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Sur Linkedin Philippe Collin, polyculteur-éleveur, échange sur son métier

Philippe Collin est à la tête d’une exploitation de polyculture élevage en Haute-Marne. Depuis 3 ans, celui qui ne cesse d’approfondir ses connaissances et de mener à bien des projets est sur Linkedin. Un lieu d’échange et de partage sur lequel il explique son métier. Un réseau où il puise aussi beaucoup d’informations. Aujourd’hui, il fait partie des agriculteurs influents sur les réseaux sociaux. 

Philippe Collin, agriculteur en Haute-Marne et actif sur Linkedin : « Je suis toujours dans la nuance. »
© Philippe Collin

Il est agriculteur et il le revendique. Installé en Haute-Marne, à Colombey-lès-Choiseul, Philippe Collin est à la tête d’une exploitation de polyculture élevage sur un peu plus de 300 ha. Avant 2014, il était producteur de lait en agriculture conventionnelle, en Gaec avec 5 associés. Puis la ferme laitière a été cédée à 2 jeunes. Sur la partie conservée par Philippe Collin, les broutards à l’engraissement ont remplacé les vaches laitières et le système de production a évolué vers le bio. Deux salariés sont présents sur la ferme. Sa femme est également salariée à mi-temps et son fils cadet travaille aussi sur l’exploitation et prépare son installation. Son fils aîné est en master agroécologie mais ne travaille pas sur la ferme .  « L’organisation du travail est très souple, mes salariés sont un peu comme mes associés, » explique l’agriculteur. 

Les terres situées à 400 m d’altitude se répartissent entre 110 ha de prairie et 200 ha de cultures : blé d’hiver, blé de printemps, blé dur, seigle, petit épeautre, orge d’hiver ou orge de printemps selon les années, chanvre graine et paille, colza, tournesol, maïs. Ajoutez à cela une unité de méthanisation, avec station-service biogaz à la ferme pour l’approvisionnement des véhicules. 

Ajoutez à cela une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) créée avec d’autres agriculteurs pour un projet de meunerie et de huilerie qui devrait voir le jour mi-2024. « On reprend en mains la valorisation de nos céréales, » commente le producteur. Être « maître des graines », c’est l’idée. On l’aura compris, l’agriculture vue par Philippe Collin est moderne, durable… et tournée vers la jeunesse. Il n’est plus élu dans les organisations professionnelles. « Les jeunes doivent reprendre », estime-t-il. L’avenir de son exploitation passe aussi par les réseaux sociaux. « Je suis à 4 km de tout », constate-t-il. Pourtant, Linkedin lui a donné l’opportunité de communiquer avec beaucoup de monde : d’autres agriculteurs, des chefs d’entreprise… Parcours d’un agriculteur sur un réseau qui en comptait peu au départ.

Les agriculteurs sont encore peu nombreux à être présents sur Linkedin. Pourquoi ce choix ? 

Philippe Collin – « Au départ, je me suis créé un compte Facebook mais je me suis rendu compte que ça ne me correspondait pas. Je trouve que ça part vite dans des choses qui ne sont pas constructives. Je n’ai jamais essayé Twitter mais c’est quelquefois un peu limite dans les propos. Linkedin est un réseau plus professionnel. J’ai commencé il y a trois ans. A l’époque, il y avait peu d’agriculteurs. Aujourd’hui, je trouve qu’il y en a une grande diversité, même s’il y a encore moins d’éleveurs que de céréaliers. Je pratique le réseau, physiquement, depuis longtemps. En 2011, avec le méthaniseur, nous avons eu 130 jours de visite sur la ferme, soit pour des groupes, soit pour des individuels. Aujourd’hui, on passe moins de temps à parler directement aux gens mais plus de temps sur les réseaux. » 

Qui est-ce qui vous suit ?

P. C. – « J’ai 8500 volontaires qui me suivent. Mon audience dépend des publications. S’il y a une vidéo, il y a beaucoup de vues. Si c’est juste une photo avec un petit texte ou un billet d’humeur, c’est moins vu. Sur Linkedin, les internautes sont des cadres pour beaucoup. Ce sont plus des gens du secteur tertiaire. Il y a peu de gens des milieux ruraux, à part des techniciens agricoles avec bac + 4 ou 5. Les personnes qui me suivent ont un profil quand même " écolo " : ils soutiennent l’agriculture mais pas n’importe laquelle, ils ne comprennent pas tout à l’agriculture mais veulent comprendre. »

Quel est le top de vos posts en termes d’audience ? 

