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Produits de la mer : la baisse de l'euro impacte la transformation



L'euro chute et cela ne fait pas que des heureux. Colin, noix de Saint-Jacques… une grande partie des produits de la mer sont achetés à l'international, en dollar. Et quand il est fort, c'est tout une filière qui en pâtit, et réclame des hausses à la grande dis-tribution. Mais les GMS le voient : les ménages sont très sensibles aux hausses de prix des produits de la mer.

La faiblesse de l'euro par rapport au dollar n'est pas une bonne nouvelle pour tout le monde. Très dépendantes des importations, les entreprises transformatrices de poissons, coquillages ou crustacés font la grimace. Enquête.

Depuis un an, la parité euro/dollar a enregistré une dégringolade impressionnante, l'euro passant de 1,38 dollar au 10 avril 2014 à 1,05 dollar au 9 avril 2015 (cf graphique p. 12). Si cette situation est plus qu'intéressante pour les industriels qui exportent, elle l'est beaucoup moins pour ceux qui importent. Parmi eux, les industriels des jus de fruits, comme nous l'écrivions le 26 mars dernier, mais également ceux des produits de la mer.

Car la balance commerciale des produits de la mer en France est largement déficitaire. Selon des données FranceAgriMer en 2012, la production fraîche et congelée de la pêche française a atteint 470 000 tonnes. La conchyliculture a produit environ 150 000 t de coquillages, et la filière piscicole produit chaque année 50 000 t de poissons. Soit un total d'environ 670 000 tonnes.

Mais les Français sont amateurs de produits de la mer : troisièmes ” plus gros consommateurs de l'Union européenne, ils font la part belle aux poissons et coquillages dans leurs assiettes avec une moyenne de 34,4 kilogrammes par an et par personne (données FranceAgriMer en 2013), soit plus de 2 millions de tonnes. « Il faut savoir que la balance commerciale de la France est négative en matière de poissons ou crustacés. On a une obligation conjoncturelle d'importer des produits de la mer pour nourrir les Français », explique Cédric Lebourg, directeur général de Gel Pêche. Exemple flagrant : la consommation de noix de Saint-Jacques est estimée en France à près de 154 000 t en 2013 par France quand la production hexagonale dépasse légèrement les 27 000 tonnes.

On a une obligation d'importer des produits de la mer

La double peine

Les industriels des produits de la mer, qui se retrouveront au Seafood à Bruxelles du 21 au 23 avril, sont donc face à un défi majeur : celui de faire passer les hausses des matières premières achetées en dollar aux distributeurs. Le 13 février dernier, en pleines négociations commerciales, l'Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Ade-pale) tirait la sonnette d'alarme, indiquant « une activité fortement pénalisée par la hausse du prix de leurs approvisionnements internationaux payés en dollar », dans un communiqué.

Entre juillet 2014 et janvier 2015, à prix d'achat constant, l'Adepale évoquait des prix de revient des produits finis en hausse de 17 %. Depuis, l'euro a poursuivi sa chute. « Lors du Sirha qui s'est déroulé fin janvier à Lyon certains de nos membres nous avaient fait part de situations compliquées », relate Pierre Commère, secrétaire général de l'Adepale. En effet, répercuter ces hausses, c'est « assurer la pérennité des entreprises », prévient le syndicat. Principaux produits concernés : les poissons blancs, le thon, le saumon sauvage>> ou encore les œufs de poisson. Sur certaines matières premières, l'effet baisse de l'euro est aussi couplé à une hausse des matières premières. « C'est la double peine, constate Pierre Commère. Par exemple, sur les produits sensibles comme les Saint-Jacques, nous observons une hausse importante du cours, notamment en provenance d'Argentine, corrélée à une hausse du dollar. »

Même constat pour Cédric Lebourg dirigeant de Gel Pêche : « La parité euro/dollar vient renchérir la hausse de certaines de nos matières premières. » Ou annuler la baisse, comme dans le cas des crevettes. « Le cours des crevettes n'a pas arrêté d'augmenter ces deux dernières années. Depuis quelques temps, il y a un infléchissement des cours, que je ne vois pas, car j'achète en dollar. Cette baisse est complètement gommée à cause de la baisse de l'euro », regrette-t-il.

