Aller au contenu principal

« Mes brebis pâturent sur 100 hectares de vigne »

Frédéric Bichon pratique la transhumance inverse pour sécuriser la ressource alimentaire face au changement climatique. Il peut compter sur un partenariat avec un domaine viticole pour l’accès aux surfaces complémentaires du vignoble.

<em class="placeholder">Frédéric Bichon surveille son troupeau ovin</em>
Frédéric Bichon fait pâturer ses 180 brebis sur de nombreux types de surfaces, dont des landes, des vignes, du parcours, etc.
© J.-B. Roubinet

Frédéric Bichon s’est installé à Cucugnan dans l’Aude en 2016 avec 180 brebis. Il était en parallèle berger salarié en estive dans les Pyrénées-Orientales quatre mois par an où il montait également ses brebis. En 2023, l’arrêt de son activité de berger salarié le pousse à trouver de nouvelles surfaces pour compenser la perte de quatre mois de pâturage.

Il contacte la commune voisine de Montgaillard et met en place une transhumance inverse sur la période hivernale pour profiter d’une collaboration avec la famille Fabre, propriétaire d’un domaine viticole en agriculture biologique à Luc-sur-Orbieu, situé à 60 kilomètres.

<em class="placeholder">Brebis pâturant dans les vignes</em>
L'éleveur et le régisseur du domaine viticole réfléchissent ensemble aux semis à réaliser dans les interrangs. © J.-B. Roubinet
Le cheptel de Frédéric est conduit en un seul lot, 100 % à l’herbe et en plein air intégral avec un agnelage établi au mois de mars. Mais du fait de la sécheresse dans le secteur de Cucugnan, Frédéric a décalé cette année l’agnelage pendant la transhumance inverse et remontera le troupeau après les naissances. « Je faisais habituellement les mises bas chez moi à partir du 10 mars. Mais le manque d’herbe m’a obligé à donner du foin l’année dernière et cela m’a causé des soucis de lactation. Cette année, je ferai l’agnelage le 1er mars sur 30 hectares de friches que j’ai récupérés sur une zone de mesure compensatoire avec Engie Green. Cela me permettrait d’être à l’herbe tout le temps. »

Un partenariat avec un domaine viticole

Le domaine viticole de la famille Fabre est vaste et lui permet de n’avoir qu’un seul interlocuteur. « Toutes les décisions sont prises à deux avec le régisseur et moi. On s’entend bien, le chef de culture va voir les brebis tous les jours et il nourrit les chiens. J’ai accès à l’eau du domaine, je mets une petite cuve de 300 litres, cela suffit. »

Les principales difficultés de mise en œuvre soulignées par Frédéric reposent sur la distance entre le siège de son exploitation et les vignes. Pendant la période hivernale, Frédéric fait le déplacement tous les deux jours mais il envisage de trouver un berger avec lequel partager la garde du troupeau en transhumance inverse pour éviter les allers-retours et ainsi améliorer la surveillance du troupeau et le pâturage.

Des semis d’interrangs raisonnés

<em class="placeholder">Le Château de Luc, domaine viticole en agriculture biologique, met 100 ha de vigne à disposition du troupeau de Frédéric Bichon.</em>
Le Château de Luc, domaine viticole en agriculture biologique, met 100 ha de vigne à disposition du troupeau de Frédéric Bichon. © J.-B. Roubinet
L’éleveur révèle également une inquiétude liée à la qualité alimentaire dans les vignes, car il observe une lassitude des brebis. Mais une amélioration est réalisable avec la possibilité que le domaine sème dans l’interrang. « Le pâturage des couverts est technique. Je suis vigilant pour ne pas avoir d’entérotoxémie ni d’acidose. Je mets du bicarbonate et des seaux de minéraux pour les brebis. Attention à l’acidose avec l’avoine et les ray-grass naturels, et la gesse qui peut être irritante. »

Frédéric et la famille Fabre doivent donc trouver un équilibre de ration entre les attentes de chacun. « Par exemple, pour les couverts dans les vignes, l’avoine méditerranéenne Susa est intéressante car elle est précoce et résistante à la sécheresse. Le dialogue et la communication sont des conditions primordiales à la réussite du travail. Il faut respecter non seulement le vigneron, mais aussi l’ensemble des riverains. »

Jeanne et Clémence Fabre du Château de Luc (Aude), dont les brebis de Frédéric pâturent 100 ha

