Petits propos déambulatoires sur les OGM
Je rencontrai mon ami M. à l’entrée du parc. Le miroir des pièces d’eau reflétait un soleil d’été et les demoiselles montraient leurs épaules. Il montrait une mine irritée.
- « Je reviens d’Allemagne et, là-bas comme ici, le problème des OGM est traité au bain politique, ce qui est la garantie du plus mauvais résultat. Savez-vous que vient de se tenir à Berlin une conférence publique où les chercheurs ont présenté leurs résultats sur les OGM, à l’issue de trois années de recherche qui ont mobilisé 14 mio _ financés par la puissance publique, pour le seul impact sur l’environnement. Eh bien, aucun responsable politique n’est venu à cette conférence ! Un vague secrétaire d’Etat à la recherche est venu dire quelques mots de politesse puis a disparu sans laisser un seul représentant de son ministère ! Renate Künast était trop occupée à boucler la nouvelle « loi d’étouffement » des OGM. Quel est donc le crime de ces scientifiques, reniés, désavoués, abandonnés au vide politique ? C’est tout simple : ils n’ont pas trouvé chez l’ennemi OGM les armes de destruction massive qu’on annonçait. »
-Vous voulez dire que ces scientifiques ont osé donner des résultats positifs sur les OGM ? Ce n’est pas ici qu’on entendrait cela…
- Je sais, mais c’est comme ça. On a entendu dire sans ambages que le maïs Bt combat efficacement la pyrale, que son bilan écologique est positif. L’Université de Munich a prouvé que les OGM ne pénètrent pas dans les bactéries de l’appareil digestif des bovins, dont la flore n’est pas modifiée par l’absorption d’OGM. L’Université de Fribourg a mis au point des peupliers OGM capables d’exfiltrer les métaux lourds du sol. Les manipulations qui visent à rendre les plantes résistantes aux champignons sont considérées comme sans danger du point de vue écologique, tout en évitant le développement de spores cancérigènes dans l’alimentation humaine et animale. Ces OGM ne sont néfastes ni pour les champignons utiles ni même pour les acariens. Quant à la coexistence des cultures, les chercheurs ont estimé que 30 m d’espacement suffisent largement pour les maïs. Pour les colzas les distances de coexistence sont plus difficiles à déterminer à cause de la volatilité du pollen. Au ministère, où les conseillers de Renate Künast veulent imposer 1 km d’espacement pour les maïs, on fait des bonds au plafond, et l’on accuse ces scientifiques d’être « pro-OGM », injure suprême dans leur bouche. Piqués au vif, les scientifiques ont répondu que ce ministère a pris pour base de ses décisions de la littérature scientifique datant de 1940 ! La date est bizarrement choisie, vous ne trouvez pas ?
- Bon, ça, c’est en Allemagne, mais en France, qu’est-ce qui va se passer ?
- Écoutez, les choses sont simples. Pour mesurer les interactions avec l’environnement, on doit réaliser des essais en champs sur de grandes surfaces, car aucun laboratoire n’est capable de modéliser ces interactions pour éviter les essais extérieurs. Mais d’un côté on exige des preuves que les OGM sont inoffensifs, et de l’autre on refuse ces essais. Et ceux qui sont mis en place peuvent être impunément détruits, comme on sait. Enfin, on alourdit les législations au point de faire abandonner les recherches.
- Hervé Gaymard a pourtant donné la loi allemande sur les OGM en exemple…
- C’est bien ce qui m’inquiète. Car la loi que le Bundestag vient d’approuver (vendredi dernier) prévoit l’étouffement des OGM sous une avalanche de conditions et de contraintes. Les agriculteurs les utilisant seront placés devant une multiplication des demandes de dommages et intérêts, si jamais du pollen OGM touchait des cultures voisines. L’auteur de la pollution peut être rendu responsable de la perte de valeur d’une récolte. Si cet auteur ne peut pas être identifié, tous les producteurs d’une région qui utilisent des OGM seraient rendus responsables !
- Évidemment, la conférence de Berlin tombait au plus mauvais moment, pour dire ce qu’elle a dit.
- Oui, et du coup la ministre allemande a mis en chantier un essai maison, qui sera effectué l’an prochaine, et devra faire pièce aux affirmations de la conférence de Berlin.
J’allais lui demander si des essais dont on connaîtrait les résultats à l’avance, cela ne faisait pas un peu penser à Lyssenko et à la science soviétique qui devait démontrer la justesse des décisions du pouvoir politique, mais son autobus arrivait au tournant. Nous reprendrons cette conversation un de ces jours : si vous passez par là, vous pouvez nous rejoindre à la grille du parc…