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« Nous distribuons trois kilos bruts de betteraves fourragères par brebis pour le lot au pâturage en hiver »

Dans les Côtes-d’Armor, Ida Prigent et Nicolas Le Provost pratiquent deux périodes de mises bas par an pour leurs brebis allaitantes et les alimentent avec des betteraves entières distribuées au champ durant l’hiver.

<em class="placeholder">L&#039;éleveur se tient devant ses brebis en bergerie.</em>
Les éleveurs élèvent des brebis Île-de-France, une race qui convient bien à la production d'agneaux de bergerie, mais également pour leur aptitude au désaisonnement et leur rusticité.
© A. Debacq

En 2002, Ida Prigent s’installe avec 150 brebis de race Île-de-France et 35 hectares, tout en exerçant un autre métier à temps plein. Quelques années plus tard, la reprise d’un poulailler réaménagé en bergerie permet d’augmenter le cheptel à 350 mères. En 2014, elle s’associe avec Nicolas Le Provost, avec qui elle crée le Gaec de la Bergerie. Le troupeau atteint alors 550 brebis et l’exploitation, engagée sous mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), s’étend sur 145 hectares dont 70 % en herbe. Les cultures occupent les 30 % restants de la superficie, entre orge autoconsommé et cultures de vente (colza, blé noir et triticale).

<em class="placeholder">Les agneaux sont engraissés en bergerie.</em>
En moyenne, les agneaux partent à 110-112 jours par an, pour un poids de carcasse moyen de 20,4 kilos. © A. Debacq
La production d’agneaux de bergerie est organisée en deux périodes : un tiers des brebis met bas en septembre et les autres en janvier, ce qui permet d’échelonner les ventes de l’hiver au printemps. Environ 50 % des agneaux sont commercialisés sous le label Agneau de nos régions, offrant une meilleure valorisation à Noël (+0,70 euro le kilo), tandis que le reste est vendu à prix fixe à un négociant du Finistère.

Un terroir breton favorable à la betterave

<em class="placeholder">Les brebis se dirigent vers l&#039;entrée du paddock.</em>
Le brebis ne se font pas prier pour venir déguster les betteraves, qui disparaissent du champ en moins d'une heure. © A. Debacq
Historiquement, les brebis de l’exploitation bretonne ont toujours été nourries avec de la betterave fourragère distribuée entière, que ce soit à l’auge ou en plein champ. « La betterave fourragère a un excellent rendement en unités fourragères par hectare et sécurise le système fourrager. Autrefois, nous en distribuions à l’auge aux brebis en lactation mais cela nécessitait de pailler davantage car les racines salissaient la litière. Désormais, nous nous contentons d’en donner au champ, ce qui nous permet de maintenir les brebis en état durant l’hiver », explique Nicolas Le Provost.

Implantées sur un massif granitique, les parcelles exploitées par les associés bénéficient de sols limono-sableux moyennement profonds, favorisant le drainage de l’eau et le bon développement de la plante. « La betterave a surtout besoin de beaucoup d’eau, et chez nous, les précipitations sont régulières tout au long de l’année. Même si l’été a été un peu sec, elle compense en arrière-saison en développant ses racines en septembre et octobre », souligne Nicolas Le Provost.

Un précédent cultural bénéfique

Sur l’exploitation, la betterave est replantée chaque année sur une nouvelle parcelle et est suivie par une céréale ou un colza après la récolte. « Après l’arrachage, il est conseillé d’attendre environ cinq ans avant de revenir sur une même parcelle. Pour notre part, nous privilégions un délai de dix ans », précise Nicolas Le Provost.

En plus de ses qualités nutritives pour les animaux, la betterave améliore la qualité des sols. Après la récolte, elle laisse un lit de feuilles qui restitue de l’azote et de la matière organique, favorisant ainsi le bon développement de la culture suivante.

De quoi alimenter les brebis pendant trois mois

Avec un rendement de 80 tonnes brutes par hectare, les deux hectares implantés au printemps suffisent pour couvrir les besoins du troupeau au pâturage de janvier à début avril.

<em class="placeholder">Les betteraves sont chargées dans le godet du tracteur.</em>
L'éleveur compte un gros godet par jour, soit une tonne de betteraves, pour alimenter les 330 brebis. © A. Debacq
« Il faut un godet par jour soit une tonne pour les 330 brebis, ce qui équivaut environ à trois kilos de matière brute par tête et par jour », précise Nicolas Le Provost. La quantité distribuée est doublée en mars, durant le flushing, afin de stimuler la fertilité des brebis.

Un peu d’organisation pour une distribution réussie

Nicolas organise ses paddocks pour trois jours de travail en disposant les betteraves sur chaque parcelle en amont. « Je préfère tout préparer. Ainsi, le matin, il ne reste plus qu’à déplacer les brebis. Tant qu’il ne gèle pas, les betteraves restent intactes, ce qui permet même d’anticiper sur une semaine»

<em class="placeholder">Les brebis consomment les betteraves.</em>
Les éleveurs ont privilégié la Brunium, une variété de betterave fourragère modérément riche en matière sèche et facile à mâcher pour les brebis. © A. Debacq
Au champ, les éleveurs veillent à bien disperser les betteraves avant d’amener les brebis pour éviter toute bousculade. « Elles en raffolent ! Si on entrait avec le tracteur, elles se précipiteraient dessus et ça serait vite ingérable », souligne Ida Prigent.

