500 brebis en Lorraine, ils relèvent le défi de l’autosuffisance fourragère
Les années sèches et les mauvaises récoltes ont amené le Gaec du Pain de Sucre à repenser son approvisionnement en fourrage pour maintenir l’autosuffisance.
Les années sèches et les mauvaises récoltes ont amené le Gaec du Pain de Sucre à repenser son approvisionnement en fourrage pour maintenir l’autosuffisance.
La Gaec du Pain de Sucre rassemble les productions d’Étienne, Marc et Pierre-Marc Drouville. 500 brebis Mérinos croisées Berrichon du Cher cohabitent ainsi avec les 150 vaches allaitantes de l’exploitation. Le troupeau de mouton a été mis en place en 1983 en complément de l’atelier vaches allaitantes afin de valoriser des parcelles difficilement pâturables par les bovins. Le Gaec a récemment pris un grand tournant, en convertissant ses parcelles ainsi que l’élevage bovin à l’agriculture biologique. C’est le désir d’autonomie par rapport aux revendeurs d’intrants et de produits phytosanitaires qui les a poussés à prendre cette décision. C’est dans cette même logique que la famille Drouville cherche à être autonome pour l’affouragement de leurs troupeaux.
« La conversion de la partie grande culture en Bio nous a permis de nous concentrer sur la production fourragère »
Si l’atelier ovin demeure en agriculture conventionnelle, le passage du reste de l’exploitation à l’agriculture biologique a eu des répercussions sur l’organisation de l’approvisionnement fourrager. Depuis près de trois ans, la surface céréalière diminue pour laisser place à des prairies temporaires et parcelles de luzerne. Sur les 570 ha que comprend l’exploitation, 370 ha étaient auparavant dédiés à la grande culture, contre 300 actuellement. L’introduction de prairies temporaires dans la rotation est un des éléments clé du passage au bio. Elles sont nécessaires pour éviter le salissement des terres et maintenir la fertilité des sols. Ces prairies temporaires assurent l’autonomie fourragère de l’exploitation alors que le non-recours aux engrais chimique induit une diminution des rendements en herbe et luzerne. Les trois éleveurs prennent garde à implanter des légumineuses dans leurs prairies temporaires afin qu’elles servent de relais azoté pour les blés suivant. La luzerne est également un bon précédent qui stocke l’azote atmosphérique dans le sol. Ces pratiques, combinées à l’épandage des fumiers d’ovins et de bovins, permettent à l’exploitation d’être autonome en azote, et donc d’assurer la pérennité de leur exploitation en bio.
Nous avons augmenté notre surface fourragère de 35 %
La pluviométrie a aussi influencé l’augmentation de la surface fourragère. « Auparavant, l’élevage était relativement facile en Lorraine. La sécheresse est maintenant un nouvel enjeu. Nous avons entamé notre stock de foin en plein été, et encore, il faut du foin de bonne qualité sinon elles ne veulent pas le manger en pâture. Par le passé, nous laissions nos brebis dans des parcelles équipées d’un grillage fixe, voire disposant de conduite d’eau jusqu’à l’automne, mais la pousse de l’herbe nous contraint à les conduire au fil électrique dès la fin du mois de juillet. Bouger et abreuver les animaux nous prend presque plus de temps que de les nourrir au bâtiment, la sécheresse modifie vraiment nos manières de travailler ». Les brebis bénéficient ainsi d’une trentaine d’hectares de pâture dédiée, ainsi que d’une douzaine d’hectares de luzerne pour la coupe. Cette stratégie porte ses fruits car aucun achat d’aliment complémentaire n’a été effectué depuis 12 ans, à l’exception de l’aliment agneau.
La conversion bio du troupeau ovin se heurte à des impasses techniques
La question de la conversion du troupeau ovin se pose mais se heurte à de nombreux problèmes techniques. Actuellement, les agneaux sont gardés entre 90 et 120 jours, pour être vendus à un poids avoisinant les 19 kg. La famille Drouville souhaite cependant garder le même niveau de performance en bio. Mais ces résultats ne semblent atteignables qu’en fonctionnant avec l’aliment d’engraissement conventionnel fourni par le commerce. Par le passé, l’éleveur engraissait ses agneaux avec un mélange fermier, mais celui-ci s’avère moins performant. La prise de poids était plus lente pour une plus grande consommation de concentré. « Les granulés d’aliment sont souvent deux fois plus chers en bio qu’en conventionnel, et nous ne sommes pas certains que cela puisse être valorisé à la hauteur de l’investissement par les circuits de commercialisation, expliquent Étienne et Marc Drouville. D’autres éleveurs fonctionnent avec des mélanges pois triticale mais les problèmes d’acidose sont nombreux. En plus des répercussions économiques, nous avons à cœur de vendre des agneaux jeunes. Une partie de la production est écoulée en vente directe, cela ne concerne certes pas plus 10 % des agneaux, mais nous n’avons pas envie de perdre en conformation ou d’entendre dire que nos agneaux sentent le mouton ». Le cahier des charges rebute également l’éleveur : « Il faut à la fois que l’on désaisonne pour avoir des agneaux en fin d’année, tout en ayant des brebis avec les agneaux en extérieur. Mais avec nos terres argileuses, je n’ai pas envie de voir se multiplier les problèmes de boiterie… ». Les membres du Gaec espèrent cependant trouver une solution pérenne pour l’engraissement des agneaux afin que l’ensemble de l’exploitation puisse bénéficier du label agriculture biologique.
Une nouvelle bergerie de 2 200 m²
Malgré ces questionnements, le mouton demeure une activité à part entière du Gaec du Pain de Sucre, comme en témoigne la construction de la nouvelle bergerie, entrée en fonction en 2018. Cette nouvelle installation a permis de faire passer le troupeau de 300 à 500 têtes. « Pour continuer le mouton, il fallait investir, soulignent Étienne et ses associés. Nous étions locataire de l’ancien bâtiment, il se trouvait à 5 km du reste de l’exploitation, ça n’était pas pratique. Ces investissements n’auraient pas été intéressants sans augmentation du cheptel ». Un agnelage supplémentaire a donc lieu chaque année, ce qui permet également un gain de prolificité. Les agnelles ayant mis bas en février agnèlent généralement une deuxième fois au mois de novembre de la même année. De même, les brebis ayant agnelé en novembre agnèlent généralement avec la bande du mois de septembre ce qui permet d’atteindre un taux de prolificité de 1,5. Les éleveurs ont à cœur de proposer de la viande de qualité, la majorité des agneaux sont écoulés sous le CCP Agneau de nos régions. Les agneaux sont pesés chaque semaine afin d’optimiser les départs. La famille Drouville est donc bel et bien à la recherche d’un modèle performant sur le plan technico-économique qui lui permette de rester aussi autonome que possible pour l’alimentation du bétail malgré la succession des années sèches. La vente directe, par le biais du site internet cagette.net compte parmi leurs projets de développement et de diversification, pour écouler les produits de l’élevage ovin et bovin.