Session ovine de l’Aftaa
Fourrages et concentrés pour faire du lait
Les techniciens de l’alimentation animale ont suivi à Toulouse les présentations des résultats de recherche sur la nutrition des brebis laitières.



L’Aftaa, l’association française des techniciens de l’alimentation et des productions animales, a rassemblé le 2 mars 2016 à Toulouse un large public de techniciens des filières ovines pour les informer des récents développements techniques. Une partie des présentations ont permis d’aborder l’alimentation des brebis laitières.
Les cent premiers jours de lactation sont essentiels
Joël Le Scouarnec, nutritionniste à InVivo NSA, a rappelé les 100 premiers jours de lactation sont essentiels que pour améliorer l’efficacité alimentaire en élevage ovin lait. Pour des brebis Lacaune, les leviers de l’efficacité alimentaire sont à mettre en œuvre dès le départ de la lactation. « Les cent premiers jours sont décisifs pour le reste de la lactation, explique le nutritionniste. Les brebis les plus productrices au départ le restent et les autres moins productrices gardent aussi leurs rangs. » Les stratégies d’apport énergétique élevé en début de lactation semblent plus efficaces avec un niveau haut ou bas en fin de lactation. Par contre, un niveau énergétique bas en début de lactation ne peut pas être rattrapé par un niveau élevé en fin de lactation. InVivo NSA préconise aussi de hauts apports en protéines (400 g de PDI) dès le début et à maintenir constamment pendant la lactation. « La modulation des apports en PDI en fonction de la baisse inévitable de la production laitière pourra diminuer la persistance laitière » craint Joël Le Scouarnec.
Les essais menés notamment au Domaine Inra du Merle (Salon-de-Provence) ont montré que le niveau d’ingestion totale agit positivement sur la production laitière mais n’inverse pas la hiérarchie des productions individuelles entre le début de la saison de traite et la fin. Pour Joël Le Scouarnec, « le niveau d’ingestion des concentrés joue positivement sur l’ingestion totale jusqu’à 1,0-1,4 kg/j et plafonne pour un niveau supérieur à 1,4 kg/j en engendrant une baisse de l’ingestion des fourrages ».
En Espagne aussi, on cherche à produire du lait avec les fourrages
Gérardo Caja, professeur de productions animales à l’université autonome de Barcelone, a réalisé une simulation technico économique en fonction de la part de fourrages et de concentrés. Il s’est basé pour cela sur les données de la race Assaf, une race espagnole crée à partir la race syrienne Awassi et de la Frisonne orientale. Pour une brebis produisant en moyenne 316 litres par an, les 317 euros de produits annuels se partagent entre le lait (78 %), les agneaux (13 %) et les aides (7 %). Les 280 euros par brebis de charges directes sont liés pour 61 % à l’alimentation des brebis et des agneaux. Le reste incombe aux salaires, amortissements et autres charges.
Pour produire un litre de lait il faut deux unités fourragères dont 70 % sont issus des concentrés. « Pour un prix de vente du lait d’environ 0,88 €/l et pour un prix moyen du concentré de 0,35 €/kg, le prix du fourrage (à 90 % de matière sèche) ne doit pas dépasser 200 euros la tonne » explique le chercheur espagnol. Ce type de calcul par équivalence en prix « critiques » peut orienter la stratégie alimentaire vers l’utilisation de plus de fourrages.
Par ailleurs, des études sur les brebis laitières de races Manchega et Lacaune montrent qu’en passant de 30 à 60 % de concentrés dans les rations équilibrées, il n’y avait pas d’effet sur l’ingestion totale et la production laitière. Par contre, le taux butyreux a tendance à diminuer et le lait coagule moins bien.
Un meilleur suivi pour moins traiter chimiquement les strongyloses
Pour nourrir le troupeau, le pâturage doit faire face à la problématique des strongles gastro-intestinaux. Philippe Jacquiet, enseignant chercheur à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, a illustré la résistance croissante des nématodes aux anthelminthiques due à la pression de sélection liée à l’usage répété des traitements chimiques. De nouvelles techniques existent pour moins traiter au travers de la coproscopie de groupe qui permet, à moindre coût, de cibler les traitements individuellement dans le troupeau et dans le temps. À terme, l’obtention, grâce aux marqueurs génétiques, de souches de brebis résistantes aux strongles gastro-intestinaux permettra encore de réduire les traitements chimiques et ainsi de sauvegarder leur efficacité.
Énergie et protéine dès le début de lactation
avis d'expert
« Le lait de brebis reste localisé »
« En comparaison du marché mondialisé de la viande ovine, la production du lait de brebis est plus localisée et spécifique. La France est le cinquième producteur européen avec 266 000 tonnes de lait produites en 2014, derrière la Grèce (772 000 t), l’Espagne (597 000 t), l’Italie (441 000 t) et la Roumanie (429 000 t). En France la production est principalement localisée dans trois grands bassins de production traditionnels (le Rayon de Roquefort, les Pyrénées-Atlantiques, et la Corse) avec une émergence de plus en plus significative de productions hors des trois bassins traditionnels. En 2015, les achats de fromages de brebis par les ménages français, mesurés par le panel Kantar ont progressé de 1,5 % par rapport à 2014. L’augmentation concerne surtout les achats de fromages à pâtes pressées non cuites, dont l’Ossau-Iraty et les tommes, et de pâtes fraîches, tandis que ceux de Roquefort ont légèrement diminué."
Des gains sur les taux grâce à la génétique
Le taux de matière sèche utile est de 130 g/l sur le rayon de Roquefort dont 56 g/l de TP et 74 g/l de TB et, sur les Pyrénées-Atlantiques, le taux de matière utile est de 125 g/l dont 54 g/l de TP et 71 g/l de TB. Les évolutions de ces taux sont similaires entre les deux bassins mais décalées d’une douzaine d’années du fait de la mise en place décalée des schémas de sélection, plus précoce sur le rayon de Roquefort que sur les Pyrénées-Atlantiques.
« La sélection génétique explique en grande partie l’évolution des taux constatée dans le temps, explique Gilles Lagriffoul de l’Institut de l’Élevage et du Comité national brebis laitières. Ainsi, le gain génétique annuel moyen sur le TB de 0,2 g/l et sur le TB de 0,16 g/l entre 2000 et 2015 observé en Lacaune se retrouve à l’échelle de la filière (dans le lait du tank) avec un décalage de cinq ans correspondant à la vitesse de diffusion du gain génétique. »