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Éleveurs en Pologne : « Nous apprenons aux Polonais à manger de l’agneau »

Katarzina et Daniel Malicka ont réalisé leur rêve en créant leur troupeau il y a vingt-deux ans au cœur de la Pologne. Ils ont choisi la race locale à petit effectif Kamienic, qui s’inscrit bien dans le système bio et « sans labour » qu’ils ont choisi. Pour développer la vente directe et la transformation, ils communiquent sur une viande méconnue par leurs compatriotes.

En Pologne, la production de petits ruminants est très marginale (1). Katarzina et Daniel Malicka se sont lancés dans l’aventure en 2002. « Nous avons saisi l’opportunité d’acheter des terres deux ans avant l’entrée dans l’Union européenne. Après, les prix sont montés en flèche », se rappellent les éleveurs rencontrés à l’occasion de la visite d’un groupe d’éleveurs organisée par Feder Coop.

Depuis maintenant vingt-deux ans, ils construisent un système en partie bio et en partie « sans labour » sur 320 hectares à Swiatki, en Varmie-Mazurie. Cette région riche en lacs et forêts se situe tout au nord de la Pologne, à une cinquantaine de kilomètres de l’exclave russe de Kaliningrad.

Une race menacée adaptée au système

<em class="placeholder">Bâtiment vaches laitières reconverti en bergerie.</em>
La bergerie a été aménagée dans l’ancien bâtiment pour vaches laitières d’une ferme d’Etat. © S. Bourgeois
La bergerie a été aménagée à partir du bâtiment pour vaches laitières de l’ancienne ferme d’État, elle-même ayant été au XIXe siècle une partie d’un grand domaine féodal allemand. Katarzina et Daniel Malicka ont porté leur choix sur une race locale à faible effectif : la Kamienic. « Cette race rustique produit de la laine et de la viande. Notre association rassemble une cinquantaine d’éleveurs dont beaucoup détiennent une toute petite troupe. »

​​​​​La race fait l’objet d’un plan de gestion génétique. La lutte se fait en main avec un pool de béliers sélectionnés notamment pour leur diversité génétique. Les brebis bénéficient de la prime européenne aux races menacées.

Une moyenne de 1,6 agneau par brebis

Parti de zéro, le troupeau compte aujourd’hui 360 brebis. Les agnelages se déroulent en janvier et février. « Avec des rations bien calées, et une bonne gestion du pâturage de couverts d’intercultures et de prairies, nous obtenons une moyenne de 1,6 agneau par brebis », explique Daniel Malicki (moyenne de la race : 1,1 à 1,2 agneau par brebis).

<em class="placeholder">Carcasses d&#039;agneaux</em>
Dix à vingt agneaux selon la saison sont abattus chaque semaine. L’abattoir est à 60 km de la ferme. © S. Bourgeois
Le poids de naissance moyen des agneaux est de 8 kilos, et ils atteignent le poids vif de 40 kilos à l’âge de trois à quatre mois. « Les doubles ne sont pas complémentés et mettent juste davantage de temps à atteindre le poids d’abattage» Pour les triples, cela prend encore plus de temps, parfois jusqu’à un an.

Tenir bon face au loup

<em class="placeholder">Ovins au pâturage</em>
Le troupeau pâture sur des intercultures et sur les prairies naturelles le plus de temps possible sur l'année. La prédation du loup est une problématique dans la région. © S. Bourgeois
Le troupeau pâture sur des intercultures et sur les prairies naturelles le plus longtemps possible en saison selon la météo, en général jusqu’à octobre. « Le loup occasionne chaque année quinze à vingt animaux tués. Certains de nos voisins éleveurs veulent arrêter l’élevage à cause de ces pertes. Nous, nous ne nous décourageons pas pour l’instant », commentent les éleveurs.

L’hiver, la ration est distribuée avec une petite mélangeuse. Les brebis sont alors complémentées avec de l’épeautre et reçoivent des prébiotiques, mais pas de complément azoté.

Du bio non certifié

Le troupeau est conduit selon le cahier des charges de l’agriculture biologique mais ne profite pas de la certification car l’abattoir situé à 60 kilomètres de la ferme n’est pas agréé pour cette filière.