La fin des stocks

L'effet tampon, c'est terminé. On a tous vendu nos stocks

Les industriels ont-ils pu répercuter la hausse à la grande distribution ? Pas si évident, car le cours de l'euro a fortement baissé pendant les négociations commerciales. « Certains importateurs ont utilisé la matière en stock durant cette période, explique Cédric Lebourg, mais ils sont maintenant écoulés. Concrètement, l'effet tampon, c'est ter-miné. On a tous vendu nos stocks, et il va maintenant falloir répercuter le coût d'achat de nos matières premières à la grande distribution, qui freine des quatre fers pour répercuter cette hausse. » Le « bras de fer » avec la grande distribution est maintenant engagé. Et plus encore que d'autres filières, la pêche est sujette à ces variations du prix des matières premières. « C'est la difficulté et l'intérêt de nos métiers. Nous sommes encore une industrie de cueillette en quelque sorte, qui dépend des récoltes : des campagnes de pêche, des aléas géopolitiques, du climat… Chaque année est différente de la précédente », annonce le dirigeant. La difficulté : « Acheter au bon moment, aux quatre coins du monde, acheminer, pour livrer nos clients qui attendent un produit à qualité et prix constants toute l'année. »

« Cela nous pousse à chercher, à sourcer un peu plus en France. Ce n'est pas simple ! » L'AVIS D'UN TRANSFORMATEUR

Les Marchés Hebdo : Quelles sont les répercussions de la faiblesse de l'euro sur vos achats de matières premières ? Antoine Gorioux : Sur nos principales matières premières achetées en dollar, poisson blanc et coquilles Saint-Jacques en tête, nous avons constaté une hausse du prix d'achat en euro. Concernant le saumon, nous sommes un peu plus épargnés. Il est acheté en euro ou en couronne norvégienne (Nok). Si son cours est lié au dollar, il est aussi corrélé au cours du pétrole. La baisse du baril de pétrole vient donc atténuer l'incidence de la hausse du dollar sur le cours de la Nok. Pour les matières premières achetées en dollar, l'incidence du taux de change fait que l'on doit passer des hausses et les négocier avec nos distributeurs. Pour l'instant, cela s'est plutôt fait intelligemment, nous avions pu faire passer des hausses notamment sur les coquilles Saint-Jacques. Mais les prix continuent de monter, et cela risque de ne pas être suffisant. Il faut que la grande distribution le comprenne. À aucun moment nous ne voulons sacrifier la qualité pour des raisons économiques. Nos cahiers des charges, nos recettes restent les mêmes, nous restons droits dans nos bottes. Quand les taux de change varient ainsi, il faut donc garder la tête froide et très vite aller voir ses clients. On ne peut pas continuer à travailler si les prix sont en décalage avec la réalité.

LMH : Et si la situation perdure ?

A. G. : Au-delà de la hausse du dollar, ce genre d'évènement nous pousse surtout à trouver des solutions pour assurer la sécurité de nos approvisionnements. C'est le moment de se poser de bonnes questions. Cela nous pousse à chercher, à sourcer un peu plus en France. Ce n'est pas simple à l'heure actuelle, et on ne va pas régler cela en un an. Mais nous avons en France un potentiel extraordinaire qui reste inexploité et que l'on n'utilise pas. Nous devrions être capables de monter de vraies filières d'approvi-

sionnement sécurisées. Nous importons du poisson d'aqua-culture, alors que nous pourrions le faire, si nos voisins, comme le Danemark, le font. En ce moment, je sens que les choses bougent dans ce sens.

LMH : Avez-vous déjà joué la carte de l'approvisionnement local dans votre entreprise ?

A. G. : Nous proposons toute une gamme de poissons fumés à base de lieu, merlu, sardine ou encore maquereau. Nous commercialisons également une truite bretonne d'aquaculture sous marque Guyader. Nous souhaitons multiplier ce genre de démarches.

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