« Le roquefort est une AOP proche de ses consommateurs »
Sébastien Vignette, secrétaire général de la Confédération de Roquefort, revient sur les défis qui ne manquent pas pour le roi des fromages, entre dérèglement du marché post-confinement, baisse du pouvoir d’achat, changement des habitudes alimentaires. Le roquefort positionne la filière et la communication à la fois sur les tableaux de la tradition et de la modernité.
Sébastien Vignette, secrétaire général de la Confédération de Roquefort, revient sur les défis qui ne manquent pas pour le roi des fromages, entre dérèglement du marché post-confinement, baisse du pouvoir d’achat, changement des habitudes alimentaires. Le roquefort positionne la filière et la communication à la fois sur les tableaux de la tradition et de la modernité.
Sébastien Vignette, secrétaire général de la Confédération de Roquefort
©
B. Morel
Quelle est la situation de la filière roquefort dans le marché actuel ?
Sébastien Vignette - En volume de production, le roquefort est à la troisième place française, avec 15 885 tonnes produites en 2021. Plus d’un quart de cette production part à l’export sur le marché européen, en particulier en Espagne, Allemagne, Belgique et Pays-Bas. Nous avons aussi des marchés internationaux fidèles tels que le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada. Le roi des fromages est et sera toujours produit localement mais a clairement une ambition internationale. Sur le marché français, la première AOP fromagère de l’Histoire fait face à un marché en berne, commun à la plupart des autres fromages sous signe de qualité. Nous enregistrons une baisse de 6 % sur les volumes commercialisés. Les causes sont connues et multiples : crise, inflation et baisse du pouvoir d’achat des consommateurs.
"Le roquefort travaille autant au renouvellement des générations de consommateurs qu’au niveau des producteurs"
Comment la confédération de Roquefort oriente-t-elle sa stratégie pour endiguer cette baisse de consommation ?
S. V. - Le roquefort a une image d’aliment chargé d’Histoire. On va le présenter en plateau, pour le déguster durant des festivités. Cela, c’est le côté familial, traditionnel. Nous nous efforçons aujourd’hui de toucher une population plus jeune, qui ne va pas jusqu’au plateau de fromages à chaque repas. Il nous faut donc désacraliser la consommation du roquefort. Par exemple, nous diffusons un large choix de recettes l’incluant. Nous travaillons sur des nouvelles formes de présentation. On entend beaucoup parler de renouvellement des générations chez les éleveurs, mais cette notion est également omniprésente côté consommateurs.
Par quels canaux allez-vous au contact de cette jeune génération ?
S. V. - Nous avons investi dans une campagne digitale avec des vidéos sur Youtube, notamment avec la « Battle des chefs », où des cuisiniers rivalisent de créativité pour intégrer le roquefort dans leurs préparations. Nous avons également établi une présence renforcée sur les réseaux sociaux. Avec le slogan « Mariez-le, il adore », nous voulons faire entrer le roquefort dans la consommation quotidienne et pour cela, il est nécessaire que la population cible voit tous les jours des communications sur notre fromage.
Comment faites-vous le lien entre producteurs et consommateurs ?
S. V. - L’image du roquefort, c’est un territoire, un savoir-faire, des femmes et des hommes fiers de leur métier d’éleveur. Par exemple, pour contrer la mauvaise publicité que nous fait le Nutri-Score en notant « E – rouge » notre produit, nous avons à cœur de rappeler aux consommateurs que le roquefort a un cahier des charges établi depuis bientôt 100 ans et que nous n’avons pas les mêmes marges de manœuvre qu’un transformateur agroalimentaire. Le roquefort n’est composé que de lait et de sel, sans additif. C’est là où le savoir-faire de nos professionnels est primordial ainsi que leur attachement au roquefort.
Le vieillissement de la population touche également les éleveurs, quelles sont vos actions à ce niveau ?
S. V. - Nous travaillons sur une aide à l’installation, en recensant dans un premier temps les éleveurs proches de la retraite. Il y a également un chantier sur l’attractivité des métiers, en développant le sentiment d’appartenance, la fierté de traire pour roquefort. Pour cela, nous organisons des formations autour du cahier des charges pour que celui-ci ne soit plus vu comme une contrainte mais plutôt comme une chance. Nous nous mobilisons également sur le volet environnemental avec le projet du Cnaol « AOP Durable ». D’ici 2030, nous aimerions faire apparaître des engagements de durabilité dans le cahier des charges de roquefort.
CURRICULUM
D’origine normande, Sébastien Vignette était délégué général du Medef de Haute-Garonne avant de prendre ses fonctions à la Confédération générale de Roquefort en 2021. À 50 ans, le secrétaire général a pour missions de mettre en place la stratégie décidée par le conseil d’administration. Il contribue au rayonnement du produit, de développer les ventes et d’aider au dialogue entre des profils très diversifiés, du producteur aux industriels.