P. C. – « C’est la vidéo sur l’enrubannage bleu, jaune et rose. Elle a fait un boom en quelques heures. Même si elle a suscité des commentaires du style : " c’est juste pour se justifier de polluer avec du plastique " ». 

Répondez-vous aux commentaires ?

P. C. – « Oui, je réponds toujours aux commentaires, même si j’y passe moins de temps maintenant. Je réagis au moins avec un Emoji. J’ai aujourd’hui beaucoup de commentaires de gens qui vont plutôt prendre ma défense alors qu'ils n’étaient pas convaincus au début. Ils vont quelquefois répondre mieux que moi. »  

Quel est le type de messages que vous aimez poster ?

P. C. – « Il faut montrer des exemples : binage, méthodes alternatives… Il faut montrer ce qu’il est possible de faire… mais en nuances. Je suis toujours dans la nuance. Je viens du conventionnel, je sais que tous les agriculteurs ne peuvent pas être en bio. Je n’ai rien à vendre mais j’explique. Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas. Si j’ai des doutes, je cherche des références. J’essaie d’expliquer scientifiquement. Le côté scientifique, ça m’aide beaucoup. »  

La notion de nuances semble importante pour vous, pourquoi ? 

P. C. – « Oui, mettre une nuance, c’est important. C’est considérer qu’il y a plusieurs points de vue défendables. Il y a des vegan qui me suivent. Ce qu’il faut éviter, c’est la désinformation, l’endoctrinement. Moi, je ne suis que petit agriculteur. Mais il faut toucher le maximum de personnes qui peuvent être influentes. »  

« Celles qui communiquent bien, ce sont les femmes influentes en agriculture. »

Un jeune qui s’installe peut-il se passer des réseaux sociaux ? 

P. C. – « Je dirais oui. Et pour leur protection, je dirais aux jeunes qui s’installent de faire attention aux réseaux sociaux. Les jeunes sont beaucoup sur des groupes WhatsApp pour gagner du temps. Ca leur permet d’échanger sur la technique. »  

Vous estimez que les réseaux sociaux exposent ? 

P. C. – « Les réseaux sociaux sont très suivis. Les conseillers en communication dans les ministères regardent toutes ces infos. Les messages peuvent être très influents. Il m’est arrivé d’avoir des coups de téléphone du ministère en réaction à des posts alors qu’ils devraient plutôt interroger les syndicats. Je me suis fait aussi remettre en place par des acteurs de la filière énergie alors que depuis, la profession dit la même chose que moi. »

« Il m’est arrivé d’avoir des coups de téléphone du ministère en réaction à des posts.»

Communiquez-vous sur Linkedin à titre personnel ou pour la profession ?

P. C. – « Non, je ne suis pas narcissique à ce point-là. J’ai eu la chance d’apprendre plein de choses, de découvrir plein de choses, je partage. On n’a plus de bistrots dans nos villages. Les réseaux sociaux les remplacent. On peut parler posément. Les réseaux ne vont pas révolutionner. Ce sont des échanges. »

Que peut-on dire sur « Linkedin » ? 

P. C. – « Linkedin, c’est quand même haut de gamme. Au début, je me suis dit " je vais regarder ce qui s’écrit ". Et j’ai constaté que ce n’est pas parce qu’on a fait des études qu’on a le savoir à 100 %. Beaucoup ne savent pas ce que c’est que l’agriculture. »  

« Sur les réseaux, je peux aller à la rencontre de gens avec qui je ne serais pas en contact autrement. »

Quel a été votre déclic pour vous lancer ? 

P. C. – « Au départ, je me suis inscrit sur Facebook pour participer à un concours. Je me suis dit, " c’est quoi ce truc ? ". Et j’ai vu qu’il y avait des copains à moi qui y étaient. Sur Linkedin, ça a été pareil. J’ai dû m’inscrire pour participer à je ne sais plus quoi. Et quand j’ai vu le monde qui y était, je m’y suis retrouvé. En fait, j’aime ça. Mon épouse n’est pas du tout réseaux sociaux, elle considère que c’est du voyeurisme. On est dans les deux extrêmes sur ce sujet. Et j’avoue une certaine addiction. Je m’étais dit que j’allais arrêter pendant un an mais je ne l’ai pas fait. C’est peut-être presque aussi dur que d’arrêter de fumer. »  

Combien de temps passez-vous sur Linkedin et quand y allez-vous ? 

