Alimentation durable : « L’approvisionnement est une brique indispensable à une filière durable », selon Maud Bouchet (Isara Conseil)
Pour Maud Bouchet, consultante en agroécologie et filières alimentaires durables à l’Isara Conseil, la construction d’une filière durable se fait brique par brique. L’approvisionnement est une clé d’entrée intéressante, même si ce n’est pas la plus simple à mettre en œuvre.
Maud Bouchet, consultante en agroécologie et filières alimentaires durables à l’Isara Conseil.
©
Isara Conseil
Après un cursus d’ingénieur à l’Isara et une expérience professionnelle de plus de dix ans dans différents réseaux de développement agricole (Cuma, Interprofession bio, Coopération agricole), Maud Bouchet intervient désormais à l’Isara Conseil depuis 2019. Elle est chargée de développer les activités de conseil et de formation professionnelles sur les thématiques de l’agroécologie et de la structuration de filières durables.
Quelle est votre définition d’une filière durable ?
Maud Bouchet – Le terme de filière est déjà complexe à définir. Si on y ajoute la dimension de durabilité, on est face à des situations encore plus diverses, que ce soit d’un point de vue géographique, temporel, organisationnel ou sectoriel. Dans une perspective de satisfaction des besoins alimentaires, plein de dimensions viennent s’intégrer : technique, économique, relationnel avec tous les flux qui peuvent y être associés. Pour aborder cette notion simplement et d’une manière générale, une filière durable réunit différents acteurs dans le but d’assurer la sécurité alimentaire, en quantité comme en qualité et d’améliorer les impacts économiques, sociaux, environnementaux. Cela fait aussi appel à des notions de juste répartition de la valeur, des risques, et de pérennité. Le concept de durabilité peut s’appliquer à plein d’échelles, de l’amont à la distribution. Idéalement, on cherche à voir les choses de manière systémique, dans leur globalité, mais de manière pragmatique, tous les maillons ne sont pas sollicités dans le même temps et on commence à travailler par un maillon, qui a lui-même des connexions avec d’autres et les fait avancer. La répartition de la valeur est indissociable de tout ce travail.
Comment une entreprise peut-elle intégrer de la durabilité dans ses approvisionnements ?
M. B. – Il existe une grande diversité de démarches. L’initiative peut venir de l’amont comme de l’aval, avec des entreprises agroalimentaires qui vont favoriser des pratiques plus durables dans les exploitations. La durabilité est aussi traitée de manière thématique sous l’angle de la biodiversité ou de l’empreinte carbone par exemple. L’un des mécanismes pour favoriser un approvisionnement durable est de modifier le cahier des charges fournisseurs pour y intégrer un certain nombre de critères de durabilité. D’autres entreprises vont aller jusqu’à l’accompagnement et développer de véritables soutiens aux producteurs. Certaines entreprises ont une démarche de durabilité au niveau de la transformation, mais sans aller jusqu’à un sourcing durable. L’approvisionnement est une brique indispensable à la création d’une filière durable, même si ce n’est pas la plus facile à mettre en place. Cela peut aussi être une manière de sécuriser son approvisionnement, de fidéliser ses producteurs, de relocaliser ses achats, de répondre aux attentes des consommateurs.
Pouvez-vous citer des exemples concrets de mise en place de démarches durables ?
M. B. – Nous avons récemment accompagné une entreprise bio sur les enjeux de biodiversité, au cœur de sa stratégie, et avons souhaité le traduire également dans sa relation avec ses fournisseurs, en intégrant de nouveaux indicateurs dans son cahier des charges. C’est un effet de levier intéressant pour faire bouger les pratiques en amont. J’ai aussi en tête un consortium d’acteurs, composé de coopératives, d’entreprises de transformation, et de structures d’accompagnement qui construisent ensemble une feuille de route pour faire évoluer les pratiques agricoles vers l’agroécologie et diminuer les émissions de gaz à effet de serre. L’objectif pour les industriels est de pouvoir intégrer des matières premières bas carbone et françaises. Les coopératives et les agriculteurs étaient également engagés sur ces sujets de réflexion. Il y a eu un alignement des planètes pour faire bouger les lignes ensemble.
Travaillant sur ces sujets depuis plus dix ans, je constate que les préoccupations évoluent. L’agronomie, la fertilité des sols, la transition agroécologique, la biodiversité, l’adaptation des bassins de production au changement climatique sont des sujets sur lesquels les entreprises sollicitent davantage d’accompagnement ou de formations. Elles ont besoin de monter en compétence afin de mieux identifier les leviers activables à l’échelle de leur organisation et d’objectiver les marches de progrès.