Chronique
Le Nutri-Score va-t-il être détrôné ?
Le Nutri-Score informe le consommateur sur la qualité nutritionnelle d’un produit, en complément de la déclaration nutritionnelle obligatoire prévue par le règlement européen sur l’information des consommateurs. Mais les discussions en cours, au niveau européen, sur l’introduction d’un étiquetage nutritionnel obligatoire et normalisé sur la face avant des emballages, rendent son avenir incertain.
Il convient de rappeler que, la déclaration nutritionnelle est devenue obligatoire sur la face arrière de l’emballage des denrées préemballées, en 2016. Certaines informations peuvent, mais à titre volontaire uniquement, être répétées sur la face avant de l’étiquetage.
L’adoption en France, en 2017, du logo Nutri-Score, trouvait donc son origine dans une volonté des pouvoirs publics, de faciliter l’accès à l’information nutritionnelle et de permettre, ainsi, au consommateur de faire des choix plus sains. Selon une enquête de Santé Publique France, 94 % des consommateurs français sont favorables à la présence du Nutri-Score sur les emballages et 57 % déclarent avoir déjà changé un comportement d’achat grâce à ce dispositif.
Sept systèmes d’étiquetage en Europe
Le Nutri-Score est basé sur une échelle de cinq couleurs (du vert foncé à l’orange foncé) associée à des lettres allant de « A » à « E ». Il se calcule à l’aide d’une méthode qui vise à soustraire, par 100 g ou 100 ml du produit, les éléments à limiter (ex. : sucres, sel, graisses saturées et calories), de ceux à favoriser (ex. : teneur en fruits et légumes, légumineuses, fibres, noix et protéines). Le Nutri-Score comporte également des catégories et des seuils spécifiques pour les matières grasses, les boissons et les fromages, mais il ne tient pas compte des additifs.
La réglementation européenne n’imposant pas de règles concernant l’information nutritionnelle sur la face avant de l’emballage, il existe aujourd’hui au moins sept systèmes d’étiquetage volontaire sur le marché européen. Parmi eux le logo « Keyhole » (privilégié par la Suède, le Danemark et la Lituanie), le symbole finlandais du cœur, le logo slovène « Little Heart », le logo croate « Healthy Living » ou encore le système des feux de couleur irlandais. L’Italie a récemment développé un système appelé « Nutrinform Battery ».
Quatre options envisagées pour une harmonisation
Face à cette multiplication d’initiatives nationales, la Commission européenne a entrepris une réflexion plus globale et, sans doute, plus contraignante. Ainsi, dans le cadre de sa stratégie De la ferme à la table, elle envisage d’introduire un étiquetage nutritionnel obligatoire et normalisé sur la face avant des emballages et a publié une feuille de route * dans laquelle elle décrit quatre options envisagées.
Si le Nutri-Score figure au titre des options retenues et supporté par plusieurs États membres, son avenir demeure néanmoins incertain, car il est fermement décrié par d’autres. La Confédération générale de Roquefort a, notamment, publié un manifeste dans lequel elle demande que les appellations d’origine protégée soient exclues du Nutri-Score, au motif que son algorithme aurait pour effet de classer près de 90 % des fromages en « D » ou « E ». Le Nutri-Score n’aurait donc de sens « que pour les produits très transformés » et serait « inapproprié aux aliments sous indications géographiques, très peu transformés et pour lesquels un cahier des charges interdit l’évolution de la recette traditionnelle ».
L’Italie, qui, de surcroît, a développé son propre système, est également vent debout contre ce système qui attribue un « E » à son pecorino ou encore son jambon traditionnel. L’algorithme du Nutri-Score n’incluant pas les additifs, un soda ou des chips risquent d’être mieux notés que certains produits traditionnels. En outre, la méthodologie repose actuellement sur la consommation d’une certaine quantité de produit. Or, il est rare de consommer 100 ml d’huile d’olive à chaque repas…
Quelle que soit l’option retenue, l’information nutritionnelle devra permettre de mieux répondre aux attentes du consommateur. La demande pour plus de transparence ne cesse de croître, comme nous le montre l’engouement autour de l’Eco-Score, nouvel indicateur permettant d’évaluer l’impact environnemental d’un produit alimentaire.
Cabinet FoodLawScience & Partners
FLS est un cabinet de niche, présent à Bruxelles et à Paris, spécialisé dans les domaines réglementés européens et en particulier, le droit alimentaire. Katia Merten-Lentz est le membre fondateur de ce cabinet. Accompagnée de scientifiques et d’avocats, elle gère toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales et intervient, tant en conseil qu’en contentieux, auprès de toutes les filières et industries du secteur.