En répartissant les betteraves sur toute la longueur de la parcelle, chaque brebis y a accès ce qui limite la dominance et réduit le piétinement. « En hiver chez nous, les sols ne se tiennent pas très bien et il pleut quotidiennement ou presque, donc il n’est pas envisageable de faire pâturer les betteraves en terre car cela risquerait de transformer le champ en bourbier. Nous le constatons d’ailleurs, même en étalant les betteraves, si elles sont trop concentrées à un endroit, les brebis s’attroupent et abîment la parcelle », poursuit-elle.

Un itinéraire technique bien rodé pour la betterave fourragère

<em class="placeholder">Les betteraves sont stockées en tas dehors.</em>
La betterave se stocke très bien pendant l’hiver, à condition de la couvrir lorsqu'il gèle et de la faire consommer avant l’arrivée du printemps. En effet, avec la chaleur, elles ramollissent et commencent à pourrir, ce qui ne permet pas de les conserver d'une année sur l'autre. © A. Debacq
La variété choisie est la Brunium, une betterave fourragère semi-enterrée contenant environ 16 à 17 % de matière sèche, ce qui permet une consommation entière par les brebis.

Une bonne préparation du sol

La fertilisation est réalisée en mars avec le fumier des brebis, à raison d’une quarantaine de tonnes par hectare. Puis, un labour suit à la mi-avril.

Un lit de semence fin

Une semaine avant le semis, généralement autour du 20 avril, un passage de herse rotative est effectué. Le semis a lieu début mai, sur un lit de semence de deux centimètres, sur six rangs écartés de 45 centimètres, avec une densité d’environ 100 000 graines par hectare (soit deux doses par hectare).

Limiter les adventices

Environ quinze jours après le semis, un premier désherbage chimique est réalisé, suivi d’un second. Un binage peut être effectué en complément vers la mi-juin.

Récolter à maturité

La récolte des betteraves a lieu fin octobre à l’aide d’une automotrice qui assure l’effeuillage, l’arrachage et le chargement des racines.

Chiffres clés

550 brebis Île-de-France
2 UTH
145 ha de SAU (70 % en herbe)
ha de betteraves fourragères (variété Brunium)
80 t brutes par hectare
kg bruts par brebis par jour

De trois à deux périodes d’agnelages par an

Les deux associés du Gaec de la Bergerie sont passés de trois à deux agnelages par an pour se libérer du temps.

Jusqu’en 2020, le troupeau était conduit en trois périodes de mise bas : en fin d’été, en hiver et au printemps. Pour simplifier leur système, les éleveurs ont décidé de ne plus que faire deux agnelages par an. Désormais, la majorité du troupeau met bas en septembre, tandis que les agnelles, les antenaises et les brebis vides agnèlent en janvier. L’introduction de béliers vasectomisés quinze jours avant la lutte permet de bien démarrer les mises bas sur les premières semaines et de concentrer les naissances sur environ un mois.

Ce choix leur permet d’optimiser l’espace en bergerie, de se dégager de l’astreinte sur une moitié de l’année pour se concentrer sur les cultures et d’instaurer un vide sanitaire de deux mois complets.

Jongler avec les places en bergerie

« À partir de la fin juin, le bâtiment est vide, ce qui permet de réaliser un grand vide sanitaire tout l’été. Depuis que nous procédons ainsi, nous constatons moins de problèmes de coccidiose et de strongles en bergerie au retour du lot de septembre. C’est d’ailleurs sur ce lot désaisonné que nous obtenons les meilleurs résultats », témoigne Nicolas Le Provost.

<em class="placeholder">Les brebis sont affouragées dans la bergerie.</em>
L'ancien poulailler, transformé en bergerie, compte 300 places à l'auge. © A. Debacq
L’un des défis de cette nouvelle organisation est la gestion des 550 naissances de septembre sur 35 jours. Pour désengorger un peu le bâtiment, qui compte 300 places à l’auge, une cinquantaine de brebis ayant eu un seul agneau ont été conduites à l’herbe en 2024. « Il y avait des pâtures libres à proximité de la bergerie, ce qui nous a permis d’y mettre les brebis avec leur agneau sans complément. Environ quinze jours avant le tarissement, nous avons ramassé les agneaux pour les habituer à l’aliment, et ils ont bien rattrapé les autres. »

Ne pas louper le lot de contre-saison

Pour éviter que le système ne se dérègle, les éleveurs évitent de faire basculer trop de brebis d’un lot à l’autre. « Dans notre ancien système, nous accélérions toutes les brebis qui ne faisaient qu’un seul agneau et les vides, mais en les déplaçant d’un lot à l’autre, nous nous sommes aperçus que le désaisonnement fonctionnait moins bien. Désormais, en janvier, ce sont toujours nos agnelles, nos antenaises et quelques vides qui mettent bas pour la première fois. Ensuite, elles sont taries fin mars et repartent au bélier en avril, pour agneler en septembre. Une fois que les nouvelles brebis sont calées en septembre, nous ne les accélérons plus », explique l’éleveur.

En apportant une alimentation très riche en énergie, grâce à la betterave fourragère, les éleveurs optimisent les performances reproductrices de leurs brebis au printemps et assurent la réussite du lot de contre-saison.

Rédaction Réussir

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