P. C. – « Facilement 4 heures par semaine. C’est beaucoup mais, comme les tracteurs commencent à se conduire tout seul... Je poste plutôt tôt le matin. Je commence à comprendre l’algorithme de Linkedin et j’ai constaté que les vidéos à 7 h 50 le matin, ça marche bien. »  

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut démarrer ? 

P. C. – « Regarder, regarder, regarder. Et tout d’un coup, s’exprimer, sans être à côté de la plaque. Un maximum de gens doit comprendre notre métier. Je donnerais le conseil aussi de ne pas faire de Twitter sur Linkedin. Je vois beaucoup de messages qui ne sont pas du tout constructifs, qui ne servent pas l'agriculture. Et les politiques ne montrent pas l'exemple. Leur discours peut même parfois être théâtral. Sur un réseau, ça peut choquer ceux qui ne savent pas comment ça se passe en politique. Les agriculteurs sont prêts à changer et il faut les inciter à se poser des questions. Mais ils n'ont pas besoin d'être énervés, ils ont besoin d'être rassurés. »

« Il existe un nouveau Shift Project " agricole " qui se met en place pour lequel les réseaux permettent de rassembler les bonnes volontés ».

Qui communique bien, selon vous ? 

P. C. – « L’agriculture est aimée du grand public. Elle fait de l’audimat. Les gens aiment leur racine. Mais beaucoup de gens parlent de l’agriculture comme d’une corporation, sans avoir de connaissance. J’ai l’impression quand je vais à l’extérieur que j’entends parler des agriculteurs comme si c’était un troupeau de moutons. Il y a des gens qui ne se renouvellement pas. On ne laisse pas la place aux jeunes. Celles qui communiquent bien, ce sont les femmes influentes en agriculture, agricultrices pour certaines. C’est complètement différent en termes de communication. Je peux citer Anne Dummonet Lecas , Anne-Cécile Suzanne, Gabrielle Dufour , Anne-Laure Picard , Gwaenaëlle Baillache, Alessandra Kirsch. Elles mettent vraiment les femmes au centre mais il n’y a pas du tout d’acharnement dans leur discours. Quand les femmes s’expriment sur un réseau, tout le monde fait profil bas. Elles sont plus respectées. »

 

Quel est le côté négatif des réseaux ?

P. C. – « Alors qu’on explique qu’il faut ralentir, les réseaux accélèrent tout. Les réseaux sociaux vont plus vite que les informations. Et il ne faut pas tout prendre pour argent comptant. »

« Le moulin et l’huilerie qui devraient voir le jour en 2024 sur notre exploitation sont des projets Linkedin.»

Quel est l’avantage d’être sur Linkedin ? 

P. C. – « En suivant les articles et en faisant sa sélection, cela permet d’avancer sur les projets. Le moulin et l’huilerie qui devraient voir le jour en 2024 sur notre exploitation sont des projets Linkedin. On voit des choses qui peuvent se construire. Sur ma ferme, je suis à 4 km de tout mais je peux aller à la rencontre de gens sur les réseaux avec qui je ne serais pas en contact autrement. Au Sommet de l’Elevage, grâce aux réseaux, j’ai pu avoir un rendez-vous avec l’ancien patron de Limagrain. Une autre fois, j’ai été contacté par l’agronome Mathieu Perraudin pour intervenir dans une table-ronde organisée par The Shifters. Il existe un nouveau Shift Project " agricole " qui se met en place pour lequel les réseaux permettent de rassembler les bonnes volontés. Tout est possible sur un réseau ! »

 

Relire tous les interviews d'agriculteurs actifs sur les réseaux sociaux :

Mickaël Mazan, maraîcher : « je peux tout dire sur mon métier sur les réseaux sociaux »

Jérôme Raingeard, jeune éleveur de volailles bio : « Instagram fait partie de mon métier »

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