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Diversifiez et améliorez vos revenus

Le cours de l’agneau français a atteint des sommets en 2024, dépassant les 10 euros du kilo pour les fêtes de fin d’année. Le prix du litre de lait de brebis est revu à la hausse régulièrement par les laiteries. Pourtant, les éleveurs ovins lait et viande sont en moyenne ceux qui touchent le plus faible revenu de toutes les filières agricoles. Alors comment tenter de s’extirper de cette situation qui n’est pas une fatalité ? En premier lieu, il s’agit d’optimiser les dépenses liées à la conduite de l’exploitation, en ajustant au mieux les rations, en misant sur l’herbe, en produisant plus ou en investissant dans du matériel performant ou de la génétique. Vient ensuite la diversification, c’est-à-dire profiter des nombreuses spécificités d’une exploitation pour proposer des services à ses concitoyens : visites de ferme, gîtes, locations de hangar, etc. Les possibilités sont nombreuses, mais mieux vaut réfléchir à deux fois avant de se lancer dans un nouveau projet.

<em class="placeholder">Troupeau de brebis</em>
Diversifier son activité permet d'avoir des sources de revenus différentes et complémentaires.
© L. Duverne

Les productions ovin lait et viande font face à une situation complexe, marquée par des coûts de production en hausse. Les éleveurs laitiers voient le prix du litre de lait augmenter, mais pas suffisamment pour couvrir leurs charges. Côté viande, l’agneau n’a jamais été aussi haut qu’à la fin de l’année 2024, atteignant et dépassant la barre des 10 euros du kilo vif. Si cette cotation permet d’aborder l’avenir un peu plus sereinement, l’ovin reste néanmoins la production d’élevage qui génère le moins de revenus, tout en étant la plus dépendante aux aides de la politique agricole commune (PAC).

Améliorer son revenu peut vouloir dire gagner plus, mais aussi dépenser moins. Sur une exploitation ovine, en lait ou viande, il s’agit d’identifier les plus gros postes de dépenses afin de les optimiser et de réduire les coûts liés, mais aussi actionner des leviers qui permettent plus d’économies et gagner en productivité et en rentabilité.

En allaitant comme en laitier, l’alimentation est un des postes de dépenses le plus important. Optimisation de l’alimentation et de la ration, valorisation de l’herbe, redéfinir l’assolement, produire du fourrage de meilleure qualité, les possibilités pour améliorer le système en dépensant moins sont nombreuses. Reste à voir ce qui peut être fait chez soi. Une bonne gestion de l’alimentation est un des leviers essentiels pour améliorer la rentabilité en augmentant la productivité (plus de lait ou de viande/agneau produit).

Tendre vers l’autonomie alimentaire

Se rapprocher au maximum de l’autonomie fourragère permet de s’affranchir des achats extérieurs, de même que l’autonomie protéique permet de limiter le recours aux aliments concentrés du commerce, à des prix très volatils. C’est le cas d’Hugo et Adrien Capoulade, éleveurs de 500 brebis laitières dans l’Aveyron. « Nous avons revu notre assolement pour l’adapter au plus près des besoins de nos brebis, en introduisant 25 ha de légumineuses. Nous semons de la luzerne, en pure et en mélange avec du trèfle violet. » Excédentaires en fourrage chaque année, les deux éleveurs envisagent de réadapter leur assolement pour produire de la céréale, visant ainsi plus d’autonomie en paille.

Dans l’Indre, Gwen Parry se pose la question de se passer de l’aliment du commerce pour l’engraissement de ces agneaux. « J’achète entre dix et douze tonnes d’aliment bio du commerce chaque année. Augmenter l’implantation de protéagineux me permet également d’améliorer encore la complémentarité de mes deux ateliers grandes cultures et ovin. Avec l’aliment fermier, il faut prévoir d’acheter plus de minéraux. La féverole va remplacer une part des céréales dans la ration, donc j’aurai un peu plus de céréales à vendre. »

