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Le loup cause aussi des pertes indirectes sur les troupeaux ovins

Une étude réalisée par l’Institut de l’élevage permet d’évaluer les pertes indirectes de production des troupeaux ovins en cas de prédation, comme cela était prévu dans la mouture 2018-2023 du plan national d’actions loup.

Le plan national loup et activités d’élevage 2018-2023 prévoyait de faire réaliser une étude d’évaluation des pertes indirectes de production des troupeaux en cas de prédation. Dans quel but ? Mettre en relation les coûts des pertes estimées au regard des barèmes actuels d’indemnisation (en place depuis 2019, sur base forfaitaire).

Cette étude commanditée par le ministère de la Transition écologique a été confiée à l’Institut de l’élevage. L’objectif était d’évaluer le coût des pertes indirectes dans différents contextes d’élevage, pour différentes espèces et induites par différents prédateurs. Dans cet article, on s’intéressera uniquement à la partie de l’étude menée spécifiquement chez les ovins viande et lait.

Analyse des historiques de performances du troupeau

La première étape a consisté à sélectionner des élevages prédatés, au sein du réseau des fermes de référence, dispositif Inosys-réseaux d’élevage, pour lesquelles on dispose d’un historique des performances techniques et économiques.

Ainsi une analyse rétrospective de l’évolution des performances des fermes, au regard des historiques de prédation, préalablement récupérés sur la période 2010 à 2021, par une mise à disposition de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de la région Auvergne-Rhône-Alpes des données de Géoprédateur, a été menée sur 46 élevages ovin : 40 en ovin viande et 6 en ovin lait.

La deuxième étape a été de réaliser 36 enquêtes dans les élevages retenus (30 en ovin viande et 6 en ovin lait). Les enquêtes de terrain ont permis de s’imprégner de nombreuses situations vécues par les éleveurs.

30 % de mises bas en moins après attaques

La troisième étape a été d’évaluer par simulations économiques sur cas types qui sont des fermes modélisées, créées virtuellement de toutes pièces afin de décrire le fonctionnement technique et économique représentatif d’un système d’élevage donné.

Le croisement des résultats obtenus par l’analyse rétrospective des résultats pluriannuels des élevages sélectionnés et, pour la grande majorité, enquêtés a fait ressortir des fourchettes de dégradation des performances techniques des troupeaux. Le

taux de mise bas

des brebis dégradé jusqu’à 30 % par rapport aux taux objectifs des éleveurs et un

taux de mortalité des agneaux

supérieur pouvant atteindre 18 % par rapport aux taux ciblés des éleveurs.

On observe également un taux de réforme des brebis revu à la baisse de 15 % et un taux de renouvellement des femelles augmenté de 31 % par rapport aux taux objectifs des éleveurs.

Des scénarios testés sur le cas type

Ainsi à partir de ces observations plusieurs scénarios ont été élaborés et testés pour quatre cas types ovins. L’avantage du cas type, c’est qu’il permet de faire varier un paramètre (par exemple le taux de mortalité des agneaux) et de s’affranchir des autres aléas qui apparaissent dans la réalité des élevages.

Le cas type de Provence-Alpes-Côte d’Azur grand pastoral des Alpes du Sud a été testé avec les paramètres suivants, décrivant quatre scénarios :

  • Une prédation donnant lieu à 30 % de mises bas en moins engendre des pertes indirectes de l’ordre de 21 euros par brebis.
  • Une prédation donnant lieu à une surmortalité d’agneaux de 28 % engendre des pertes indirectes de l’ordre de 14 euros par brebis.
  • Une prédation donnant lieu à 50 brebis manquantes (tuées et disparues) et pour laquelle l’éleveur décide de moins réformer (effet sur deux ans estimé pour retrouver une situation plus acceptable), engendre des pertes indirectes de l’ordre de 24 euros par brebis (sans tenir compte des indemnisations pertes directes et indirectes).
  • Une prédation donnant lieu à 50 brebis manquantes (tuées et disparues) et pour laquelle l’éleveur assure son propre renouvellement, donc conserve davantage de jeunes femelles (effet sur deux ans estimé pour retrouver une situation plus acceptable), engendre des pertes indirectes de l’ordre de 37 euros par brebis (sans tenir compte des indemnisations pertes directes et indirectes).

Les indemnisations ne compensent pas les pertes

On notera que dans aucune des quatre situations étudiées, le versement des indemnisations pertes indirectes (comprises entre 0,80 et 3,80 euros par brebis) ne permet pas de compenser les pertes évaluées (comprises entre 4 et 37 euros par brebis).

D’autant plus que ces situations peuvent être cumulatives, donc peuvent avoir des répercussions financières encore plus éloignées des montants indemnisés.

Quelles suites à ces travaux ?

Dans le plan national d’actions loup et activités d’élevage 2024-2029, qui vient de démarrer, il est mentionné que les barèmes d’indemnisation des pertes indirectes seront revus.

Le ministère de la Transition écologique, en charge du pilotage de cette action, a initié un groupe de travail réunissant des représentants des services de l’État et des représentants de la profession agricole afin de travailler sur la révision de ces barèmes. Il est normalement prévu que ceux-ci entrent en application au plus tard au début de l’année 2025.

Pour en savoir plus, la collection de fiches de résultats (actuellement tous les résultats ovin viande et lait sont disponibles) : idele.fr/detail-article/etude-evaluation-des-pertes-indirectes-de-production-dues-a-la-predation-elements-de-methodologie

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