Réglementation
Les règles du bio bientôt harmonisées au niveau européen
Adopté le 22 mai 2018, le nouveau règlement européen biologique laisse la filière biologique songeuse et attentive aux prochains décrets d’application. Les acteurs ne s’interdisent pas de réfléchir à des démarches mieux-disantes pour segmenter le marché.
Adopté le 22 mai 2018, le nouveau règlement européen biologique laisse la filière biologique songeuse et attentive aux prochains décrets d’application. Les acteurs ne s’interdisent pas de réfléchir à des démarches mieux-disantes pour segmenter le marché.
Après plus de trois ans de négociation entre États membres, un nouveau règlement européen bio a été adopté le 22 mai 2018. Un long travail a mené à ce consensus, qui doit entrer en application le 1er janvier 2021. L’objectif est d’harmoniser les règles au sein de l’Union européenne, afin d’éviter les distorsions de concurrence entre États membres et de permettre à l’agriculture biologique de se développer. « Nous serons attentifs dans l’exécution du règlement européen, car il y a encore des négociations à venir pour les actes secondaires. Nous voulons vraiment nous inscrire dans une démarche de progrès », indique Guillaume Riou, président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab).
Le texte garde notamment le principe de contrôles annuels, l’un des points d’achoppement lors de ces longues négociations. Si aucune fraude n’est constatée au cours des trois dernières années, ces contrôles seront espacés tous les deux ans. Pour le directeur de l’Agence Bio, Florent Guhl, « le principe de contrôle annuel est réaffirmé. C’est une bonne chose. Le compromis a donné un délai de 24 mois quand il n’y a pas d’erreur constatée. Je ne crois pas que cela va donner envie à certains d’aller vers les organismes de contrôles les moins exigeants, comme certains le disent. Je pense que cela va permettre de concentrer les moyens là où il y a le plus de risques ». Concernant le lien au sol, une autre grande bataille de la France, ce principe a été maintenu, malgré des dérogations pour les États nordiques concernant les serres existantes au 28 juin 2017. Il est prévu une renégociation dans dix ans sur ce point.
Quant aux importations des pays tiers vers l’Union européenne, une nouvelle règle va prévaloir : celle de la conformité, hormis pour les douze pays tiers ayant des accords commerciaux avec l’Union européenne. Ce texte abroge donc quelque soixante cahiers des charges qui étaient jusqu’ici reconnus par la Commission européenne.
Que va devenir le logo AB ?
Au niveau de l’étiquetage, le logo bio européen, autrement appelé « l’eurofeuille », pourra désormais être accompagné de la mention de la région d’origine si au moins 95 % des matières premières agricoles y ont été produites. « La filière de sucre de betterave qui est en train de se monter dans les Hauts-de-France va pouvoir ainsi valoriser son origine Hauts-de-France sur l’étiquetage. On n’en a pas parlé assez, mais c’est important », estime le directeur de l’Agence bio.
Cet avantage sur l’étiquetage a son importance, à l’heure où le logo AB porte à confusion. Représentant dans l’esprit du consommateur une agriculture biologique française avec un cahier des charges spécifique, le logo AB n’est en réalité que la copie conforme du règlement européen. Des débats existent sur le sujet au sein des acteurs de la filière, et notamment dans le cadre de la concertation sur le Plan Ambition bio 2022.
Le ministre a fermé la porte à un cahier des charges public français
La Fédération nationale de l’agriculture biologique porte notamment l’idée d’exhumer ce logo AB pour qu’il représente un cahier des charges français public mieux-disant par rapport au règlement européen. « Nous voudrions que le logo AB puisse porter un cahier des charges français public aux côtés des initiatives privées. Mais le gouvernement n’est pas dans cette approche-là. Nous l’avons évoqué dans le cadre du Plan Ambition bio et nous continuerons à porter cette idée », affirme Guillaume Riou. Florent Guhl confirme en effet que « le ministre a fermé la porte à un cahier des charges public français en conseil supérieur d’orientation en avril dernier ».
Des exigences environnementales, sociales, d’équité
Le débat agite actuellement la filière, car l’idée derrière cette revendication nationale est de pouvoir évoquer des exigences qui ne sont pas du tout prises en compte par le règlement européen, tels que les aspects sociétaux, environnementaux ou encore de répartition de valeur dans les filières.
Ce règlement européen n’apporte pas toute la transparence sur bon nombre d’aspects
« Ce règlement européen n’apporte pas toute la transparence sur bon nombre d’aspects, comme l’équité des filières, le social ou l’environnemental. La question de la répartition de la valeur, des marges est importante. Quand les tomates bios espagnoles arrivent sur le marché français, les conditions sociales dans lesquelles elles sont produites ne sont pas les mieux-disantes. L’ensemble de la filière est préoccupé par ces sujets-là », détaille le président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique. Ces questions mettent la filière en effervescence. Certaines régions se sont même lancées dans la création de leur propre marque, tels que Bio Sud Ouest. Les acteurs cherchent les solutions pour proposer une agriculture biologique mieux-disante et ne pas perdre la confiance des consommateurs.