La laine, matière première aux mille débouchés
Face au dégoût des éleveurs quant à la valorisation nulle de la laine de leurs animaux, associations, laboratoires et territoires se mobilisent pour chercher des utilisations alternatives au textile pour la laine.



Depuis plusieurs années, certains éleveurs ovins et artisans ont retroussé leurs manches et mouillé la chemise pour retrouver de la valeur ajoutée sur la laine, coproduit de la production ovine aujourd’hui très mal considéré par la réglementation française et européenne. Bien entendu, le premier débouché artisanal est pour l’habillement, la literie, la draperie et la décoration. Mais que faire d’une laine grossière qui gratte, dite « jarreuse » ? Les toisons ont de nombreuses qualités qui ont motivé chercheurs et collectivités à se pencher davantage sur cette ressource écologique, naturelle et relativement abondante en France.
Isolation des bâtiments publics
Dans l’Est, le projet Défi Laine, a pour objectif de valoriser la laine dans l’isolation énergétique des bâtiments publics. Et le prix du kilo de laine objectif a été fixé à trois euros par les acteurs du projet. « Ce montant a été décidé dans l’optique où la valorisation de la laine doit au moins rembourser le chantier de tonte », développe Marion Colnet, du Parc naturel régional de Lorraine, partenaire de Défi Laine. « Dans notre région nous avons identifié le besoin de reconstruire un système économique autour de la filière laine tout en replaçant de la qualité et des savoir-faire variés dans le travail de cette matière », poursuit-elle.
La laine comme engrais, filtre à eau, dépolluant de l’air…
Dans le pays basque, les éleveurs de manech se sont interrogés sur les transformations possibles de la laine de leurs brebis, très jarreuse. François Touchaleaume, de Montpellier SupAgro, et avec le soutien de l’association PolyBioAid, s’est penché sur la question avec une équipe de chercheurs à ses côtés. « Nous nous sommes intéressés à des utilisations moins connues de la laine, qui mettent en avant d’autres caractéristiques de cette matière que celles fréquemment citées (isolation, douceur, etc.) », développe le chercheur. En premier lieu, la laine a été fragmentée, c’est-à-dire réduite sous forme de poudre. « Sous cette forme, la laine pourrait être incorporée dans des enduits ou des cloisons », explique François Touchaleaume. En effet, la laine a un pouvoir de captation des composés organiques volatils, micropolluants présents dans les meubles en aggloméré, dans certains parquets, dans des produits d’entretien, etc. Utiliser la laine fragmentée dans le revêtement des parois, permet de réduire significativement la pollution de l’air intérieur. Autre utilisation possible, l’amendement des terres agricoles. « Nous avons réfléchi à un process permettant de faire des granulés de laine qui puissent être épandus », annonce François Touchaleaume. La laine représente un intérêt agronomique loin d’être négligeable puisqu’en se dégradant elle libère de la kératine qui contient entre 16 et 17 % d’azote. De plus sa dégradation est lente (75 % en 500 jours) ce qui évite les problèmes de lessivage. Enfin, la laine peut être utilisée comme solution de paillage si celle-ci est incorporée avec un polymère biodégradable. La bâche ainsi formée n’a pas d’impact sur l’environnement et permet de protéger les cultures tout en la fertilisant un peu lors de sa dégradation naturelle. Pour finir, le charbon de laine (ou biochar), créé par combustion incomplète de la toison, est un matériau très poreux pouvant servir encore une fois comme engrais, ou comme filtre naturel pour la dépollution des eaux, comme composé électronique, etc.