Consommation
Le Covid a remis le lait dans les placards français et les frigos anglais
Des deux côtés de la Manche, les chiffres de vente du lait conditionné ont bondi en 2020. Les occasions de consommation se sont multipliées à domicile, mais les utilisations étaient différentes. Regards croisés.
Des deux côtés de la Manche, les chiffres de vente du lait conditionné ont bondi en 2020. Les occasions de consommation se sont multipliées à domicile, mais les utilisations étaient différentes. Regards croisés.
Les achats des ménages français de lait conditionné pour leur consommation à domicile ont progressé de 4,9 % en 2020 comparé à 2019, selon des données de Kantar, pour atteindre 3 milliards de litres, alors que la consommation reculait depuis dix ans. Au Royaume-Uni, nos voisins ont dépensé 3,37 milliards de £ en lait de vache, 9,7 % de plus qu’un an plus tôt, toujours selon Kantar. Les confinements sont bien sûr responsables de cette belle progression.
Le UHT tire parti de sa DLC longue
En France, le lait UHT domine largement les habitudes puisqu’il représente 97 % des volumes consommés, contre seulement 3 % pour le lait frais pasteurisé. Alors que les Français cherchaient à limiter les sorties de ravitaillement, les achats de lait UHT ont progressé de 5,3 % en volume, tandis que ceux de lait frais ont reculé de 4,7 % indique Syndilait. Stocker pour s’éviter des voyages répétés était une volonté partagée par les consommateurs britanniques, les ventes de lait UHT ont bondi en volume de 187,5 % en 2020. Néanmoins la part du lait UHT reste minime outre-Manche, à seulement 4,7 % des volumes (contre 4,4 % avant la pandémie), selon AHDB. Le lait microfiltré, à durée de vie plus longue que le lait frais a aussi gagné des points, passant de 7 à 7,9 % des volumes consommés. “Mais les Britanniques préféreront toujours le lait frais dès que c’est possible, le UHT et le filtré devraient rester des segments de niche et la croissance ne devrait pas durer”, estime Magee Bronwyn, analyste à AHDB.
2020 a été l’année du retour du laitier
C’est dans ce contexte que 2020 a aussi l’année du retour du laitier britannique. Le nombre de foyers utilisateurs d’un service de livraison de lait frais pasteurisé à domicile est passé de 527 000 à 716 000 l’an dernier, et plusieurs opérateurs ont dû refuser les nouveaux clients, rapporte AHDB. Alors que les utilisateurs traditionnels du service sont des personnes âgées, les nouveaux arrivants étaient surtout recrutés chez les familles avec jeunes enfants. Si cet approvisionnement est plus onéreux, il était aussi plus sûr pendant la pandémie. Comme il est perçu comme durable (lait britannique, livré en voiture électrique), le fameux “milkman” anglais pourrait sortir renforcé de la crise.
Grand gagnant des confinements et du télétravail, le petit-déjeuner. Ce moment représente 70 % du lait consommé en France explique Syndilait, qui détaille : “Chaque semaine en 2020, le lait a ainsi intégré +4,2 millions de petits-déjeuners supplémentaires par rapport à 2019, pour atteindre 131 millions de petits-déjeuners hebdomadaires”. Au Royaume-Uni en revanche le moment clé de consommation de lait est en mélange dans des boissons chaudes : le thé représente 48 % des occasions de consommation devant le café, 28 %. Or la consommation à domicile de thé avec du lait a bondi de 13 % en 2020, d’où le succès. Si les Anglais ont aussi consommé davantage de lait avec leurs céréales ou en boisson, ils l’ont finalement peu cuisiné (2 % des occasions de consommation).
En France, au contraire, le lait a conforté sa place d’ingrédient essentiel pour la cuisine familiale. Un usage qui a d’ailleurs profité au lait UHT entier, dont les ventes ont progressé de 10,2 %. “Le lait a ainsi été plus utilisé pour confectionner des flans et entremets (+73 % vs 2019), des crumbles et clafoutis (+39 %) ainsi que des cakes et des gâteaux (+24 %). Dans une moindre mesure, les Français l’ont également davantage utilisé dans leurs recettes salées, essentiellement pour des crêpes (+5 %) et de la purée de légumes (+9 %)” liste le Syndilait.
Le lait va-t-il garder sa place ?
À court terme, on peut s’attendre à une baisse des ventes records de 2020. Mais pour autant, le télétravail qui s’installe pourrait faire continuer deux usages : des petits-déjeuners plus fréquents en France, des thés et cafés incorporant du lait au Royaume-Uni. "À plus long terme, le lait devrait continuer de bénéficier du retour partiel du fait maison, juge Eric Birlouez, sociologue de l’alimentation, surtout s’il réussit à prouver qu’il est produit de manière durable".
Article initialement publié dans le Laiteries Mag de septembre 2021