<em class="placeholder">Saucisses et salami de brebis.</em>
La viande des brebis de réforme est transformée en saucisses et « salami ». © S. Bourgeois
Depuis six ans, les éleveurs vendent leurs produits en direct « pour apprendre aux Polonais à manger de l’agneau » sous leur propre marque. Katarzina Malicka participe à de nombreux événements avec ses produits, et fait également leur promotion sur les réseaux sociaux.

Un investissement par paliers dans la transformation

Les éleveurs ont investi par paliers dans leur atelier de transformation. « Les frais d’abattage représentent 35 euros par animal. Il y a trois ans, c’était 10 euros. » Ce système d’élevage, bien que très autonome, n’est pas épargné par la période d’inflation très importante qu’a traversée la Pologne depuis 2022 (taux d’inflation de 4,8 % en 2024, après environ 12 % sur l’année 2023 et 14 % en 2022).

Ils emploient une à deux personnes pour cet atelier, en fonction des pics d’activité. Dix à vingt agneaux selon la saison par semaine sont vendus en viande fraîche de boucherie, à un prix revenant à une valorisation de 10 euros par kilo de carcasse.

« Les autres éleveurs vendent leurs agneaux autour de 3,50 euros par kilo de carcasse. Ils partent pour l’export, surtout en Italie », expliquent Katarzina et Daniel Malicki. La viande des cent brebis réformées chaque année est transformée essentiellement en « salami » et saucisses.

Les rendements des cultures moins réguliers

<em class="placeholder">Grande culture</em>
La ferme dispose de 100 hectares de cultures certifiées bio : blé, maïs grain, orge, épeautre, féverole et semences de colza. © S. Bourgeois
Une partie de l’assolement est conduite « sans labour » depuis 2017. Daniel Malicki a petit à petit mis en cultures environ 40 hectares de terres humides après avoir lui-même réalisé les travaux de drainage.

Sur les 100 hectares de culture certifiée bio, il produit du blé (73 quintaux de rendement en moyenne), du maïs grain (110 quintaux de rendement l’an dernier), de l’orge (80 quintaux), de l’épeautre, de la féverole et des semences de colza (42 quintaux de rendement cette année).

« Ce sont de bons résultats, estime Daniel Malicki, mais ils sont devenus plus variables d’une année à l’autre avec le changement climatique. » Une installation photovoltaïque, et la construction d’une unité de méthanisation contribuent à la diversification de l’exploitation.

(1) 1 800 tonnes équivalent-carcasse de viandes ovines et caprines produites en 2021 (source : Institut de l’élevage).

Des granulés de laine pour fertiliser

<em class="placeholder">Granulés de laine</em>
Les éleveurs transforment la laine de leurs moutons en granulés de fertilisant qu'ils utilisent en maraichage. © S. Bourgeois
Katarzina et Daniel Malicka cherchent comment valoriser la laine de leurs brebis. Ils font fabriquer des granulés de laine de mouton et les testent en tant que fertilisants. « C’est une excellente source de nutriments et de minéraux. Ils absorbent aussi de grandes quantités d’eau, permettant aux plantes de mieux survivre à la sécheresse. »

L’analyse affiche en poids brut pour ces granulés 7,62 % d’azote organique, 0,52 % de phosphore P205, et 5,60 % de potassium K2O. Faute d’avoir la possibilité réglementaire de les commercialiser pour l’instant, ils les testent chez eux en maraîchage notamment sur leurs tomates.

Chiffres clé

320 ha de SAU dont 100 ha en cultures bio

360 brebis allaitantes de race Kamienic

2 associés, 2 salariés pour l’exploitation, et 1 à 2 salariés pour la transformation de la viande

Définition

Exclave : morceau de territoire sous souveraineté d’un pays, du territoire principal duquel il est séparé par un ou plusieurs pays ou mers. Kaliningrad constitue un accès pour la Russie au sud de la mer baltique.

Prébiotiques : communément présentés comme les composés dont se nourrissent les « bonnes bactéries » de la flore intestinale, favorisant ainsi leur croissance. Intégrés à la ration des animaux d’élevage, ils participent à l’amélioration de l’efficacité alimentaire.

Rédaction Réussir

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