Protéines végétales : un marché minime en France
S’il est bien développé dans certaines régions du monde, en France, le marché des protéines végétales reste minime. La demande en produits transformés risque de se tasser ; celle en produits bruts reste à construire.
La végétalisation de l’assiette n’est pas seulement une tendance. Elle est le reflet d’un changement sociétal mondial qui résulte de trois raisons principales : la sauvegarde de l’environnement (avec une population sans cesse croissante pour une seule planète ressource), la santé humaine et le bien-être animal. En France, de nombreuses associations qui militent pour les protéines végétales dans l’alimentation humaine sont animées par la protection de la vie animale. Évolution inévitable, la végétalisation de l’assiette est soutenue à travers le monde par des financements privés comme publics (en France, elle est incluse dans le Plan Protéines).
Si dans certaines zones du globe, l’alimentation végétale est très développée et explose de manière exponentielle (Asie, Amérique du Nord…), l’Europe arrive loin derrière. Parmi les pays leaders en Europe : Grande-Bretagne, Pays-Bas, Allemagne.
En France, la consommation de protéines végétales progresse et va continuer de progresser, mais elle n’est pas vouée à augmenter de manière spectaculaire. Le marché français des protéines végétales est minime. On est toujours sur une consommation très mouvante et très aléatoire.
« Dans les pays développés, la consommation de protéines est déjà supérieure aux recommandations de l’OMS, rappelle Sophie de Reynal, directrice marketing de NutriMarketing. Les Français consomment 90 grammes de protéines par jour alors que l’OMS en recommande 50 à 70 grammes. »
Les similis, un marché juteux mais éphémère ?
Dans un rapport paru en 2021, le département études de Bloomberg affirmait que « le marché mondial des alternatives végétales pourrait atteindre 162 milliards de dollars en 2030 ». Il était de 29,4 milliards de dollars (Md$) en 2020. Selon Fairr, 40 % des géants mondiaux du secteur agroalimentaire (représentant 459 Md$ de chiffre d’affaires) possèdent désormais des équipes dédiées au développement et à la mise en marché de protéines végétales comme alternatives aux produits laitiers et à la viande. Deux exemples : Nestlé investit 5 millions de dollars en Chine pour un centre dédié aux protéines végétales ; Unilever a dépensé 94 millions de dollars pour ouvrir son centre d’innovations aux Pays-Bas.
« Si le marché ne compte pas forcément plus de végétariens, la mouvance écoresponsable rend de plus en plus de consommateurs flexitariens », Maria Bertoch, experte foodservice au sein de NPD Group.
Cependant, s’il suscite de nombreux investissements ou levées de fonds, le segment des similis pourrait vivre ses dernières années de gloire en France. « Après un pic à 400 milliards d’euros en 2022, le marché tricolore des alternatives végétales devrait tomber à 394 milliards d’euros en 2025 », prédisait en novembre 2021 le cabinet Xerfi. Les raisons ? Un essoufflement de la demande lié à une défiance envers les industriels et l’ultra-transformation des produits, mais aussi une offre aux promesses ambiguës par rapport à la demande ainsi que des prix élevés. « Après une année record en 2018, les lancements de produits ont sérieusement ralenti en 2019 et 2020 », développe le cabinet. Extension de l’offre et mise en avant dans les rayons expliqueraient « l’essentiel de la croissance de ces dernières années ».
L’espoir pourrait-il venir de la restauration ? « En France comme aux États-Unis, Beyond Meat s’est d’abord attaqué aux circuits professionnels avant de franchir la porte des GMS », rappelle Xerfi. La RHD est bien souvent la porte d’entrée des innovations alimentaires. C’est un lieu d’expérimentation pour les marques et de découvertes pour les clients finaux. Cependant pour Xerfi, les grandes enseignes de restauration rapide installées en France jugent la demande pour les alternatives végétales trop faible.
Les produits bruts, un potentiel à imaginer
Si le segment des similis, créé pour séduire les flexitariens (ceux qui réduisent volontairement leur consommation de viande, selon la définition employée par FranceAgriMer) peut rebuter par leur côté ultra-transformé, les produits consommés bruts (légumineuses, céréales…) sont eux souvent jugés comme étant sans saveur et indigestes. Le niveau de consommation de légumineuses des Français est l’un des plus faibles en Europe : moins de 2 kg par an par habitant contre près de 4 kg en moyenne en Europe. Institutions, associations, voire entreprises, rivalisent d’imagination pour développer leur consommation. C’est ainsi qu’est né, en mars, le premier Idéathon, un concours d’idées ouvert à tous pour aider au développement de la consommation de protéines végétales, organisé notamment par Terres Inovia et Terres Univia dans le cadre de Cap Protéines.
Les projets des trois lauréats concernaient des projets éducatifs et pédagogiques destinés à favoriser la consommation de légumineuses par les jeunes. Plusieurs associations végétariennes (Assiette végétale par exemple) proposent aussi de réelles formations à la création de plats végétaux destinées aux chefs des cantines scolaires aujourd’hui obligés de proposer un repas végétarien hebdomadaire. Éduquer les jeunes à manger moins d’aliments d’origine animale constitue aujourd’hui un enjeu majeur.
La protéine de pois, la nouvelle pépite ?
Parmi les annonces d’investissements les plus marquantes, celle de Roquette en novembre 2021. Le groupe français communiquait sur sa nouvelle unité de production de protéines végétales au Canada : 20 000 m2 avec une capacité de valorisation 125 000 tonnes de pois jaunes par an. En ajoutant son site français, Roquette, leader sur ce marché, est désormais capable de travailler 250 000 tonnes de pois par an. Au total, le groupe a investi plus de 500 millions d’euros en cinq ans (2015-2020). « La demande est énorme. On a de la peine à répondre. Tous les gros essaient de nous suivre », s’enflammait en novembre, le directeur général de Roquette, Jean-Marc Gilson dans les colonnes des Échos.
Parmi les protéines végétales, celle de pois génère le plus grand nombre de dépôts de brevets. Selon Mordor Intelligence, le marché des protéines de pois, celles-ci étant considérées comme durables, « est stimulé par l’inclinaison croissante vers les régimes végétaliens, la compétitivité des coûts offerte par ces produits à base de protéines végétales et leur utilisation croissante dans une grande variété d’aliments transformés prêts à consommer ».
Repère
Qu’entend-on par protéines végétales ?
Les protéines végétales peuvent se consommer brutes, transformées en ingrédients ou en alternatives aux produits animaux (similis). Quel que soit leur mode de consommation, elles sont issues de :
légumineuses : soja, pois, lentilles, fèves, pois chiches… céréales : blé, quinoa, avoine, seigle, épeautre… graines : lin, tournesol, chia, chanvre… fruits à coque : cajou, amandes, noisettes… algues et assimilés : spiruline, lentilles d’eau…
Mais aussi d’autres produits bruts (avocats…). Dans l’étude de FranceAgriMer sur les flexitariens de 2021, les pommes de terre étaient citées par exemple comme sources de protéines.