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Accords interprofessionnels étendus et liberté d'association : clap de fin

Par un arrêt du 6 avril 2016 concernant une affaire impliquant le Comité interprofessionnel de la dinde française, la Cour de cassation met fin à un argument souvent opposé aux organisations interprofessionnelles. Analyse.

L'un des arguments traditionnels des opérateurs souhaitant échapper au paiement des cotisations résultant des accords interprofessionnels étendus consiste à invoquer une violation de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales relatif à la liberté d'association : le versement d'une cotisation à une organisation serait la manifestation d'une adhésion, laquelle ne saurait être rendue obligatoire.

L'argument de violation de l'article 11 rejeté

Cette argumentation a été rejetée par la première chambre civile de la Cour de cassation par une décision du 14 janvier 2016, en des termes qui n'ont pas manqué d'inquiéter : s'agissant de cotisations dues à l'association Inter Rhône, la Cour de cassation a en effet rejeté l'argument relatif à une violation de l'article 11, mais en se fondant seulement sur le fait qu'Inter Rhône, interprofession créée par l'État, « ne disposait pas de la latitude permettant de la tenir pour une association au sens de l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ». Ainsi, d'apparence favorable, la décision suscitait un doute : les cotisations des interprofessions créées depuis 1975 à l'initiative des professionnels et disposant de toute la latitude nécessaire allaient-elles, a contrario, être considérées comme contraires à l'article 11 ? Pour ces dernières organisations, pourtant, le Conseil constitutionnel semblait avoir tranché par une décision du 17 février 2012, déclarant l'article L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime, qui régit l'institution des cotisations volontaires étendues, compatible avec les droits et libertés que la Constitution garantit, parmi lesquels figure la liberté d'association.

Il existait en outre une jurisprudence ancienne et constante selon laquelle le régime des cotisations volontaires obligatoires n'était pas contraire aux exigences définies par l'article 11 de la Convention, émanant des juridictions du fond (Cours d'appel d'Angers en 2000 et 2007, de Lyon en 2003, de Paris en 2011) mais également de la chambre commerciale de la Cour de cassation elle-même : allait-on vers un conflit entre deux chambres de la juridiction suprême ?

La première chambre civile a de nouveau eu l'occasion de se prononcer par un arrêt du 6 avril 2016, et elle l'a fait explicitement en faveur de la compatibilité entre le paiement obligatoire de cotisations à une organisation interprofessionnelle et la liberté d'association. Elle confirme sans ambiguïté la jurisprudence antérieure en affirmant que « l'obligation de paiement de cotisations, instituée par l'article L. 632-6 [du code rural], ne portait pas atteinte à la liberté des professionnels de la filière agroalimentaire de la viande de dinde de ne pas être membre d'une association, telle qu'elle résulte de l'article 11 » de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

L'adhésion attachée aux organisations professionnelles

Cet arrêt est d'autant plus clair que la Cour de cassation explicite son raisonnement : elle relève la qualité d'association, au sens de l'article 11, de l'organisation concernée, mais rappelle que seules les entités ayant la qualité d'« organisation professionnelle » peuvent prétendre à une adhésion et versent une cotisation statutaire, de sorte que la cotisation obligatoire résultant des accords interprofessionnels étendus ne peut être considérée comme une cotisation d'adhésion, mais uniquement comme une somme due en vertu des arrêtés ministériels d'extension.

Si un même terme, cotisation, est utilisé, il recouvre ainsi deux réalités différentes, et l'article L. 632-6 du code rural ne contrevient en rien aux exigences de la liberté d'association. C'est la fin d'une interminable et inutile polémique et un gage de sécurité juridique.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d'avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d'un bureau à Bruxelles et à Beyrouth.

Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l'agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75 008 Paris - www.racine.eu

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