Dans quel ordre distribuer l’alimentation aux chèvres quand il y a plusieurs fourrages ?
Les chèvres savent nettement faire la différence entre différents fourrages. Elles sont aussi capables d’attendre leur fourrage préféré. Les fourrages distribués le soir sont cependant davantage ingérés.
Les chèvres savent nettement faire la différence entre différents fourrages. Elles sont aussi capables d’attendre leur fourrage préféré. Les fourrages distribués le soir sont cependant davantage ingérés.




Une question fréquemment posée en élevage caprin concerne l’ordre dans lequel distribuer différents types de fourrages dans une journée. Dans le cadre du projet MaxForGoat, l’unité Pegase de l’Inrae de Rennes a testé plusieurs scénarios simples avec deux fourrages différents distribués, l’un le matin et l’autre le soir.
Cinq combinaisons de fourrages ont été testées, incluant notamment du foin de luzerne de différente qualité, de l’ensilage de maïs, de l’enrubannage de graminées, de l’herbe verte ou du foin de graminées. Les chèvres avaient accès à chaque fourrage soit pendant la journée (7 heures) pour la distribution du matin, soit pendant la nuit (15 heures) pour la distribution du soir. Les fourrages étaient distribués à volonté de façon à avoir 10 à 15 % de refus.
Le fourrage du soir est plus ingéré
Un résultat majeur des essais est que les chèvres consomment systématiquement davantage d’un fourrage lorsqu’il est distribué le soir. « En moyenne, l’ingestion augmente de 50 % lorsque le fourrage est distribué le soir plutôt que le matin », indique Rémy Delagarde, chercheur à l’Inrae. Cela s’explique en partie par la durée d’accès plus longue (15 heures contre 7 heures).
Cependant, l’ordre de distribution a peu impacté l’ingestion totale journalière : les chèvres s’adaptent et modifient leur comportement alimentaire pour consommer les quantités dont elles ont besoin.
Les chèvres s’adaptent aux horaires
Les effets sur la production et la composition du lait ont été très variables. Par exemple, lorsque le fourrage le plus riche était distribué le soir, une augmentation de la production a été observée dans certains essais. « Mais cet effet n’est pas systématique, car il dépend de la différence de valeur alimentaire entre les deux fourrages », précise le chercheur.
Les chèvres ont aussi montré une forte capacité d’anticipation et d’adaptation. Lorsqu’un fourrage moins attractif était distribué le matin, elles réduisaient leur consommation en attendant un fourrage plus appétant le soir. Cela peut conduire à des périodes de jeûne prolongées dans la journée. « Les chèvres comprennent l’ordre de distribution en un ou deux jours seulement, décrit le chercheur. Celles qui reçoivent le mauvais foin de graminées le matin ne se lèvent même pas quand on verse 200 kg d’herbe fraîche dans le couloir, alors que les copines juste à côté qui vont le recevoir ont toutes la tête dans le cornadis. »
Des applications en élevage
Pour les éleveurs, ces résultats peuvent donner lieu à quelques recommandations. « Sans grande surprise, il est plus judicieux de distribuer le fourrage le plus disponible en stock le soir, ou du moins sur le pas de temps le plus long », indique Bertrand Bluet de l’Institut de l’élevage. « À l’inverse, pour économiser un fourrage de qualité, il vaut mieux le donner le matin si on veut le donner à volonté. Il est bien sûr toujours possible de le rationner ». Un peu moins intuitif, il est illusoire de penser pouvoir faire consommer un fourrage que les chèvres n’aiment pas quel que soit le moment où il est distribué dès lors, qu’à un moment de la journée, elles auront un fourrage préféré à volonté. « En pratique, il est sans doute plus judicieux d’essayer de combiner des fourrages d’appétence similaire sur une même période, quitte à reporter l’utilisation des fourrages moins appétant plus tard dans la lactation ».
Autre enseignement : lorsque les différences de qualité entre les fourrages sont faibles, l’ordre de distribution a peu d’impact sur l’ingestion totale. « Mais cela peut jouer sur les proportions relatives de chaque fourrage dans la ration, indique Bertrand Bluet. Ainsi, si leurs valeurs alimentaires sont différentes, il faut identifier le fourrage le plus riche en l’élément nutritif le plus limitant dans la ration pour le distribuer sur le pas de temps le plus long. ».
« Le foin le matin et l’affouragement en vert le midi »
Florian Bouny, éleveur de 250 chèvres dans le Lot, a optimisé le travail en distribuant un fourrage de meilleur qualité qui a permis de gagner en production.
« En 2024, nous avons passé le pas de l’affouragement en vert pour pouvoir offrir de l’herbe de qualité sans utiliser d’ensilage, ni d’enrubannage, interdit dans le cahier des charges du rocamadour. Avant, avec le foin, nous avions quatre repas : le matin avant la traite, le midi, l’après-midi avant la traite et puis en soirée après la traite. Avec la distribution d’herbe fraîche, nous nous sommes simplifié la tâche pour avoir l’après-midi de libre. Maintenant, nous apportons environ un kilo de matière sèche de foin grossier le matin et nous fractionnons la distribution d’herbe fraîche le matin et le soir. Par contre, nous ne faisons qu’un seul ramassage d’herbe en fin de matinée et nous étalons l’herbe dans le couloir que nous repoussons à la fourche le soir. Nous gardons cette distribution d’herbe depuis mars jusqu’à octobre et même en été car nous avons la possibilité d’irriguer. Pour le foin, nous essayons d’étaler les différentes coupes et différentes qualités afin que la ration reste la plus homogène sur l’année. Avec l’herbe fraîche, nous avons gagné 25 % de lait tout en économisant du concentré. Les animaux sont en meilleur état et nous sommes plus autonomes. »