130 actions pour structurer la filière laine
Le 16 mai, les acteurs de la production et de la transformation de la laine française ont présenté leur feuille de route pour une structuration de la filière au ministère de l’Agriculture.
La « feuille de route nationale pour la structuration des filières laines françaises » a été présentée le jeudi 16 mai au ministère de l’Agriculture. Ce document de 76 pages, porté par le collectif Tricolor et 65 contributeurs, reprend les 130 actions réparties en sept axes de travail pour rebâtir une filière laine efficace et économiquement viable. « C’était primordial d’arriver à rassembler tous les acteurs de la laine autour de la table et de coconstruire le projet de demain », souligne Audrey Desormeaux, en charge du dossier à la Fédération nationale ovine (FNO).
Déjà en avril 2023, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) pointait dans son rapport sur la « valorisation de la laine et des peaux lainées » la nécessité d’évaluer la production lainière française, de répertorier les débouchés et de construire une entité dédiée à la filière laine.
10 100 tonnes de laine produites en France
Les éleveurs ovins français produisent autour de 10 100 tonnes de laine brute par an (soit environ 5 000 tonnes de laine lavée), avec 3 000 tonnes produites en Nouvelle-Aquitaine et près de 2 240 tonnes pour l’Occitanie, les deux principales régions en termes de cheptel ovin.
Une grande majorité des départements se trouvent aujourd’hui face à un commerce tout ou partie bouché de la laine, bon nombre d’éleveurs ovins étant contraints de stocker la laine sur leurs exploitations. Une partie des éleveurs parviennent à vendre les toisons, mais souvent à prix très dérisoire, ne permettant pas de payer le chantier de tonte.La laine française est quasiment pour moitié classée comme étant moyenne ou fine et l’autre moitié en jarreuse (non adaptée au textile vestimentaire).
Des laines fines ou jarreuses
La classification des toisons établie par Daniel Allain (Inrae) en 2016 a permis de définir un poids moyen des toisons par race. Cependant les rédacteurs de la feuille de route se sont heurtés au manque de données sur les effectifs de chaque race ovine en France, puisque seulement 10 % du cheptel reproducteur est inscrit au contrôle de performance.
Les dires d’experts de Races de France leur ont permis d’effectuer une extrapolation quantitative et qualitative des proportions de chaque race ovine par département. Ces données sont importantes, étant donné que la qualité de la toison et son débouché vont dépendre en majeure partie de la race.
En effet, rappelons que les races mérinos produisent une laine fine utilisée dans la confection de vêtements et textiles techniques de sport, tandis qu’à l’opposé, une quinzaine de races (Manech, basco-béarnaise, grivette, limousine, etc.) va donner de la laine jarreuse qui pourra servir au paillage, à la fabrication de géotextiles ou être utilisée comme engrais. Entre ces deux catégories existe tout en spectre de finesse et de caractéristiques particulières des toisons.
Mieux travailler la laine sur les fermes
Chacune va avoir des qualités propres qui lui permettront d’accéder à tel ou tel débouché. Cependant, la qualité du travail de l’éleveur et sa connaissance des bons gestes permettant d’obtenir une toison exploitable entrent en ligne de compte dans le produit final. Atelier-Laine d’Europe, une association européenne qui promeut la laine et les textiles, se propose d’organiser des rencontres techniques afin de professionnaliser et sensibiliser les éleveurs sur ces problématiques.
Vers un allègement de la réglementation ?
Cependant, la réglementation française européenne freine l’utilisation de la laine à des fins agricoles. En effet, la laine étant aujourd’hui considérée comme un produit présentant un risque sanitaire, elle doit être hygiénisée avant toute utilisation. La FNO s’est positionnée pour élaborer un plan de maîtrise sanitaire et un guide de bonnes pratiques pour le cocompostage des toisons en ferme.
« En bref, nous avons le soutien du ministère mais la balle reste dans notre camp pour porter à bien nos actions », conclut Audrey Desormeaux.
Le saviez-vous ?
Le collectif Tricolor, association à vocation interprofessionnelle dédiée à la renaissance de la filière laines françaises, rassemble depuis 2020 les institutions, les organisations professionnelles et les acteurs majeurs de l’élevage, des savoir-faire de transformation et de la distribution. Son objectif est de promouvoir et valoriser les laines françaises tout en renforçant la durabilité et la compétitivité de cette filière.
Protéger ceps et jeunes troncs avec la laine
Jeunes arbres et pieds de vigne pourraient se parer d’ici peu de robe de laine française. Pour protéger les plants encore fragiles des dégâts de gibier (sangliers, cervidés), Thorenap, une entreprise française basée dans le Tarn, a mis au point des manchons en laine (appelés Thorelaine) dans lesquels les jeunes troncs se glissent. La laine possède en effet une odeur répulsive pour les cervidés. La politique de reforestation intégrée dans le programme France Relance prévoit la plantation de 50 millions d’arbres dans les prochaines années. Doté d’une enveloppe de 150 millions d’euros, le plan de reforestation peut accompagner les gestionnaires forêts dans une démarche durable.
En se positionnant sur ce marché, Thorenap prévoirait un approvisionnement en laine française pour les 50 millions de manchons, réalisés à partir de 20 millions de mètres carrés de feutre, soit 12 000 tonnes. La laine de mouton est 100 % biodégradable, les manchons peuvent donc être laissés en forêt toute leur durée de vie et permettent de lutter contre la pollution aux plastiques. Par ailleurs, la surface viticole française représente 767 000 hectares pour 69 millions de pieds de vigne. Si seulement 1 % des ceps sont protégés, cela représenterait déjà un marché de 250 tonnes de laine.