De l’engrais naturel avec les brebis

<em class="placeholder">Jeanne et Clémence Fabre du Château de Luc (Aude), dont les brebis de Frédéric pâturent 100 ha</em>
Jeanne et Clémence Fabre du Château de Luc (Aude), dont les brebis de Frédéric pâturent 100 ha. © J.-B. Roubinet
« Notre collaboration fonctionne parce que Nicolas le régisseur et Frédéric s’entendent bien et sont motivés. Frédéric change le troupeau de place tous les deux jours, clôture à chaque fois, c’est beaucoup de travail. Pour nous, c’est le rêve parce que Frédéric est un berger passionné. L’énorme avantage sur la partie vigne c’est l’amendement organique du sol, et l’hiver il n’y a pas de dégâts possibles avec les moutons. Les deux seuls freins côtés vignerons ce sont les mégas troupeaux de plus de 1 000 bêtes qui font trop de ravages sur le sol et la pluie qu’il faut pouvoir anticiper et avoir une solution de repli. Puis il y a un bon festin agroforestier à la clef. »

Nicolas Amiel, régisseur du domaine du Château de Luc

Des choix végétaux réfléchis avec l’éleveur

<em class="placeholder">Nicolas Amiel, régisseur du domaine du Château de Luc</em>
Nicolas Amiel, régisseur du domaine du Château de Luc © J.-B. Roubinet
« Le choix des semis dans les interrangs vient plus particulièrement d’un travail en commun avec Frédéric. Moi j’ai le recul des légumineuses sur notre objectif sur la vigne, et lui a le recul des céréales et leur bienfait en terme digestif pour les brebis. L’idée est donc de mutualiser nos connaissances et de trouver le mélange qui convienne aux brebis mais aussi au relargage d’azote que peut avoir la légumineuse sur la vigne. Il faut aussi que ce mélange puisse pousser sur nos sols.

Depuis deux ans, nous avons trouvé le mélange qui pourrait convenir aux moutons et à la vie du sol qu’on veut améliorer. Nous avons opté pour du pois fourrager, de la vesce, l’avoine Susa – une avoine d’automne qui pousse rapidement et fait du volume pour les brebis – et un radis fourrager qui décompacte les sols et dont la partie haute a beaucoup d’appétence pour les brebis.

Une zone de repli pour la transition alimentaire

Nous ne sèmerons qu’une rangée sur deux volontairement pour qu’il n’y ait pas que du semis riche pour les brebis et qu’elles puissent compenser avec de l’herbe traditionnelle et éviter les problèmes digestifs. Nous avons aussi semé du sainfoin sur les abords de parcelles, c’est ce qu’on appelle une zone de repli, pour deux objectifs : le premier en cas de pluie pour ne pas piétiner le sol des vignes, et le deuxième pour donner un autre type d’alimentation aux brebis pendant le pâturage.

Les brebis arrivent avec une alimentation des causses, elles tombent sur une alimentation très riche, cette zone de repli permet au berger d’avoir une zone plus sèche pour équilibrer l’alimentation. C’est un partenariat étroit entre le berger et le vigneron qui se peaufine doucement. »

Chiffres-clés

180 brebis mère Rouge du Roussillon

10 chèvres du Rove

3 chiens de conduite

3 chiens de protection

Secteur siège d’exploitation :

200 ha de landes et parcours en fermage

53 ha de prairie et de garrigues en propriété

50 ha de garrigues en vente d’herbe communale

Secteur lézignanais (de décembre à mars) :

100 ha domaine viticole

30 ha prairies en mesure compensatoire avec Engie Green

9 ha prairie en mesure compensatoire avec le CEN

Les plus lus

<em class="placeholder">Mathilde Poulet</em>
« Je travaille comme technico-commerciale avant de m’installer en élevage ovin »
Prendre son temps pour construire un projet viable et profiter de l’expérience du terrain en amont, voilà les objectifs de…
<em class="placeholder">Florent et Charles Souyris et Philippe Galtier, Gaec de Cuzomes</em>
Aveyron - « Nous avons investi pour travailler 35 heures par semaine dans notre élevage ovin »
Dans l’Aveyron, les trois associés du Gaec de Cuzomes montrent comment ils ont optimisé la productivité du travail et la…
<em class="placeholder">Marion Lassalle et Yannick Helip </em>
« Nous dégageons deux salaires avec notre système transhumant et nos brebis romanes"
Dans les Hautes-Pyrénées, Marion Lassalle et Yannick Helip conduisent une troupe de brebis allaitantes en optimisant la ressource…
<em class="placeholder">Christophe Holtzer et Éric Arnould</em>
« Je facilite la reprise de ma ferme ovine »
Dans les dix ans à venir, 61 % des éleveurs ovins prendront leur retraite. Face à ce constat alarmant, Éric Arnould a…
<em class="placeholder">Béliers Noire du Velay</em>
FCO : Des impacts à plus ou moins long terme sont à prévoir en matière de génétique
Pour Bertrand Bouffartigue, animateur de la section ovine à Races de France, l’enjeu est de recapitaliser les cheptels atteints…
<em class="placeholder">Sana avec son bâton. </em>
La drôle d’estive de Sana, fille de bergère
Sana, 10 ans, partage le travail en montagne de Chloé, sa maman bergère. Elle raconte son quotidien sur les flancs du Chalvet et…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir Pâtre
Consultez les revues Réussir Pâtre au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Réussir Pâtre