Controverse
Imaginons un observateur installé sur Sirius et considérant les activités terrestres avec une certaine hauteur. Il s’amuse sans doute de notre ignorance, de nos maladresses. Mais au moins, vues de loin, nos entreprises lui paraissent-elles comporter une certaine logique. Pourtant, un mystère demeure pour cette intelligence cosmique : pourquoi la filière viande française se déchire-t-elle depuis des mois autour d’une taxe d’équarrissage ? Là-haut, notre observateur a fait les choses avec sérieux. Il a écouté et lu les arguments de tous. Il en a conclu que tous avaient d’excellentes raisons de prendre les positions qu’ils prennent, mais que ce faisceau de bonnes raisons, inexplicablement, ne parvenait pas à se nouer en gerbe et formait une sorte de verge amère dont chacun fouettait l’autre, avant que d’en être fouetté lui-même. La controverse fameuse de Valladolid se demandait si les Indiens étaient de nature humaine, et donc s’il fallait les traiter en esclaves ou les payer pour leur travail. La dispute de l’équarrissage s’interroge sur la nature de sa taxe, et s’il faut l’acquitter. Le légat du pape répondit oui, mais assez mollement. Les professions de la viande disent non, mais avec une belle fermeté. L’histoire nous apprend qu’ayant écarté l’esclavage des uns, on admit bientôt celui des autres. Il en va ainsi pour les taxes : on peut en refuser une, mais il faudra bien accepter la suivante.