Les initiatives fleurissent pour valoriser le chevreau
Si les idées pour donner de la valeur à la viande caprine ne datent pas d’hier, la crise sanitaire a stimulé les initiatives pour lui redonner de la valeur et rééquilibrer les marchés entre filière longue et courte.
Si les idées pour donner de la valeur à la viande caprine ne datent pas d’hier, la crise sanitaire a stimulé les initiatives pour lui redonner de la valeur et rééquilibrer les marchés entre filière longue et courte.
« Chacun doit garder la tête froide pour ne pas retomber dans les travers des précédentes campagnes, prévient Franck Moreau, président de la section caprine d’Interbev et administrateur de la Fnec. Cette année, si les stocks de chevreaux à la sortie des fêtes de fin d’année devaient être au plus bas, le prix de la poudre de lait nous met sous pression. Nous devons avoir une stratégie collective pour passer des hausses auprès des clients de la grande distribution afin d’aller chercher une valorisation et un prix rémunérateur pour les engraisseurs et préserver le prix naisseurs. Les prix annoncés en début d’année tiennent compte en partie de la hausse de la poudre de lait. »
2022 sera riche en actions en faveur de la valorisation du chevreau : mise en œuvre du plan de filière national porté par Interbev et cofinancé par FranceAgriMer, fin du Casdar Valcabri, avancées sur le projet de chevreau Label Rouge porté par le syndicat caprin de la Drôme, projet collectif en Savoies, plan de filière territorial en Auvergne Rhône Alpes…
« Le chevreau n’est pas un produit qui n’a pas de marché, rappelle Franck Moreau. On peut trouver des solutions. Nous sommes une petite filière avec peu de moyens financiers, nous devons donc travailler en complémentarité : les travaux nationaux doivent nourrir les démarches régionales, et inversement. »
Et après deux années compliquées, tout ce qui peut permettre de sortir de l’entonnoir de la filière longue pour rééquilibrer le marché est bienvenu.
Aujourd’hui seuls 30 à 35 % des volumes de viande de chevreau commercialisés le sont en France et la consommation est plutôt en perte de vitesse. « C’est important de connaître nos marchés à l’étranger, mais aussi les consommateurs français. Ainsi, une étude auprès de ces derniers va être menée en 2022. Nous avons besoin de savoir comment la viande de chevreau est perçue », poursuit Franck Moreau.
« Dans les objectifs définis collectivement, il y a aussi la réalisation d’une étude sur les marchés grecs, roumains, bulgares et portugais afin de connaître leur structuration, les débouchés et les flux entre les pays. » Si cette étude a débuté avant le plan de filière, elle alimente la réflexion en cours et bénéficie aussi d’un soutien de l’État.
« Nous travaillons également sur des solutions de rééquilibrage des marchés. Le plan de filière comprend un volet important sur l’engraissement à la ferme, afin de donner des outils sur cette pratique aux éleveurs, trouver des marchés différents. » Le projet Casdar Valcabri qui s’achève au début de cette année contribue à ce volet.
En parallèle, Interbev finalise une carte des abattoirs prestataires, indispensables pour structurer les filières courtes. Sur cette étape incontournable et pourtant souvent problématique, les volets réglementaires et économiques de l’abattage à la ferme, mobile ou fixe, vont être expertisés.
La charte des Bonnes pratiques d’élevage du chevreau déployée début 2022
Validée fin 2021 par la section caprine d’Interbev, la charte des bonnes pratiques d’élevage du chevreau couvre toutes les étapes de sa vie, de son élevage de naissance à l’abattoir en passant par l’engraissement. Elle est intégrée dans la version 2022 du Code Mutuel caprin et sera disponible en autodiagnostic en ligne. La charte comporte des points spécifiques sur la prise de colostrum, la désinfection du nombril ainsi que la réglementation sanitaire, l’utilisation d’antibiotiques… Si elle est volontaire, il y est inscrit qu’engraisseurs et abatteurs se fourniront dans des ateliers chartés, précise Franck Moreau, président de la section caprine d’Interbev.
Laurent Balmelle, producteur fermier en Ardèche, 100 chèvres, administrateur Fnec
Un plan de filière chevreau régional en Auvergne Rhône Alpes
« Aujourd’hui, seuls 10 % des chevreaux sont commercialisés en vente directe. Pour augmenter cette part, nous devons construire et structurer une nouvelle filière. Pour cela, il faut que nous allions voir les bouchers, des transformateurs, la restauration collective, mais aussi les abattoirs et bien sûr que les éleveurs se mobilisent.
