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Moisson 2024 « décourageante » : « j’envisage de changer de métier » témoigne une agricultrice

La moisson de médailles par les athlètes français aux JO a quelque peu éclipsé le reste de l’actualité dans les médias grand public. Des agriculteurs, dont une céréalière francilienne, brisent le silence en témoignant de leurs difficultés face notamment à la récolte céréalière 2024.

Agricultrice se tenant la tête dans son tracteur
Anne-Laure Durand, à la tête d’une exploitation céréalière dans le Nord de la Seine-et-Marne, illustre avec cette photo un post sur LinkedIn dans lequel elle témoigne de son inquiétude après la moisson 2024.
© Anne-Laure Durand

Alors que la France a encore la tête à fêter la moisson record de médailles pour ses athlètes aux JO de Paris 2024, dans les campagnes ses agriculteurs sont nombreux à se désespérer des résultats de la « vraie » moisson 2024.

« La récolte 2024 est laborieuse, décevante, décourageante. Inquiétante même, tant elle interroge sur le sens de notre métier. […] Personnellement j’envisage de changer de métier » écrit dans un post LinkedIn Anne-Laure Durand, ingénieure agronome ayant repris la ferme familiale dans le Nord de la Seine-et-Marne en 2016 (140 hectares en blé tendre, orge de brasserie, moutarde, maïs grain, protéagineux).

Un message déchirant partagé et commenté des centaines de fois, par des agriculteurs notamment, dont Philippe Collin qui y voit un bon résumé « pour l’ensemble d’une agriculture qui n’arrive plus à trouver une stratégie du partage de la valeur ».

Lire aussi : Moisson 2024 : Quand Agreste estime la production de blé tendre à 26,3 Mt pour 2024

Une baisse de rendement en blé tendre de 36%

« Sur ma ferme la moyenne en blé tendre sera de 60 quintaux cette année, contre un objectif attendu de 94 quintaux (moyenne olympique sur les 5 dernières années), soit une baisse de rendement de 36% » témoigne Anne-Laure Durand. L’agricultrice explique ensuite avoir calculé son seuil de commercialisation pour cette récolte, soit « le prix de vente de mon blé qui me permettrait de payer toutes les charges engagées pour produire, les annuités d’emprunts, les cotisations sociales et les impôts, et une rémunération décente », explique-t-elle. 

Ce sont plusieurs dizaines de milliers d’euros que je vais perdre en ayant cultivé du blé sur la campagne 2023/2024

Conclusion : « je suis bien évidemment dans les choux : plus de 330€/t alors que le blé vaut actuellement moins de 200€/t. Ce sont donc plusieurs dizaines de milliers d’euros que je vais perdre en ayant cultivé du blé sur la campagne 2023/2024 ».

Lire aussi : Ce qui bloque l’agriculture française, selon le céréalier David Forge

Des trésoreries déjà affectées en 2023

L’agricultrice rappelle que lors de la récolte 2023 la situation était déjà morose « puisque les prix n’étaient pas rémunérateurs (effet ciseaux suite à l’envolée des charges en 2022) ». 
« Les agriculteurs avaient donc engagé la campagne actuelle avec des trésoreries affectées, espérant des jours meilleurs.  Est-ce la seule chose qui nous reste aujourd’hui, l’espoir cynique d’un retournement de situation, à la faveur d'une nouvelle guerre ou d'une catastrophe climatique hors de nos contrées qui ferait remonter les cours mondiaux ? En est-on arrivé à un stade où il faut prier je ne sais quelle divinité pour nous sortir du merdier dans lequel nous sommes enlisés ? », poursuit-elle, estimant que des mesures comme le report de cotisations sociales ou des prêts de trésorerie ne seraient « que des artifices ».

Je ne veux et ne peux plus continuer à bosser pour la gloire

Face à cette situation, Anne-Laure Durand avoue envisager de « changer de métier ». « 
C’est un crève-cœur car je l’adore ce boulot, je suis fière de sa finalité, passionnée par mes engagements vers une autre voie agricole, l’ACS (agriculture de conservation des sols). Mais je ne veux et ne PEUX pas continuer à bosser pour la gloire ».

Lire aussi : Moisson 2024 : pour Arnaud Rousseau : "C'est la première fois, depuis 40 ans, que la France a aussi peu de blé produit sur son territoire"

Quelles erreurs de gestion j’ai fait s’interroge un autre céréalier ?

L’agricultrice est loin d’être la seule à s’interroger ces jours-ci sur les réseaux sociaux alors que l’actualité est focalisée sur les jeux olympiques. Ainsi Julien Senez, céréalier en Picardie (200 ha) se questionne sur LinkedIn 15 ans après avoir repris la ferme familiale. 

Après avoir basculé en agriculture de régénération, rationalisé ses équipements (baisse de 40 000 euros de charges par an), et développé une activité de formation, l’agriculteur fait le point sur l’exercice comptable 2023 (-5000 euros de résultats malgré de très bons rendements pour son territoire).

« Une gifle, 3 jours à ruminer. Ce résultat vient s’ajouter à une moisson 2024 médiocre »

« Une gifle, 3 jours à ruminer. Ce résultat vient s’ajouter à une moisson 2024 médiocre (-25% par rapport à notre moyenne) », commente-t-il sur LinkedIn. « Comment peut-on être en négatif en ayant réalisé d’aussi bons rendements en 2023 ? Notre système est-il encore compétitif ? Quelles erreurs de gestion ai-je fait ? » s’interroge Julien. 

Après analyse il avance 3 explications dans son post : « une dépréciation des stocks en terre liée au coût de l’azote », « des maïs grains vendus à un prix proche des coûts de production » et « de nombreux postes de charges en croissance élevée » (produits phyto, GNR, coûts de prestation), certains de ces coûts étant liés à la « surtranspositions de normes », estime cet agriculteur. 

Relire aussi : Moisson 2024 : des rendements très décevants sauf dans le sud

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