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Chronique
Quelles sanctions en cas d’entrave à l’Autorité de la concurrence

Par une décision en date du 26 mars 2021, le Conseil constitutionnel a apporté un éclairage important sur la question des sanctions encourues en cas d’entrave à l’action des agents de l’Autorité de la concurrence ou de ses services.

Didier LeGoff, avocat © DR
Didier LeGoff, avocat
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Le Conseil constitutionnel avait été saisi par la Cour de cassation le 13 janvier 2021, au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité qui portait spécifiquement sur la conformité à la constitution des dispositions qui constituent le 2e alinéa du paragraphe V de l’article L464 – 2 du Code de commerce.

Ce paragraphe prévoit que « lorsqu’une entreprise a fait obstruction à l’investigation ou à l’instruction, notamment en fournissant des renseignements incomplets ou inexacts, ou en communiquant des pièces incomplètes ou dénaturées, l’Autorité peut, à la demande du rapporteur général, et après avoir entendu l’entreprise en cause et le commissaire du gouvernement, décider de lui infliger une sanction pécuniaire. Le montant maximum de cette dernière ne peut excéder 1 % du montant du chiffre d’affaires mondial HT le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ».

Divers griefs avaient été formulés à l’endroit de ce texte, mais le Conseil constitutionnel n’en retiendra qu’un seul, tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines.

Deux textes aux sanctions propres

Le Conseil constitutionnel rappelle tout d’abord que ce principe ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales, mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Il souligne aussi que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que de mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente, en application de corps de règles distinctes, à la condition qu’en cas de double poursuite sur des fondements différents, le montant global des sanctions éventuellement prononcées n’excède pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions.

Or, le Conseil constitutionnel observe que l’article L450 – 8 du Code de commerce punit de 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros le fait pour quiconque de s’opposer de quelque façon que ce soit à l’exercice des fonctions dont les agents de l’Autorité de la concurrence sont chargés.

Pour le Conseil constitutionnel, ces dispositions permettent de réprimer de mêmes faits, qualifiés de manière identique, que ceux qui peuvent donner lieu à l’application des dispositions de l’article L464 – 2 précitées. Ces deux textes ayant chacun leurs sanctions propres, protègent en réalité les mêmes intérêts sociaux. Ils relèvent donc de corps de règles identiques, ce qui est contraire au principe de légalité des délits et des peines. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel déclare contraire à la constitution le second alinéa du § V de l’article L464-2 du Code de commerce.

Dispositions déclarées non conformes applicables

La conséquence immédiate de cette position est que les dispositions déclarées contraires à la Constitution ne sont plus en vigueur. Mais avec un certain pragmatisme, le Conseil constitutionnel précise que, dans les procédures en cours fondées sur les dispositions contestées, la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée lorsque l’entreprise poursuivie a préalablement fait l’objet de poursuites sur le fondement de l’article L450-8 du Code de commerce.

Autrement dit, dans les procédures en cours, et seulement dans celle-ci, lorsque l’entreprise n’a pas été poursuivie sur le fondement des dispositions de l’article L450-8 du Code de commerce, les dispositions déclarées non conformes peuvent, malgré tout, continuer d’être appliquées.

C’est ce qui explique que, le 3 mai 2021, l’Autorité de la concurrence ait infligé à l’entreprise Fleury Michon une sanction d’un montant de 100 000 euros sur ce fondement, pour n’avoir pas informé les services d’instruction de l’Autorité d’une opération de restructuration interne, dans l’affaire dite du cartel du jambon sanctionné le 16 juillet 2020. En effet, cette entreprise n’avait pas été poursuivie sur le fondement des dispositions de l’Article L450-8 du Code de commerce pour les mêmes faits.

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de vingt-cinq années, dont près de vingt ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire. Il a fondé, en 2018, avec quatre confrères de spécialités et barreaux différents, une plateforme dédiée aux segments de marché de l’agroalimentaire, parfums, fleurs et leurs produits dérivés : www.leschampsdudroit.fr.

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