Le coup de pouce de l’Espagne au marché de l’huile d’olive

L’interprofession espagnole de l’huile d’olive a décroché près de 7 millions d’euros de fonds européens pour promouvoir le « régime méditerranéen », déjà de plus en plus populaire en Europe. En espérant améliorer ses plus-values.
Une huile gastronomique à un prix abordable : c’est ainsi qu’apparaîtra bientôt l’huile d’olive dans les journaux français. Une goutte d’humour agrémentera le slogan « Une vie de riche c’est bien. Une vie de luxe c’est mieux ». L’Espagne lance une campagne promotionnelle d’ampleur inégalée. Le premier producteur mondial d’huile d’olive s’attaque au marché européen avec plus de 16,5 millions d’euros sur trois ans ; un budget porté à 47 % par l’interprofession espagnole de l’huile d’olive, à 40 % par les fonds européens et à 13 % par le ministère espagnol de l’Environnement et du Milieu rural. La campagne va cibler l’Espagne elle-même, la France, le Royaume-Uni et le Benelux. Chacun de ces marchés a sa problématique. Le marché espagnol, en deuxième position après l’Italie, voit la consommation par habitant (11,6 kg/habitant) menacée à terme par la désaffection des jeunes couples. Les consommateurs de la traditionnelle huile d’olive vieillissent. De surcroît, l’huile d’olive est en Espagne un produit de base vendu à bas prix.
Au contraire, le marché français se caractérise par une consommation de 1,75 kg/habitant, donc relativement limitée, mais en croissance de 5 % par an depuis dix ans et à forte valeur ajoutée. La France ne connaît d’autre qualité que l’huile vierge extra. Selon une étude menée en 2009 par le cabinet Quattro C Analysis Consulting, les Français sont disposés à payer assez cher une bouteille d’huile d’olive. Mais cette disposition a ses limites et l’interprofession espagnole cherche à « passer la barrière du prix ». La situation est proche en Belgique et aux Pays-Bas. Enfin, le marché britannique est émergent. Les Anglais goûtent la gastronomie méditerranéenne et prêtent l’oreille aux arguments santé dont se pare l’huile d’olive.
Des promotions au printemps dans le nord de la France
En France, des promotions auront lieu dès ce printemps dans les grandes surfaces du nord du pays. Un bus promotionnel tournera pendant un mois dans l’Hexagone. Quelque 4 millions d’euros seront dépensés en trois ans en actions commerciales dans la presse (35 insertions publicitaires) et sur Internet. De son côté, l’interprofession française (Afidol) reste très active, offrant des animations à des centaines d’enseignants en cuisine et des coffrets de dégustation. L’Afidol a orchestré d’octobre 2009 à mars 2010 la première édition d’un trophée gastronomique, « L’huile à l’école des chefs », lequel est prévu pour trois ans.
2009, point noir sur les recettes espagnoles
Un déséquilibre se profile sur le marché mondial de l’huile d’olive. La production mondiale progresse plus sûrement que la consommation. Les oliveraies se modernisent, produisent davantage, tandis que de nouveaux pays producteurs viennent participer aux échanges mondiaux.
Pour cette année, le Conseil international oléicole estime la récolte mondiale d’huile d’olive de table 2009-2010 à 2,9 millions de tonnes, contre 2,7 millions de tonnes pour 2008-2009, ceci pour une consommation projetée à 2,8 millions de tonnes . La consommation a progressé de 4 % dans les principales régions consommatrices en 2008-2009 et la tendance s’est poursuivie au cours des deux premiers mois de la campagne actuelle, que sont octobre et novembre 2009. L’Union européenne démarre la campagne avec une production estimée de 2,15 millions de tonnes contre 1,9 million de tonnes pour 2008-2009 et des stocks quasiment nuls. Les prix hebdomadaires à la production de l’huile vierge extra étaient plus élevés à la fin mars 2010, par rapport à la fin mars 2009 : + 17 % à 2,13 euros/kg en Espagne et + 16 % en Italie à 2,71 euros/kg. Explications : les prix étaient particulièrement bas l’an dernier et la récolte a été endommagée par les pluies cet hiver en Espagne.
Le fait marquant pour l’Espagne est le recul des exportations, notamment vers l’Italie qui en absorbe la moitié. Celles-ci ont reculé de 30 % sur 2008-2009 et une tendance similaire s’annonce à travers les deux premiers mois de 2009-2010. Ce recul coïncide avec une bonne récolte en Italie et la baisse des exportations italiennes vers les États-Unis, en 2008-2009 ainsi qu’en octobre 2009. La faiblesse du dollar peut expliquer l’affaiblissement du marché américain, caractérisé par des prix Fob bas. L’année 2009 est un point noir sur la trajectoire des recettes à l’export de l’Espagne, en croissance de près de 50 % entre 2003 et 2008 pour atteindre 1,83 million d’euros. Les ventes de 2010 montreront si 2009 était un accident.
L’oléiculture espagnole se présente comme un des rares secteurs agricoles à ne pas être en crise. Il est organisé en interprofession et en grandes coopératives. Ces dernières sont en phase de regroupement pour tenir tête à une poignée d’acheteurs, confie Rafael Sanchez, qui représente la fédération des coopératives dans l’interprofession.