RLF - Quelles sont les difficultés dans la mise en place du Paquet Lait pour les AOP fromagères ?
Patrice Chassard - Le Paquet Lait offre la possibilité aux appellations d’origine protégées de réguler les volumes de fromages, mais ne prévoit rien pour la gestion du lait. De fait, le lait d’un producteur respectant le cahier des charges d’une AOP n’est pas forcément entièrement valorisé dans ladite AOP. Le Paquet Lait ne permet donc pas une régulation des volumes de lait à travers les outils de gestion des volumes de fromage. Sur ce point, les laits destinés aux AOP sont logés à la même enseigne que les laits conventionnels concernant les organisations de producteurs (OP).
RLF -Quelles possibilités entrevoyez-vous pour pallier ce manque ?
P. C. - Pour l’instant, les solutions envisageables sont très complexes. Le droit français à travers le décret relatif à l’organisation économique des producteurs de lait de vache ouvre une possibilité pour les producteur, le cas échéant les producteurs relevant d’une même appellation, de s’organiser en OP ou en AssOP. Par ailleurs, il autorise, à titre dérogatoire, une double adhésion lorsqu’ une des AssOP joue un rôle dans la valorisation d’un signe de qualité. Aussi, les professionnels ontils imaginé la création d’AssOP, réunissant tous les producteurs de lait d’une même appellation au sein d’une seule AssOP.
RLF -Faut-il comprendre qu’une AssOP liée à une AOP pourrait au travers du contrat négocié permettre une gestion des volumes ?
P. C. - La réalité terrain est un peu moins simple. Une telle construction suppose que tous les producteurs de lait livrant du lait pour fabriquer une appellation d’origine soient membres d’OP reconnues elles-mêmes membre d’une AssOP. Or, ces OP sont de nature différente : certaines opèrent un transfert de propriété entre le producteur et l’organisation (c’est le cas en particulier dans les coopératives), d’autres n’opèrent pas un tel transfert (c’est le cas des associations mandatées par leurs producteurs). Les coopératives, du fait du double lien entre le producteur et sa coopérative (lien économique matérialisé par la règle d’apport et lien capitalistique par la détention du capital social), ne peuvent tout déléguer à une AssOP par ailleurs composée de structures non commerciales. Ainsi l’AssOP ne peut se voir déléguer la gestion d’un contrat et donc par exemple la négociation du prix et du volume.
« UNE FILIÈRE AOP RESPONSABLE N’A PAS POUR OBJECTIF DE DÉVERSER SES EXCÉDENTS SUR LE MARCHÉ CONVENTIONNEL »
RLF -À quoi servira donc cette AssOP ?
P. C. - Une association de producteurs qui réunirait des OP créées par des producteurs de lait livrant au privé et des coopératives reconnues en OP ne pourront pas, il est vrai, finaliser les éléments d’un contrat et s’accorder sur des prix et des volumes. Mais celle-ci peut assurer une mission de connaissance de l’offre et des débouchés en quantité et en qualité.
RLF -Comment envisagez-vous l’articulation de toutes ces notions sur le terrain ?
P. C. - Là aussi, il est difficile de répondre. Néanmoins, une filière AOP responsable doit pouvoir gérer ses volumes de lait en fonction des volumes de fromages en AOP qu’elle peut vendre. Une filière AOP responsable n’a pas pour objectif de collecter le seul lait qui va dans l’AOP et de déverser ses excédents sur le marché conventionnel. Elle doit pouvoir gérer efficacement tous les laits des producteurs ayant signé une déclaration d’aptitude. Et nous continuerons à tout mettre en oeuvre pour y parvenir.