L'Union européenne va-t-elle résister à l'isoglucose américain ?
Les Américains profiteront sûrement du traité de libre-échange transatlantique pour imposer leur isoglucose vers l'Europe. Quelle menace l'industrie américaine peut-elle faire peser sur le sucre et l'isoglucose européens à la veille de l'abolition des quotas ? Les Marchés ont enquêté sur le marché de ce « sucre » pâtissant d'une mauvaise image sur le plan nutritionnel.
Le 19 octobre prochain, la Commission européenne doit rencontrer l'administration européenne au sujet du traité de libre-échange transatlantique. Dans l'idée que les deux administrations échangeraient des offres tarifaires sur les produits agricoles et alimentaires, les industriels européens de l'amidon vérifieront à cette occasion si les produits amylacés, dont l'isoglucose, un produit phare, échapperont à toute concession européenne.
Outre-Atlantique, l'isoglucose s'appelle le sirop de maïs à haute teneur en fructose (acronyme HFCS en anglais). Les États-Unis représentent 60 % de la production mondiale de cet édulcorant qui remplace largement le sucre classique de canne ou de betterave dans les boissons gazeuses et de nom-breuses productions alimentaires : à un peu plus de 40 % aux États-Unis, 30 % au Japon, entre 30 % et 25 % au Canada et au Mexique, un peu moins de 20 % en Argentine et presque 10 % en Chine.
Importantes économies d'échelleL'Union des amidonniers français (Usipa), rappelle que son développement fulgurant dès les années 1970 aux États-Unis est lié aux soutiens publics à la production d'éthanol. Cette filière américaine a développé d'importantes économies d'échelle, portée par une ressource abondante, le maïs, soulignent l'Usipa et la représentation européenne Starch Europe. Dans l'Union européenne où la production d'isoglucose a été entravée par les quotas, chaque usine produit en moyenne 144000 tonnes contre 960 000 tonnes aux États-Unis. L'industrie américaine a beau plaider qu'elle ne touche plus de subsides, l'Usipa affirme qu'elle bénéficie encore largement du système d'obligation d'incorporation de l'éthanol dans l'essence. Et que l'exploitation des gaz de schiste lui fournit une énergie ” bon marché. La réserve des experts, selon qui les coûts du fret limitent les expéditions lointaines d'isoglucose, ne suffit pas à démobiliser le délégué général de l'Usipa Jean-Luc Pelletier. « Les États-Unis en exportent bien jusqu'en Asie », rétorque-t-il, en précisant que les sirops de maïs ne seront pas les seuls produits amylacés pouvant s'exporter en Europe.
“ Les États-Unis exportent de l'isoglucose jusqu'en Asie
L'industrie américaine de l'isoglucose n'est pourtant pas dans le meilleur de sa forme. Supportant depuis une décennie des flambées épisodiques du maïs, elle est lâchée par une partie de ses clients. En effet, la consommation domestique d'isoglucose tend à diminuer, pour partie affectée par une mauvaise presse la rendant responsable de l'obésité et d'affections médicales. Une mauvaise image que le lobby américain de l'isoglucose combat à coup de publicité et de communication numérique (via le site cornnatu-rally.com notamment). Cette baisse de la consommation amé-ricaine est compensée par l'augmentation des exportations au Mexique, ou encore en Asie.
Cependant, les bas prix actuels du sucre et de l'isoglucose n'offrent plus une prime suffisante aux acheteurs d'isoglucose. Un fait récent n'encourage pas les utilisateurs américains : en décembre dernier, Cargill a annoncé à ses clients qu'il limiterait ses livraisons en 2015, selon l'agence Reuters qui s'était procuré le courrier. « Les fournisseurs de maïs pour le raffinage en HFCS ont été pris en tenaille par la production record d'éthanol et le manque d'empressement des producteurs à livrer leur grain après que les prix avaient chuté en raison d'une récolte massive », expliquait la dépêche Reuters du 15 décembre. Cargill venait de fermer son amidonnerie de Memphis (Tennessee), expliquant qu'elle était trop décentrée de la corn belt (la ceinture du maïs américaine).
Tereos sur les rangs“ L'Est européen, où se trouvent les plus forts quotas, est propice au développement
L'industrie de l'isoglucose peut-elle se développer dans l'Union européenne ? D'après les experts, dont ceux de LMC International au Royaume-Uni, la partie occi-dentale Nord n'est pas attractive pour les investissements, en raison de la forte implantation de l'industrie betteravière. ” En revanche, l'Est européen, où se trouvent les plus forts quotas d'isoglucose, est propice au développement des outils déjà en place, pour répondre à la croissance de la consommation de boissons gazeuses, entre autres. Et ce, grâce à la prochaine disparition du quota en octobre 2017. ADM s'engage. L'opérateur américain est devenu ce printemps l'unique propriétaire d'outils en Bulgarie et en Turquie, qu'il partageait avec le Britannique Tate & Lyle. ADM acquiert aussi 50 % d'une autre unité en Hongrie. Tereos aussi. Le sucrier français a renforcé l'an dernier son partenariat avec l'Autrichien Jungbunzlauer à travers lequel il commercialisera des produits sucrants liquides de céréales de l'usine « performante » de Jungbunzlauer à Pernhofen en Autriche.