Sucre
L’Allemand Südzucker, mis en échec par le marché
Le numéro un européen du sucre (Südzucker), propriétaire de Saint Louis en France, fait un aveu de faiblesse en se proposant de réduire ses capacités de production. Le numéro un français (Tereos) tient à afficher ses différences.
Le numéro un européen du sucre (Südzucker), propriétaire de Saint Louis en France, fait un aveu de faiblesse en se proposant de réduire ses capacités de production. Le numéro un français (Tereos) tient à afficher ses différences.
Le projet du groupe sucrier allemand Südzucker, numéro 1 européen du sucre, de réduire de 700 000 tonnes sa production annuelle de sucre, a ébranlé les producteurs européens de betteraves sucrières. Des restructurations avaient eu lieu avant l’abolition des quotas sucriers et les grands sucriers nord du continent avaient fait augmenter les surfaces plantées autour de leurs usines en prévision de la libéralisation des exportations. Cette amplification des approvisionnements avait aussi pour intérêt d’allonger le temps de fonctionnement des usines afin de réduire la proportion des frais fixes. Südzucker avait fait augmenter de près d’un quart les surfaces cultivées en Europe occidentale en 2017 et se disait compétitif au début de l’année dernière en raison de son implantation au cœur des meilleurs bassins de production et aussi des grands bassins de consommation. Aussi, l’annonce d’amputer de 700 000 tonnes sa production annuelle totale de 6 millions de tonnes a-t-elle surpris.
Plan d’économie annuelle de 100 M€
Pour autant, l’industrie européenne alerte depuis des mois la Commission européenne sur sa détresse dans une conjoncture particulièrement défavorable : la conjonction de médiocres rendements 2018 et de prix mondiaux et européens historiquement déprimés.
Le bureau exécutif de Südzucker a présenté un projet de « plan de restructuration ». Ce plan d’économie annuelle de 100 millions d’euros s’appliquera tout au long de la chaîne de production. Il envisage, en Allemagne et dans les pays européens « des adaptations capacitaires qui pourraient amener à des fermetures avec une réduction de la production d’environ 700 000 tonnes. L’objectif est de répondre plus rationnellement à la demande du marché européen », était-il expliqué dans un communiqué en anglais du 29 janvier. Il s’avère aujourd’hui qu’au moins deux sucreries allemandes, sur les neuf que compte le sucrier en Allemagne, sont menacées de fermeture.
Deux sucreries menacées de fermeture
Leur production conjointe équivaut à 200 000 tonnes de sucre. Il s’agit des sites de Brottewitz (Nord-Est) et de Warburg (Nord), tandis qu’un troisième site d’après la presse allemande, Ochsenfurt (Centre), craint pour sa survie. D’après le journal en ligne Commodafrica, le leader européen revient sur ses ambitions à l’exportation. Il « avait identifié des marchés attractifs, dont l’Afrique du Nord et de l’Ouest aux côtés du Proche et Moyen-Orient, de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale, l’Asie (l’Extrême-Orient) », peut-on y lire. Südzucker avait d’ailleurs « loué des silos et des entrepôts additionnels dans les ports européens pour ce faire ».
Le plan de restructuration, et l’impératif de repositionnement sur le marché européen, n’épargne a priori aucun outil de ses filiales en Europe : qu’il s’agisse de Saint Louis Sucre en France, de la raffinerie tirlemontoise en Belgique, de Südzucker en Pologne, ou même des outils d’Agrana, entreprise autrichienne détenue à parts égales avec la société ZBG (Zucker-Beteiligungsgesellschaft).
D’autres sources de profit
Mais si le sucre est un centre de profit important et traditionnel pour le groupe allemand, il n’est pas le seul. Au titre de l’exercice 2017-2018, il avait publié 278 millions d’euros (M€) d’Ebitda dans le sucre pour 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 255 M€ d’Ebitda dans les « spécialités » (les fibres Beneo, les pizzas Freiberger, les dosettes Portion Pack, les amidons Agrana et bioéthanol) pour près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et encore 114 M€ d’Ebitda dans les fruits pour 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires.
Tereos « n’a aucun lieu » à devoir restructurer
Le conseil de surveillance du premier sucrier français, Tereos, a beau jeu de pointer ce qui le différencie de Südzucker : l’activité des betteraviers d’un groupe privé n’est pas déterminante des décisions de restructuration ; par ailleurs, Südzucker a concentré ses activités en Europe alors que Tereos les a déployées à l’échelon mondial. Bertrand Magnien, président de la commission des affaires publiques de Tereos, insiste sur le fait que Tereos « n’a aucun lieu » à devoir restructurer comme Südzucker. Même si la plus petite des sucreries du groupe coopératif produit environ 150 000 tonnes. Il souligne d’autres faiblesses des sucreries allemandes : leur fonctionnement au lignite, fortement décrié par les écologistes et dont, selon lui, le coût devient déterminant.
Tereos fait valoir sa robustesse opérationnelle en soulignant qu’en dépit d’une baisse de 5 % du rendement betteravier en 2018 par rapport à la moyenne quinquennale, les neuf sucreries de Tereos France ont tourné pendant une moyenne de 124 jours, allant de 110 à 130 jours selon les régions. Enfin, si le conseil de surveillance de Tereos prévoit 200 millions d’euros d’économie dans son plan Ambition 2020, Bertrand Magnien assure qu’il reste assez de sources d’économie possible tout au long de la chaîne de valeur et grâce à la réunion des équipes stratégiques, administratives et commerciales à Moussy, en région parisienne.
Un rattrapage agronomique et industriel en 2018
Les betteraves cultivées en France l’an dernier ont souffert de la sécheresse, mais se sont bien rattrapées à l’automne, témoignent les sucriers. Surtout, elles ont une teneur en sucre jugé excellent. « La flexibilité de l’outil industriel a permis d’adapter les cadences pour garantir une transformation des betteraves optimisant la production », se félicite Tereos. Si la principale coopérative offre aux planteurs de réduire de 5 % leurs semis pour 2019 et sans garantir de prix, elle constate des intentions bien moins réductrices sur le terrain. À plus long terme, la coopérative mise davantage sur le dividende que sur le prix de la betterave pour fidéliser les planteurs. C’est l’objet de l’ouverture du capital qui est envisagée.