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La prédation du loup nuit à la santé des bergers et des éleveurs

La prédation du loup sur le cheptel ovin a des répercussions économiques et techniques, mais aussi médicales et psychologiques pour les bergers et éleveurs qui y sont confrontés.

La problématique du loup est prise en charge par l’administration française, du moins sur les aspects économiques et en partie techniques. Mais dans l’angle mort du sujet, on retrouve la santé physique et psychologique des éleveurs et bergers, en première ligne face aux attaques du grand canidé. La MSA finance une étude sur deux ans, portée par l’Inrae, pour évaluer les effets de la présence du loup sur la santé des éleveurs et bergers. Frédéric Nicolas, docteur en sociologie à l’Inrae, est à la manœuvre : « Pour avoir un panorama de la situation, nous faisons des entretiens avec les responsables agricoles (MSA, chambres d’agriculture, organismes pour le développement du pastoralisme, etc.) mais le cœur de l’étude repose sur des entretiens avec des éleveurs et bergers dans les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, la Drôme, l’Aveyron, l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie et bientôt des Alpes-Maritimes ». Un questionnaire est également en ligne pour toucher un plus large panel de réponses.

Une incompréhension de la société

Les premiers résultats d’entretiens ont permis de définir trois indicateurs ayant un impact sur la santé des professionnels de l’élevage ovin. En premier lieu, la prédation a des effets « pratiques » sur le quotidien de l’éleveur/berger. Il y a d’abord le choc de l’attaque, suivi par une perte de temps et d’efforts. Cela provoque une désorganisation du travail, qui est perçue comme une perte de sens du métier. Enfin, les personnes impactées par la prédation souffrent d’isolement. La prédation lupine a également des effets « symboliques » sur les éleveurs et bergers. Ceux-ci ont l’impression de ne pas être crus par la société et peuvent, dans certains cas, avoir une image de « chasseurs de primes ». Cette situation tendue altère les relations entre bergers et éleveurs, les derniers pouvant être accusés par les premiers de ne pas prendre suffisamment en considération les contraintes et conditions de vie. Certains éleveurs pointent pour leur part la difficulté à trouver un « bon berger ». De plus, les professionnels doivent composer d’une part avec les autres usagers de la montagne pour faire reconnaître la légitimité l’activité d’élevage et d’autre part avec les pouvoirs publics pour montrer les services environnementaux rendus par le pastoralisme.

Des stratégies de fuite pour échapper à la situation

Enfin, les stratégies d’accommodement mises en place par le berger et/ou l’éleveur impactent également directement sa santé. Les professionnels s’engagent à plusieurs niveaux pour lutter contre la prédation. Ils se mobilisent pour la défense du pastoralisme au sein des organisations agricoles, communiquent, voire utilisent des recours illégaux tels que le braconnage ou des actions violentes ou interdites. L’engagement est aussi technique, avec la mise en place des mesures de protection du troupeau. Enfin, certains éleveurs glissent petit à petit vers des stratégies de fuite : abandon de l’agriculture, abandon de l’atelier ovin, abandon de l’estive, renonciation au développement économique ou technique de l’exploitation…

La santé de l’éleveur dépend aussi de son environnement

La nature et l’intensité des effets de la présence du loup diffèrent selon la situation professionnelle de l’éleveur. En effet, une attaque n’aura pas le même impact sur un petit ou un gros troupeau, de même sur une exploitation ovine spécialisée ou avec d’autres ateliers de production. Un professionnel avec des rapports plus étroits avec les institutions et les organisations agricoles (MSA, Safer, syndicat, groupement pastoral, Cuma, etc.) arrivera généralement mieux à faire face à une situation de prédation et saura mieux s’entourer. Le parcours de l’éleveur va également jouer : quelqu’un issu du milieu agricole connaîtra mieux le réseau de solidarité et aura des réflexes de gestion du troupeau. À l’inverse, une personne non issue du milieu agricole pourra plus facilement prendre du recul ou pourra plus facilement se dire « j’arrête » l’activité d’élevage.

Les problèmes structurels de l’agriculture et ceux de la prédation

La prédation a donc une influence certaine sur la fatigue physique et l’usure psychologique des bergers et éleveurs. Celles-ci sont dues aux attaques en elles-mêmes, à la charge administrative directement liée à la prédation, à la surveillance et à la gestion de la protection du troupeau. À cette fatigue spécifique s’ajoutent les problèmes structurels que l’on retrouve dans l’agriculture française avec l’endettement, le surmenage et le manque de séparation entre vie professionnelle et vie privée, la place des agriculteurs dans la société et les attentes à leur encontre de leurs concitoyens. La MSA espère trouver dans cette étude des pistes pour mettre en place des moyens d’accompagnement psychologiques des éleveurs et bergers confrontés au problème du loup.

Le questionnaire en ligne est disponible sur enquetes.inra.fr/index.php/997475?lang=fr

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