Nous nous sommes rapprochés de la région Auvergne Rhône Alpes, des départements de l’Ardèche et de la Drôme, et d’Interbev afin de cofinancer le recrutement d’un animateur dédié à la question chevreaux. En se nourrissant des travaux réalisés au niveau national et d’autres régions depuis plusieurs années, nous devons construire notre plan de filière chevreau régional.
Nous devons nous prendre en main
Nous devons savoir qui sont nos clients finaux, avec peut-être un besoin de monter en gamme sur des chevreaux de 10-12 kg carcasse. Nous devons aussi résoudre la question de l’abattage. Dans notre région, il n’y a pas d’abattoir spécialisé chevreaux lourds. Nous allons nous tourner vers des abatteurs multi-espèces qui pourraient être intéressés.
Sur notre territoire, les fermiers sont souvent mobilisés, il faut aussi que les laitiers soient convaincus de l’intérêt de sortir de la filière longue, de l’entrée de gamme. Il y a tout un travail de communication et de formation à réaliser. À nous de nous prendre en main ».
Le chevreau label rouge fait son chemin
« Nous avons eu en toute fin d’année 2021 les premiers échanges avec la commission d’enquête label rouge de l’Inao et les retours sont positifs, rapporte Damien Brunet, président du syndicat caprin de la Drôme, porteur du projet chevreau Label Rouge. Le projet est vu d’un bon œil, notamment au niveau du ministère. Même si nous souhaitons qu’il aboutisse assez rapidement, nous sommes conscients qu’il ne faut pas brûler les étapes. Nous mettons ce temps à profit pour structurer la filière, tester, échanger avec les autres régions. Obtenir le label rouge ne suffira pas. Il faut des éleveurs volontaires, des abatteurs en capacité de travailler avec du chevreau lourd, des ateliers de découpe et transformation, et bien sûr, des débouchés. Aujourd’hui, nous avons réussi à nouer de bonnes relations avec les quatre abattoirs de la région. Il faut être patient, ce projet ne peut apporter que de la plus-value pour l’ensemble de la filière. »
Un atelier collectif d’engraissement pour les Savoies
Le syndicat caprin des Savoie a mis en place un circuit de fabrication de terrines depuis quatre ans. Afin de pallier le manque de place dans les élevages, la structure crée un atelier d’engraissement collectif.
Depuis 2018, le syndicat caprin des Savoies travaille sur la mise en place d’une filière identifiée afin de valoriser localement les chevreaux. « Les prix d’achat sont particulièrement faibles et la collecte est aléatoire. Nous avons besoin du circuit de collecte négociant (deux tiers des volumes) mais nous voulions développer une alternative », résume Yann Ben-Abdelkader, animateur de la structure.
C’est dans ce contexte que cette dernière a souhaité accompagner les éleveurs vers la fabrication de terrines. Un nouveau débouché qui présente plusieurs avantages : le report des ventes mais aussi la facilité de stockage. « Nous avons élaboré plusieurs recettes, créé des étiquettes. Nous nous sommes aussi rapprochés de plusieurs opérateurs (abattoir, atelier de désossage, de salaison et logistique). Nous avons aujourd’hui deux chaînes identifiées opérationnelles, l’une en Savoie, la seconde en Haute-Savoie. »
Manque de place dans les élevages
En 2018, seuls deux éleveurs participaient à cette dynamique, ils sont 18 fin 2021. Encore faut-il avoir de la place sur son exploitation pour engraisser les chevreaux. Voilà pourquoi le syndicat caprin des Savoie a décidé de créer un atelier collectif d’engraissement des chevreaux. Lequel prendra place dans un bâtiment du lycée agricole de Contamine-sur-Arve (Haute-Savoie). Il faudra néanmoins faire quelques aménagements (installation de lampes chauffantes, travaux de plomberie, etc.). Coût de l’opération : près de 10 000 euros. Des subventions pourraient être accordées (le département de la Haute-Savoie interviendra notamment à hauteur de 80 %). « Nous souhaitions dans un premier temps rester à petite échelle. Il nous fallait par ailleurs trouver une personne qui travaille entre 2 et 3 heures par jour, et six mois dans l’année. Cela ne se trouve pas partout. »
D’autres débouchés à venir
Cet atelier ouvrira ses portes en février prochain. Jusqu’à 180 chevreaux pourront être logés simultanément. Concrètement, l’éleveur reste propriétaire de ses animaux et paie une pension (1,15 € HT/j). Une convention entre l’éleveur et le lycée a par ailleurs été élaborée afin de définir les droits et devoirs de chacun. Sitôt le chevreau engraissé, ce dernier prendra le chemin de l’abattoir.
Les projets restent nombreux. Après les terrines, le syndicat souhaiterait accompagner la commercialisation de plats cuisinés en bocaux et de viande sous vide. « Il y aura un travail de sensibilisation à réaliser auprès des consommateurs. »