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La menace du Mercosur sur les filières bovines européennes se concrétise

La mise en œuvre de la partie commerciale de l’accord du Mercosur pourrait s’accélérer cette année, aux dépens des éleveurs de bovins français… et de la planète.

La menace du Mercosur sur les filières bovines européennes se concrétise
Le Brésil est une menace pour la filière viande bovine française
© Feliphe Schiarolli

Le retour de Luiz Inácio Lula da Silva au pouvoir au Brésil et l’adoption par l’Union européenne d’un accord contre la déforestation importée semblaient deux bonnes nouvelles pour la planète, « mais ce sont aussi des arguments pour accélérer la ratification de l’accord commercial avec le Mercosur, explique Baptiste Buczinski, chef de projet au département économie de l’Institut de l’élevage (Idele), alors même que le texte contre la déforestation préserve assez peu des risques ! »

Lire aussi : Accord Mercosur : les réponses aux questions des agriculteurs après l’annonce d’Ursula von de Leyen ?

Cet accord concerne notamment la viande bovine. Les exportateurs doivent prouver qu’elle ne provoque pas la déforestation et que cette dernière est issue de pratiques légales dans leur pays. « Cela ne concerne que la déforestation postérieure au 1er janvier 2021, or la déforestation a été galopante les années précédentes », nuance Baptiste Buczinski.

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Sous le mandat de Jair Bolsonaro, de 2019 à 2022, la déforestation annuelle moyenne en Amazonie brésilienne a bondi de 75,5 % par rapport à la décennie précédente, selon des statistiques brésiliennes. « Seule une partie de l’Amazonie légale est concernée, les forêts du Pantanal et du Cerrado au Brésil et de Chaco en Argentine et au Paraguay ne sont pas encore incluses dans l’accord, ce sera rediscuté dans un an », continue l’économiste, qui se méfie aussi : « Le contrôle est délégué à l’exportateur, c’est un manque de garantie. Les géants de la viande maîtrisent bien l’engraissement, mais, faute de traçabilité individuelle, ils connaissent mal les étapes du naissage et de repousse. »

Croissance de la production bovine au Mercosur

En 2021, on comptait 303,9 millions de bovins dans les quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). C’est 16 % des bovins de la planète, apprend-on dans le dossier dédié publié par l’Idele. En dix ans, le cheptel a bondi de 6 % (16,8 millions de têtes supplémentaires). Comme, dans le même temps, la production végétale, notamment le soja, est aussi dynamique, la pression foncière forte, cette croissance se fait aux dépens des espaces naturels. Près des deux tiers des exportations de viande bovine du Mercosur sont du fait de trois entreprises, JBS, Marfrig et Minerva, estime l’Idele.

Une menace pour l’élevage français

Le Mercosur est le premier fournisseur de viande bovine de l’Union européenne. Ses membres bénéficient d’accès à droits de douane nuls ou réduits. Entre 2011 et 2019, ils ont expédié en moyenne, chaque année, 200 000 tonnes équivalent carcasse (tec) de viande bovine vers l’UE. Les exportations en 2020 et 2021 ont essuyé une baisse liée à la pandémie et à la fermeture de la restauration, avec seulement 180 000 tonnes. Elles se sont redressées en 2022.

L’UE est le marché le plus rémunérateur pour les exportateurs sud-américains, avec essentiellement des pièces nobles comme des aloyaux et globes de bouvillons et de génisses. Dans le cadre du projet d’accord, 99 000 tec d’un nouveau contingent (45 % congelé et 55 % réfrigéré) seraient accordées à 7,5 % de droits de douane et les 20 % de droits du contingent Hilton seraient supprimés. Or, la viande bovine sud-américaine bénéficie d’un atout important : le prix de l’aloyau du bouvillon du Mercosur, y compris droits de douane, est « inférieur de 18 à 32 % au prix moyen européen », calcule l’Idele.

Pourquoi l’Amérique du Sud est-elle si compétitive ?

Les distorsions de concurrence entre l’Union européenne et les pays du Mercosur sont énormes et s’appliquent à tous les maillons de la filière. En cause, des réglementations beaucoup moins contraignantes. De nombreux produits phytosanitaires interdits en Europe y sont ainsi utilisés sur les cultures. L’utilisation d’antibiotiques comme activateurs de croissance est plus ou moins réglementée selon les pays. Si l’Uruguay dispose d’un système de traçabilité de « niveau élevé », selon l’Idele, ce n’est pas le cas des autres pays. La réglementation bien-être animal est « embryonnaire », les pratiques agricoles échappent en grande partie aux mesures de protection de l’environnement et les conditions de travail dans les abattoirs sont bien plus dures qu’au sein de l’Union européenne.

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