L’herbe, l’aliment le moins cher

Une tige d’herbe de 1 centimètre représente 100 kilos de matière sèche par hectare. La manne verte est un aliment complet, peu coûteux à produire et que l’on trouve partout. Encore faut-il optimiser le pâturage afin de profiter au maximum de son potentiel. Pascal Meulé, dans la Nièvre, fait pâturer ses brebis après le passage de ses vaches allaitantes : « Le troupeau ovin reste au pâturage et valorise l’herbe de 51 hectares de prairies permanentes et 9 hectares de ray-grass italien nouvellement semés en automne. Il valorise l’herbe sur pied non consommé par les vaches avec des mises bas dès fin octobre. Avec ce système, les brebis hivernent 50 jours par an uniquement pendant la période d’agnelage et consomment donc peu de fourrages stockés soit 120 kilos de matière sèche par brebis et par an. Par ailleurs, ce pâturage hivernal réduit les consommations de paille des animaux en bâtiment et donc des achats extérieurs, soit 0,3 kilo de paille environ par brebis et par jour. »

Aller chercher l’herbe où elle est, avec des surfaces de pâturage complémentaires peut aussi constituer une solution intéressante, à condition que celles-ci ne soient pas trop éloignées de la ferme et soient adaptées ou facilement aménageables à la présence d’animaux.

Arnaud Simons est éleveur de 250 brebis limousines sur le plateau de Millevaches. Installé à proximité des sources de la Lozère et de la Vienne, il a aujourd’hui 100 hectares. « À chaque agrandissement, je visais des terrains en déprise agricole ou des cessions d’anciens exploitants », explique-t-il. Les zones humides représentent une vingtaine d’hectares. « Cela va des tourbières, des bords de ruisseaux, des pourtours de lac, ce sont beaucoup de petites surfaces un peu disséminées. » 

L’éleveur mise également sur des landes sèches et des zones boisées pour 15 hectares dans son système. « Ces zones sèches sont intéressantes à pâturer certaines périodes de l’année parce que cela permet de faire le tampon entre la pousse de l’herbe et le démarrage de la saison de pâturage », explique-t-il. Pour lui la diversité de ces milieux est intéressante car les ressources fourragères sont différentes et complémentaires. « J’ai plusieurs parcelles en rupture de pente, avec de l’eau qui coule, donc la pousse de l’herbe y est souvent plus précoce. Cependant, les surfaces, souvent réduites, nécessitent d’adapter constamment le chargement. »

Se tourner vers des surfaces additionnelles

Le pâturage des couverts végétaux en grandes cultures est une pratique ancienne qui tend à se développer. Céréalier et éleveur s’y retrouvent techniquement et économiquement, le premier en limitant le recours au broyage mécanique et en bénéficiant de la fertilisation naturelle apportée par les animaux. L’éleveur, lui a accès à de grands espaces de pâturage, avec des espèces végétales souvent intéressantes pour les animaux.

<em class="placeholder">troupeau de brebis au pâturage sur couvert</em>
Le pâturage des couverts végétaux et intercultures est une solution à moindre coût pour gagner en surface alimentaire pour les brebis. A condition que les parcelles ne soient pas trop éleoignées de l'exploitation. © B. Morel
Guillaume Maman représente à lui seul les deux visions. Installé sur la ferme familiale dans l’Aube, il conduit 230 hectares de grandes cultures et une troupe ovine de 400 brebis allaitantes. « Les complémentarités entre grandes cultures et élevage ovin sont multiples. Je donne les grains mal calibrés aux ovins ainsi que les repousses des céréales. Les brebis pâturent sur les parcelles en herbe, qui, sans pâturage, seraient des jachères à passer au broyeur. Le fumier est restitué au sol, ce qui permet de diminuer les achats d’engrais, sans pour autant me permettre de m’en passer complètement. »

Au Gaec de la Sizampe, dans le Vaucluse, Sabine Lopez et Julien Bonnet font pâturer leurs brebis à l’entretien dans les champs de lavande, vendue en coopérative. « Nous avons trouvé une certaine complémentarité entre lavande et ovins. L’huile essentielle de lavande est intéressante pour le soin aux animaux, pour assainir les cases d’agnelage, nettoyer les plaies et les oreilles lors du bouclage et pour améliorer l’ambiance des bâtiments. Et les brebis peuvent pâturer dans les interrangs des champs de lavande. On vise un triple bénéfice : surface de pâturage additionnelle, pérennité de la plantation de lavande et amélioration de la vie du sol », annonce fièrement le couple d’éleveurs.

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