Bien-être animal : comment l’améliorer, comment le valoriser
Le traitement des animaux d’élevage est un enjeu sociétal, touchant les éleveurs eux-mêmes. Mais comment en faire un atout commercial ? La communication et l’étude de la demande sont des préalables.
Le traitement des animaux d’élevage est un enjeu sociétal, touchant les éleveurs eux-mêmes. Mais comment en faire un atout commercial ? La communication et l’étude de la demande sont des préalables.
Chacun a sa vision du bien-être animal (BEA). Les experts, éthologues et vétérinaires, travaillent autour des cinq « libertés » des codes de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMS) : quatre « absences » (de faim ou de soif, de peur ou de souffrance psychique, de stress physique, de douleur ou de maladie) et « la liberté d'expression d'un comportement normal de l’espèce ». Les citoyens ont une vision plutôt anthropocentriste ; ils surévaluent le besoin de liberté, ont une mauvaise opinion « d’élevages industriels » et sont sensibles aux scandales.
Les professionnels au contact des animaux, en élevage, en centre d’allotement ou à l’abattoir, voient leur regard évoluer sur leur métier quand ils désignent des référents BEA, quand ils adoptent des diagnostics, travaillent avec des ONG. Par exemple, l’élevage est devenu généralement plus performant à Terrena depuis que la coopérative a développé, il y a trois ans, l’application mobile Tibena pour observer les animaux. Enfin, les ONG welfaristes et associations de protection animale ont des visions diverses, entre les informations des experts et leurs opinions – contre l’abattage rituel sans étourdissement, le gavage ou toute exploitation animale.
Concilier les visions des éleveurs et des citoyens est l’expérience que font des chercheuses de l’Inrae. C’est une « recherche participative sur les porcs et lapins » qui était présentée au dernier Salon de l’élevage (Space) à Rennes par une éthologue de l’Institut Pegase, au cours d’un colloque sur le bien-être animal organisé par le pôle animal de La Coopération agricole.
Aux Fermes de Janzé, quatre fois «heureux»
Et si le bien-être animal était un bien-être partagé ? C’est l’idée de « One Welfare » (bien-être pour tous) de La Coopération agricole. L’élu BEA de l’organisation, Mickaël Marcerou, considère que « l’amélioration du bien-être des animaux passe par l’amélioration du bien-être des humains et réciproquement ».
Les éleveurs des volailles de Janzé veulent faire partager cet esprit positif aux consommateurs : sous leur nouvelle signature, Les Fermes de Janzé. Ils s’affichent quatre fois heureux : « heureux de voir nos volailles gambader dans les prés », « heureux de produire de bons produits », « heureux de défendre notre terroir » et « heureux d'être une coopérative à taille humaine ».
Les enjeux commerciaux
Le citoyen n’étant pas la même personne que le consommateur, il n’est pas simple de valoriser le bien-être animal. Les enjeux commerciaux du BEA existent pourtant : donner des garanties aux consommateurs, les impliquer, séduire les consommateurs de demain, prévenir les scandales, tenir compte des engagements des clients ou encore relier le bien-être animal à des questions de santé, comme l’élevage sans antibiotiques.
La coopérative Le Gouessant a attendu un partenaire commercial, un débouché et une valorisation sûre pour mettre en route son système d’élevage Physior, permettant aux porcs de vivre selon leurs besoins dans des bâtiments plus spacieux et aménagés, d’accéder à l’air libre, de se distraire et d’échapper à la caudectomie (coupe de la queue). Dans les quatre ans, une production de 2 000 porcs par semaine est prévue et « nous sommes très satisfaits », a témoigné au colloque du Space le directeur de l’activité porc du Gouessant, Stéphane Jamet. Ce dernier a précisé que Physior ne représentait qu’une partie de l’activité des éleveurs, et que Le Gouessant continuerait à produire « du porc à prix mondial ». Mais aussi : « Demain, le citoyen sera consommateur », confiant que les 16-25 ans d’aujourd’hui retenaient toute son attention.
« Demain, le citoyen sera consommateur », Stéphane Jamet, directeur de l’activité porc du Gouessant
L’enseigne Casino entend développer l'étiquette bien-être animal (EBEA) sur toutes les viandes sous marque Casino. « Tout le projet est porté par les services qualité, achats, les ventes, les MDD. Avec l’accompagnement des directions de la RSE du groupe et de l’enseigne Casino, explique Claire Luquet, directrice marketing et de la marque Casino. Cela relève d’une prise de conscience et de notre culture de pionnier. » Elle admet que les produits étiquetés sont vendus plus cher, mais souligne par ailleurs : « Nous prenons de nombreuses initiatives pour soutenir le pouvoir d’achat de nos clients. »
Dans les rayons des découpes de poulet sans marque côtoient les découpes certifiées EBEA. Le distributeur Lidl a désigné au Space 2022 huit projets d’élevage porcin devant améliorer les conditions de vie des bêtes sans retombées sur les coûts. Il les soutiendra 5 ans. En restauration rapide, KFC encourage ses fournisseurs d’Europe occidentale à adopter l’éclairage naturel des poulaillers et l’enrichissement du bâtiment, des densités réduites, des temps de transport à l’abattoir de moins de 4h (8h cas de force majeure).
L’encadrement européen du bien-être animal se transforme
« Les avis scientifiques ne sont pas contraignants, mais donnent des signaux sur les possibilités d’évolution », a rassuré Denis Simonin, expert bien-être animal et antibiorésistance de la Direction générale de la santé de la Commission européenne au Space à Rennes en septembre 2022. L’expert, présidant les groupes de travail à Bruxelles sur le transport, la mise à mort et l’étiquetage, était invité à la table ronde « quelles évolutions européennes pour le bien-être animal ?» de La Coopération agricole.
La Commission européenne a demandé des expertises à l’Efsa, dont trois étaient parues à la fin mars (transport, poulets, poules), en vue de propositions législatives sur le BEA et l’étiquetage du BEA à la fin 2023. L’expert a affirmé que les politiques décideront des nouvelles obligations et du caractère obligatoire, au regard des réalités socio-économiques. En matière d’étiquetage, il avait avancé plusieurs options : limiter le foisonnement des allégations ; rendre obligatoire un étiquetage donnant soit une indication complète (mode d’élevage, score), soit focalisé sur un thème (par exemple cage/hors cage) ; cadrer un étiquetage volontaire.