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Réquista, le marché aux ovins qui a su remonter la pente jusqu’au sommet

C’est en Aveyron que se situe le premier marché aux ovins de France, celui de la commune de Réquista. Après avoir connu une forte décroissance dans les 15 dernières années, la modernisation et le passage à la criée ont contribué à sa renaissance.

« Le marché, ça permet de fixer les prix de manière plus juste pour chaque lot » affirme Gilles Ladirat, vendeur habitué du marché de Réquista. Il vient du Lot tous les quinze jours, parcourant 125 km pour vendre ses agneaux Blancs du Massif Central au cadran. « À 10 km de chez nous, il y avait un marché aux ovins, mais il a périclité au printemps 2020. Je tiens à vendre sur les marchés, donc je viens ici. Si on vend aux marchands directement, on a moins de marge de manœuvre possible, et pour les coopératives, ce sont les moyennes des prix à l’abattoir qui l’emportent ; et elles sont toujours inférieures à celles du cadran ! Ici, je gagne environ dix euros de plus par agneau, donc même avec près de cent euros de frais de déplacement, ça vaut le coup. C’est aussi un bon moyen d’entretenir la concurrence, car les coopératives doivent proposer des prix qui conviennent aux marchands s’ils ne veulent pas perdre leurs fournisseurs. » Dans les box du foirail, la grande majorité des animaux sont de la race star de la région : la lacaune lait. D’après les vendeurs interrogés, les brebis sont parfois vendues 40 euros plus cher que dans le circuit classique.

Un marché en perpétuelle recherche d’amélioration pour les animaux, les acheteurs et les vendeurs

Les vendeurs ont tout à gagner en s’annonçant à l’avance

Les acheteurs et vendeurs viennent de toute la zone autour de l’Aveyron pour commercer agnelets, brebis, agneaux gris et béliers chaque lundi de l’année. Du lundi au samedi midi, les éleveurs souhaitant vendre leurs ovins peuvent s’annoncer sur le site internet du marché. Claude Alvernhe, président de l’association des utilisateurs du marché, nous explique : « Nous avons mis en place un système de gratuité de l’entrée des véhicules si les vendeurs s’annoncent. Comme ça, les acheteurs sont motivés à venir car ils peuvent voir à l’avance qu’il y aura des lots qui vont les intéresser. » Le point fort de la vente en marché, c’est que les acheteurs ont plus de choix tout en pouvant voir et toucher les bêtes, ce qui prend moins de temps que d’aller de ferme en ferme. Pour les vendeurs, il faut certes prendre le temps d’amener ses bêtes, mais l’informatisation du système fait qu’en cas de manque de temps, il n’a aucune obligation de rester sur place pendant la vente. « Quand le prix est fixé par l’enchère, nous demandons confirmation visuelle au vendeur ; mais s’il n’est pas là, le lot part automatiquement au prix fixé. En cas de refus par le vendeur, le lot repasse une fois à la vente. » Le marché, passé “à la criée” en 2018, ne cesse de gagner en apport d’ovins (près de 50 000 animaux vendus en 2021), et de se moderniser. « Les éleveurs délèguent même la gestion de la traçabilité au marché, en tant que vendeur, et je pense que pour les acheteurs aussi, ils nous facilitent vraiment la tâche », s’enthousiasme Gilles Ladirat.

Des enchères bien ficelées

Une fois les animaux déchargés, ils sont pesés, mis à prix et acheminés vers leur box par les bénévoles du marché. « Nous essayons de toujours nous améliorer dans la logistique, le bien-être animal et les conditions de travail ou d’utilisation. Par exemple, c’est un détail mais désormais, c’est une petite lampe qui indique si la pesée est terminée, ce qui nous évite de crier et de stresser les bêtes. » Le passage à la bascule est un point clé de la vente. C’est lui qui détermine la mise à prix à partir de l’évaluation de l’état des animaux (les ovins dont l’état n’est pas convaincant sont écartés) et du poids moyen du lot, mais aussi l’ensemble du suivi administratif des mouvements d’animaux. Armés de leurs télécommandes soigneusement dissimulées dans leur dos ou dans leurs poches, les acheteurs font monter leurs enchères dans une ambiance bien différente du gré à gré. Grâce à la lecture des boucles des animaux, à chaque vente les transactions et échanges d’ovins sont ajoutés au récapitulatif officiel que récupèrent les acheteurs et vendeurs en fin de matinée. Pour Claude Alvernhe, « Nous sommes encore loin de l’âge d’or des 100 000 bêtes vendues par an des années quatre-vingt, mais depuis la criée, le marché a grandi de 10 % par an. Aujourd’hui, nous avons deux nouveaux vendeurs. En général, ils se font la main avec cinq à dix bêtes, puis en amènent davantage s’ils sont satisfaits. » Seul marché à proposer des lots d’animaux bio depuis près de deux ans, le marché de Réquista est un marché qui évolue avec son temps.

Plus d’informations sur marche-ovin-requista.fr

Chiffres clés

Vente moyenne hebdomadaire de 2021, toutes conformations confondues :

273 agneaux de boucherie
357 ovins de boucherie > 1 an
29 agneaux laitiers sevrés
303 agnelets (fortes variations saisonnières)

Un marché à l’évolution dynamique

Depuis le XIXe siècle au moins, Réquista est un point de rassemblement pour la vente des animaux de rente, doté de bascules ayant servi pour les porcs, les volailles, les bovins et bien sûr les ovins. En 1989, un premier foirail est construit par la mairie, submergé par la demande en trois ans et demi. C’est alors que la structure couverte actuelle a vu le jour, en 1992. L’apport de bêtes continuait d’augmenter jusqu’à atteindre le record de 7 233 têtes fin 1993. En 1999, le marché de Réquista, hébergé sous ces 4 400 m², devient un marché national aux bestiaux. À partir des années 2000, l’apport passe de 140 000 animaux par an à seulement 40 000 en 2015. Le marché perd de la vitesse, il vieillit, donc agriculteurs et mairie se regroupent dans l’association des utilisateurs du marché aux ovins de Réquista afin de le remettre sur les rails. En 2018, la première vente à la criée a lieu, et les apports sont enfin repartis à la hausse. Aujourd’hui, le marché de Réquista est le premier marché ovin français.

La référence en brebis laitière et agnelets

Chaque lundi, une commission se regroupe à la suite des ventes, et établit une cotation (prix au kilo vif net vendeur) pour toutes les catégories d’animaux vendus le matin même. Ainsi, chaque semaine, un éleveur souhaitant vendre ses animaux au marché a une idée du prix qu’il pourrait en tirer la semaine suivante ; selon l’état, la conformation, l’âge et le poids de ses ovins. Les cotations sont toujours accompagnées de l’évolution des prix nets vendeurs par rapport à la semaine précédente, et d’un commentaire général sur les tendances d’apport de bêtes par les vendeurs, de prix et de qualité des animaux. En faisant se rencontrer directement offre et demande locales, les prix sont plutôt volatils. De plus, l’appréciation des acheteurs et la concurrence lors de l’enchère influent chaque semaine sur l’évolution du prix du marché. En revanche, lors de la commission hebdomadaire de cotation, le prix est débattu et pas seulement calculé en moyenne (les prix extrêmes sont souvent écartés selon l’avis des membres du marché).

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