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L'article 222 de l'OCM : une procédure semée d'embûches

La mesure la plus spectaculaire annoncée à l'issue du conseil agricole du 14 mars 2016 est la mise en œuvre de l'article 222 de l'OCM permettant de déroger temporairement et partiellement aux règles de concurrence dans le secteur laitier. Éclairage.

L'article 222 fait partie des mesures exceptionnelles de gestion de crises ouvertes par la nouvelle OCM du 17 décembre 2013, et c'est la première fois que sa mise en œuvre est annoncée. Permettant de suspendre l'application de l'article 101 du TFUE relatif aux règles de concurrence, elle est conditionnée par l'existence d'une période de « déséquilibres graves » sur le marché, notion qui n'est pas définie, mais qui implique que la Commission ait préalablement eu recours à des mesures de sauvegarde, par hypothèse sans effet. La Commission peut alors autoriser des accords ou décisions des OP reconnues, de leurs associations ou des interprofessions, à condition qu'ils ne nuisent pas au bon fonctionnement du marché intérieur et visent strictement à stabiliser le secteur. Le domaine de tels accords est limité : retrait et distribution gratuite de produits, mise à la transformation, stockage privé, promotions conjointes, exigences qualitatives, achats communs d'intrants de lutte contre les organismes nuisibles ou les catastrophes naturelles ou planification temporaire de la production (c'est cette dernière mesure qui est envisagée pour les produits laitiers). Ces accords et décisions – qui relèvent de l'initiative privée – ne sont valables que pour une période de 6 mois, éventuellement renouvelable une fois par une nouvelle décision de la Commission.

La décision relève d'un acte d'exécution de la Commission, défini par l'article 291 du TFUE comme une mesure d'application ressortissant normalement des États membres, mais nécessitant des conditions uniformes, notamment pour éviter des distorsions de concurrence ou des discriminations entre ressortissants européens.

Procédure d'examen précise

De tels actes d'exécution doivent cependant respecter une procédure d'examen précise, qui prévoit que la Commission soit assistée d'un « comité de l'organisation commune des marchés agricoles » (article 229 OCM), composé des représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission, sans voix délibérative (règlement UE no 182/2011 du 16 février 2011). La Commission doit soumettre la mesure projetée à l'avis du comité, dont les membres peuvent proposer des modifications, le président devant s'efforcer d'établir par consensus un texte commun. L'avis du comité doit être émis selon les mêmes conditions de majorité que toute décision du Conseil relevant de la majorité qualifiée (article 16 TUE : 55 % des membres représentant au moins quinze d'entre eux et réunissant au moins 65 % de la population de l'UE, toute minorité de blocage devant réunir au moins quatre membres). Si l'avis est favorable, la Commission adopte le projet d'acte d'exé-cution. Sinon, l'acte n'est pas adopté, le président pouvant cependant, en cas de nécessité, soumettre dans les deux mois une version modifiée du projet au même comité, ou saisir dans le mois un comité d'appel.

De l'autorisation aux mesures concrètes

On relèvera que bien que l'on soit par hypothèse en période de crise grave, le recours à la procédure d'urgence prévue par le règlement 182/2011 n'est pas ici possible.

On le voit, les obstacles à franchir pour que soit adopté l'acte d'exécution demandé par la France, et dont M. Hogan a déclaré accepter le principe, sont encore nombreux. Mais lorsqu'il le sera, aucune mesure concrète n'en résultera immédiatement : il ne fera qu'autoriser les OP, leurs associations et les interprofessions à prendre elles-mêmes certaines mesures de nature anticoncurrentielle, mais qui seront autorisées. S'agissant, par nature (et l'acte en définira les contours), de mesures de marché, un consensus entre les organisations des différents pays de l'UE devra s'établir si l'on ne veut pas qu'en restreignant leur production laitière, certains offrent des parts de marché aux autres. Une annonce donc, mais à suivre attentivement dans les modalités de sa mise en œuvre et dans ses effets concrets.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d'avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d'un bureau à Bruxelles et à Beyrouth.

Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l'agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75 008 Paris - www.racine.eu

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