Loi pastorale, un demi-siècle et de nouveaux défis
Avant-gardiste, la loi dite pastorale fête cette année ses 50 ans. Couplée à l’indemnité spécifique montagne de 1973, elle a permis de maintenir, valoriser et promouvoir de façon durable le pastoralisme, aujourd’hui confronté à des enjeux de taille.
Avant-gardiste, la loi dite pastorale fête cette année ses 50 ans. Couplée à l’indemnité spécifique montagne de 1973, elle a permis de maintenir, valoriser et promouvoir de façon durable le pastoralisme, aujourd’hui confronté à des enjeux de taille.
« Pour nous éleveurs ovins, cet anniversaire de la loi pastorale a un sens particulier, affirme d’emblée Michèle Boudoin, éleveuse dans le Puy-de-Dôme, membre d’un groupement pastoral et présidente de la fédération nationale ovine (FNO). Avec 85 % des brebis élevées dans des zones défavorisées, les surfaces pastorales constituent de véritables ressources fourragères pour nos animaux. »
« Moins compétitif que d’autres productions pour aller sur du foncier de plaine, l’élevage ovin a pleinement su tirer parti des surfaces pastorales. Peu ou pas mécanisables, fournissant une ressource hétérogène, elles ont été maintenues par l’élevage ovin grâce à la loi pastorale et l’ICHN », rappelle-t-elle. Ces lois ont permis de remettre au goût du jour des surfaces délaissées, souvent par manque de main-d’œuvre, et peu productives. Si la loi pastorale était, et est toujours, avant-gardiste, c’est qu’elle visait à maintenir et accompagner une pratique traditionnelle à une période où les priorités pour l’agriculture étaient plutôt tournées vers le productivisme et la modernisation (voir encadré).
« Associations foncières pastorales (AFP), groupements pastoraux (GP) et conventions pluriannuelles de pâturage (CPP) ont permis la sauvegarde et la reconnaissance du pastoralisme, précise Denise Leiboff, maire de Lieuche (Alpes-Maritimes) et présidente de fédération des communes pastorales (FNCP). Dernièrement, de nouveaux outils tels que les plans d’occupation pastorale intercommunaux (Popi) sont venus compléter l’arsenal. »
Un demi-siècle après l’adoption de la loi de 1972, le pastoralisme doit faire face à des défis de taille. « Nous avons, comme toutes les filières d’élevage, un besoin de main-d’œuvre important et des difficultés à recruter, alerte Michèle Boudoin. Avec une unique école de berger, le centre de formation du Merle dans les Bouches-du-Rhône, nous devons trouver des solutions à l’enjeu de la diffusion des connaissances et savoir-faire propres au pastoralisme. »
La résilience face au changement climatique et la préservation de l’accès à la ressource sont aussi des préoccupations. « Les AFP doivent faire confiance aux éleveurs ovins auxquels les bovins sont parfois préférés », avance l’éleveuse.
« Nous devons aussi concilier les usages de la montagne, constate Denise Leiboff. Les frictions sont fortes dans certaines zones, on l’a vu encore récemment avec les tensions autour des chiens de protection. Il y a un travail de pédagogie important à mener. Le risque est de voir des maires prendre des décisions extrêmes telles que fermer la montagne aux activités récréatives ou à l’inverse revoir l’accès des troupeaux aux surfaces pastorales. » La FNCP, qui représente 500 communes pastorales françaises, a créé une charte des communes et territoires pastoraux et effectue un important travail pédagogique pour expliquer le rôle et l’importance du pastoralisme auprès des enfants et des visiteurs, en lien avec le Cerpam.
Enfin, la prédation bien évidemment met éleveurs et bergers sous pression, entre stress permanent et pertes économiques.
Aujourd’hui plus que jamais dans l’air du temps, les systèmes pastoraux valorisent une ressource fourragère importante et répondent aux attentes sociétales sur de nombreux points : produits de qualité, vitalité économique et sociale des territoires, biodiversité, entretien des paysages et maintien des milieux ouverts, lutte contre les incendies… Ce savoir-faire toujours moderne doit être collectivement préservé et protégé.
Le saviez-vous ?
Le pastoralisme regroupe l’ensemble des activités d’élevage valorisant par le seul pâturage les ressources fourragères spontanées des espaces naturels. Ces surfaces pastorales assurent tout ou partie de l’alimentation des troupeaux. 21 % de la surface agricole utile (SAU) de l’Union européenne est consacrée au pastoralisme et plus de quatre millions d’hectares de terres agricoles dépendent de la transhumance. En France, les surfaces toujours en herbe représentent 10 millions d’hectares et les surfaces pastorales méditerranéennes 1,2 million d’hectares.
Un exposé de loi précurseur
Par son motif, la loi pastorale prend en compte ce qu’on appelle couramment aujourd’hui les externalités positives de l’agriculture. 25 ans après la guerre, la Pac visait alors à moderniser et développer l’agriculture européenne. Les zones de montagne ne trouvaient pas leur place dans ce modèle. Cet enjeu de la reconnaissance des spécificités des zones de montagne est toujours d’actualité.
Extrait de l’article 1 de la « loi n°72-12 du 3 janvier 1972 relative à la mise en valeur pastorale dans les régions d’économie montagnarde » : « Dans les régions d’économie montagnarde où le maintien d’activités agricoles à prédominance pastorale est […] de nature à contribuer à la protection du milieu naturel et des sols ainsi qu’à la sauvegarde de la vie sociale, des dispositions adaptées aux conditions particulières de ces régions seront prises pour assurer ce maintien ».
2026, année internationale des parcours et éleveurs pastoraux
L’IYRP c’est l’International Year of Ranglands and Pastoralists, traduisez l’année internationale des parcours et des éleveurs pastoraux, et ce sera en 2026 ! Cette initiative du gouvernement de la Mongolie soutenue par 60 États membres et 291 organisations (dont l’association française de pastoralisme) a été validée par la FAO. De nombreux événements sont en préparation.