Ils sont passés de salarié technicien à éleveur
Une expérience de technicien est un bon préalable à l’installation. La diversité des systèmes suivis permet de se former et de se confronter à d’autres aspects de la production et de la filière. Portraits croisés.
S’installer, ils l’avaient prévu depuis longtemps. Pourtant, par choix ou par contrainte, leur parcours les a amenés par la case technicien avant de finaliser ce projet. « Mes parents élevaient des brebis et des porcs, témoigne Christophe Lompech, 37 ans. La ferme, j’y ai grandi, ça m’a toujours plu, et j’ai su tout petit que je voudrai m’installer. Mais la structure de l’exploitation familiale ne permettait de faire vivre qu’un ménage. » Après deux expériences de conseiller bovin en Haute-Vienne, il devient technicien ovin à la Capel où il est en charge du suivi d’un groupe d’éleveurs : appui technique, pose d’éponge, inséminations… Après quelques années, il prend aussi en charge la gestion de l’approvisionnement de l’OP en bélier et la collecte de laine. Un poste qu’il occupe pendant 12 ans, tout en étant présent sur la ferme, et qui va lui donner une vision globale de l’élevage dans tout le département.
Un contrat de parrainage pour reprendre un outil en fonctionnement
Thomas Courcier, 26 ans, titulaire d’un BTSA réalisé en apprentissage dans une exploitation ovine, a travaillé six mois à la ferme expérimentale de Grignon, avant de rejoindre la coopérative Ovi-Ouest comme technico-commercial. « Mes parents avaient 110 brebis sur 12 hectares. Pas de quoi m’installer derrière et en vivre. Je trouvais ça intéressant d’avoir une autre expérience et de connaître l’aval de la filière. Ovi-Ouest étant une petite structure, il faut savoir tout faire : la gestion des signes de qualité, le matériel, les relations avec l’abattoir… Il y a une grande diversité de systèmes en Bretagne et le contact avec les éleveurs est intéressant. » Parmi les éleveurs qu’il suit, Raymond Leprizé approche de l’âge de la retraite avec un bel outil mais sans succession. L’opportunité pour le jeune technicien qui rêve d’installation de reprendre une structure viable et en production, avec des agneaux à naître et à vendre rapidement. La transmission se fait en douceur, dans le cadre d’un contrat de parrainage d’un an pour être effective en avril 2016. « Comme je n’étais pas du secteur, cela m’a permis de me familiariser avec l’environnement, connaître les voisins… même si la cohabitation avec le cédant n’est pas toujours simple. Cela m’a aussi fait gagner du temps car je souhaitais modifier le système. En effet, mon prédécesseur faisait des agnelages tous les deux mois. Même si c’est important d’avoir des agneaux toute l’année, vu de l’intérieur d’une coopérative, mieux vaut gérer cet étalement à plusieurs éleveurs que tout seul car les OP ont des frais fixes pour le transport. Il est donc plus intéressant de passer collecter de plus gros volumes d’agneaux que faire venir le camion tous les 15 jours pour en ramasser cinq. Et côté élevage, je préférais avoir seulement deux périodes d’agnelage, en janvier et en août-septembre pour être tranquille le reste de l’année. C’est fatigant d’être tout le temps en agnelage. Et on perd moins d’agneaux avec des mises bas groupées. »
Prendre du recul et faire attention aux idées reçues
Christophe a quant à lui a attendu le départ en retraite de ses parents pour s’installer en janvier 2015 sur l’exploitation de 210 hectares dont 130 de landes et parcours à Quissac, dans le Lot. Il arrête l’atelier porcin pour se consacrer uniquement à la troupe ovine dont il augmente les effectifs à 600 brebis Causses du Lot. Le système repose sur deux périodes de lutte pour avoir des mises bas de septembre-octobre et de mars-avril. Les agneaux sont collectés par la Capel pour la production d’agneaux fermiers du Quercy et du Pays d’oc. « Quand on est technicien, on voit beaucoup d’éleveurs. Après, on fait la synthèse. Ça aide à prendre du recul et à faire attention aux idées reçues. Ça m’a fait prendre conscience de l’importance d’être organisé pour gérer son temps. Je n’ai pas l’impression de travailler plus que quand j’étais technicien, le temps de travail n’est juste pas réparti de la même façon. Quand je ne suis pas en période d’agnelage, j’ai fini de soigner les bêtes à huit heures le matin. Après il y a toujours des choses à faire, mais le jour où j’en ai besoin, je peux m’absenter toute la journée. Je suis chasseur et, d’octobre à février, les brebis ne me voient pas beaucoup les samedis et dimanches. » Avec une prolificité de 165 à 170 %, et une mortalité agneaux de 15-16 %, la productivité moyenne est proche de 140. « Ce n’est pas forcément très élevé mais je ne cherche pas à faire plus. Je suis plus dans une logique d’économie. C’est quelque chose que j’ai retenu de mon précédent métier, l’importance d’optimiser ses coûts de production et de maîtriser tous les postes de charges. » Il a conservé la gestion de la collecte de laine sur le département et effectue toujours dans ce cadre 360 heures de travail pour la Capel. Une activité qui lui plaît et qui lui permet de sortir de la ferme et garder le contact avec d’autres éleveurs.
Combiner les meilleures idées et expérimenter
Thomas Courcier avoue quant à lui avoir cherché à prendre les meilleures idées des élevages qu’il a suivi pour les combiner et s’être beaucoup inspiré de certains éleveurs. « Par exemple, je vais commencer à leur donner des betteraves. Je l’ai vu chez un éleveur qui maîtrise bien la conduite de son troupeau et ça à l’air de bien marcher. Comme j’ai beaucoup d’agneaux à la louve, j’ai investi dans une machine à lait Orvalex vue chez des engraisseurs de chevreaux. C’est une machine qui coûte plus cher mais on sait qu’on peut compter sur elle ». Le jeune éleveur aime aussi expérimenter dans son métier. Après avoir fait un essai, il met dans une auge à disposition des agneaux du charbon pour protéger leurs intestins.
Aucun ne regrette leur première vie. « Je pense que c’est très formateur d’avoir une expérience de salarié avant de s’installer, commente Christophe. Pour les fils d’éleveurs, c’est important d’aller voir ailleurs et ça permet de savoir pourquoi on fait ce métier et pas un autre. Et quand on n’est pas issu du milieu agricole, ça peut permettre de s’habituer au métier, ses contraintes, se former... » Tous les deux ont aujourd’hui pris des responsabilités au sein de leur OP. « C’est intéressant de passer de l’autre côté, on ne voit pas les choses de la même façon quand on sait comment se passe le travail de l’intérieur. »