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La nutrition animale bretonne face à des pertes de volumes

Avec une perte de 3,5 % en tonnages en 2016, la nutrition animale bretonne est à l’image du secteur au niveau national. Tel est le constat exprimé le 5 juillet lors de l’assemblée générale de Nutrinoë, rassemblant les fabricants d’aliments du bétail bretons. Elle accuse le coup avec des baisses dans toutes les espèces animales, pour des raisons différentes.

Les aliments pour les vaches laitières subissent de plein fouet la crise laitière avec quasiment -10 %, même si le segment du mash progresse de près 20 % en lait comme en viande. Le prix de l’aliment pour vaches laitières reprend, en 2017, 5 %, mais les délais de paiement consentis par les fabricants ont progressé de 25 %, confirmant leur soutien à la trésorerie des éleveurs en attendant le retour d’un prix du lait rémunérateur.

La volaille régresse aussi (-3,5 %) sous l’effet des difficultés du segment export et de la migration qui démarre seulement vers plus de poulets lourds pour le segment RHD et industriel. La bonne tenue de la dinde était l’an dernier liée à des reports d’enlèvement et non à une reprise de la production comme le prouve un début 2017 en chute libre (-14 % en dindes sur janvier/mai).

À noter que les Pays de la Loire résistent bien en volailles (+0,3 %), les choix des deux leaders nationaux pour la reconquête du marché national sont donc validés, mais demandent à être déployés plus largement. Le poulet consommé en France est en effet toujours plus importé (47 % au dernier bilan). Les cinq premiers mois de 2017, avec +2,9 % en poulets, montrent que la Bretagne s’est mise sur cette route.

-1,5 Mt d’aliments pour porcs en 15 ans

La production d'aliments pour porcs continue à s’effriter (-3,2 %). Pourtant la reprise des cours du porc est réelle depuis douze mois, grâce au marché chinois qui compense les pertes du marché russe. La raison en est ici plus structurelle : les fabricants d’aliments bretons ont en effet perdu 1,5 Mt d’aliments pour porcs en quinze ans. Une petite part de cette baisse est liée à la contraction de la production (53 000 t). Une part plus sensible (503 000 t) est liée aux progrès nutritionnels et zootechniques qui se traduisent par une baisse de l’indice de consommation : il ne faut plus que 2,8 kg d’aliments pour produire 1 kg de porc contre 3,1 kg au début des années 2000. Ce qui se traduit, pour l’éleveur, par une amélioration de sa marge de 210 euros par truie par an.

La plus grande part des pertes (945 000 t soit 63 %) est liée au transfert vers la fabrication à la ferme (FAF). Elle couvre désormais 43,5 % des besoins nutritionnels des élevages porcins bretons. « En termes de rentabilité sur huit ans, il n’y a pas de différences majeures entre les deux modèles, l’aliment complet étant parfois, comme l’an dernier, plus intéressant économiquement », pointe Hervé Vasseur, président de Nutrinoë, qui poursuit : « il ne faut donc pas sans arrêt renvoyer aux éleveurs un seul message les incitant à produire des céréales pour nourrir leurs porcs. »

Parmi les 25 % d’éleveurs les plus performants, il en existe d’ailleurs autant en FAF qu’en aliments complets. Les fabricants d’aliments se sont organisés pour répondre en proposant des gammes qui vont des aliments complets et des aliments complémentaires (qui couvrent de 25 à 60 % des besoins) jusqu’aux seuls prémélanges de vitamines et d’oligoéléments pour les élevages dotés des autorisations nécessaires pour incorporer de tels produits (1 à 2 % de l’aliment distribué aux animaux).

Lutte contre l’antibiorésistance

« Le poste alimentation représente 65 à 70 % du coût de production en porcs, mais c’est un poste de support des progrès économiques via les progrès technique et sanitaire », insiste Patrick Piton, directeur productions et nutrition animale de Triskalia. Les leviers utilisés, au-delà de l’effet de lissage de la volatilité des cours de matières premières par la puissance des achats des entreprises et de la formulation qui élargit la gamme des matières premières qu’elles savent valoriser, s’appuient sur la R&D. Elle assure l’accompagnement des progrès génétiques (+0,3 porcelet par truie depuis dix ans) et zootechniques (indice de consommation), mais aussi la lutte contre l’antibiorésistance avec de vrais succès comme la baisse de 50 % des antibiotiques en volailles de chair depuis quatre ans, l’arrêt de la colistine en 1er âge en porc et des filières sans antibiotiques.

La différenciation était d’ailleurs un des messages forts de l’assemblée générale : sans antibiotiques mais aussi sans OGM (40 % des tourteaux importés dans l’Ouest sont sans OGM) ou bio (+61 % l’an dernier, la Bretagne produit 27 % des aliments bios), les fabricants d’aliments pour animaux savent faire. « Pour qu’une différenciation ait un sens, il faut que la valeur ajoutée créée soit portée jusqu’au consommateur et qu’elle soit ensuite redistribuée tout au long de la filière », rappelle Éric Walin, directeur de la Scar (coopérative belge qui produit 70 000 t par an) dont la stratégie est, depuis 1996, de se différencier d’abord pour survivre, puis, désormais, pour gagner. Le leader européen de la nutrition animale (10,5 Mt), FourFarmers (Pays-Bas), a d’ailleurs reconnu son savoir-faire puisqu’il lui a confié la production des aliments bios pour sa filière belge.

Se faire connaître et reconnaître

Nutrinoë a engagé depuis plusieurs années des actions de communication auprès du grand public comme les journées portes ouvertes. Leur prochaine édition se tiendra en juin 2018. Mais les fabricants travaillent aussi à être mieux reconnus des pouvoirs publics. Ainsi, Laurent Morin, directeur de l’association, confirme l’efficacité du travail partenarial avec la préfecture de la zone ouest. Elle aboutit, cette année, à un arrêté zonal pour douze départements en une fois, signé le 21 juin dernier. Les camions d’aliments pourront livrer les élevages sur quatre des cinq samedis estivaux d’interdiction complémentaires de circulation. Philippe de Guenin, Draaf de Bretagne, a par ailleurs confirmé qu’il est conscient de la place de la nutrition animale dans les filières et qu’il les convierait donc aux consultations pour les états généraux de l’alimentation en fin d’été.

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