qui n’est pas forcément bénéfique si elle n’est pas associée à une bonne ventilation. Et bien sûr, lors de la construction d’un bâtiment d’élevage, il faut à tout prix éviter l’orientation sud-ouest.
Fabien Pingitore conclut : « Il vaut mieux que les animaux soient dehors, si possible à l’ombre plutôt qu’à l’intérieur en cas de forte chaleur et taux d’humidité élevé. »
Préserver la santé et la reproduction
Coté reproduction, les
chaleurs
sont moins marquées et la
qualité des gamètes
(spermatozoïdes et dans une moindre mesure ovocytes également) est altérée ce qui impacte les chances de fécondation. «
La gestation ayant démarré, le stress thermique peut induire un échec d’implantation embryonnaire, un retard de croissance des fœtus et un avortement
, expliquent Christophe Lacz (FRGDS Occitanie) et Corinne Vial-Novella (CDEO).
Sous stress thermique, les animaux vont avoir tendance à diminuer leur ingestion, leurs temps de rumination et limiter les temps de couchage. Les risques d’acidose et l’impact sur le système immunitaire sont alors plus prégnants.
»
Il existe des solutions pour limiter l’impact de ce stress : tonte des animaux, aménagement de leur environnement (ombre, air, multiplication des points d’abreuvement, distribution des rations aux heures les plus fraîches, apport de vitamines et minéraux…), privilégier les races résistantes et résilientes (sélection génétique en cours), privilégier l’insémination artificielle lors de doute sur la fertilité des mâles en élevage.
« Si l’augmentation des températures est néfaste pour les ovins, elle est en revanche propice au développement des parasites, tels que les strongles gastro-intestinaux et des vecteurs de la FCO, MHE, SBV, fièvre de la vallée du Rift, Crimée Congo, Encéphalite à tiques etc. », alerte Christophe Lacz.
Ajuster le système fourrager
Le plus évident est d’étendre le pâturage en début et en arrière de saison, tout en préservant la résilience et la portance des prairies. Pour cela, il est conseillé de favoriser les prairies multi-espèces, le pâturage tournant qui facilite la capacité de reprise de la prairie, voire l’affouragement en vert. Puis en jonglant avec les fenêtres météo pour procéder à des fauches précoces et récolter du fourrage sec ou humide selon ce que permettent les conditions.
Enfin, l’implantation de haies et la pratique de l’agroforesterie intra-parcellaire, qui constituent à la fois une technique de préservation de l’herbe en cas de forte sécheresse et une ressource fourragère potentielle, ne seront pas à négliger dans certaines régions. Il conviendra probablement aussi d’adapter les périodes de lactation à la disponibilité fourragère. « Aucune année ne se ressemble, l’exceptionnel devient la norme », constate Carole Versavaud, de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques.
Réduire l’empreinte carbone
Au niveau des surfaces, il est conseillé d’optimiser la fertilisation, d’introduire des légumineuses, d’implanter des haies, de pratiquer l’agroforesterie. Certains de ces leviers sont même économiquement rentables : rationaliser les concentrés et conserver la même production laitière, implanter des couverts hivernaux permet de réduire la fertilisation minérale.
« L’élevage doit participer, à sa mesure, conjointement aux autres acteurs, à l’effort d’atténuation et à la réduction des émissions », avertit Jean Bedou, de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques.