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Filière ovine
Les défis ne manquent pas dans le monde d’après Covid-19

Consommation et prix de l’agneau, contrat tripartite, restauration hors domicile, accord avec l’Océanie, Pacte vert européen, Aïd-el-Kébir… Les opportunités ne manquent pas après Pâques et après le Covid-19.

Pâques a été sauvé mais pas le prix de l’agneau », résume Michèle Boudoin, la présidente de la FNO, en revenant sur le formidable retournement de situation assuré par la filière ovine qui craignait une déconsommation de l’agneau pascal avec le Covid-19. Si la consommation a été là, tirée par les spots radios, les réseaux sociaux, les publicités des enseignes, l’appel du ministre et les nombreux reportages dans les médias, la cotation de l’agneau a connu une évolution inhabituelle. Le pic de prix n’a pas eu lieu à Pâques. « Il a manqué un euro du kilo en moyenne », calcule, amère, la Fédération nationale ovine.

Si certaines enseignes ont joué le jeu de l’agneau français, d’autres ont été moins vertueuses en continuant à vendre de l’agneau néo-zélandais. Sans relevé des prix pendant la période de confinement, difficile de savoir si ce sont les consommateurs qui ont profité de ces prix bas. La FNO en doute et porte plutôt son regard vers la grande distribution…

Instaurer des relations tripartites qui stabilisent les prix

La cotation a heureusement repris de la hauteur après Pâques, en lien avec la baisse des importations et la promotion de l’agneau français. Une promotion interprofessionnelle relayée et décuplée par certaines enseignes qui ont mis en avant l’agneau français. Le syndicat ovin espère conserver les bonnes relations tissées pendant la crise avec les enseignes pour mettre en place une contractualisation tripartite. Des discussions sont ainsi en cours, notamment avec Intermarché et Système U, pour travailler à de nouvelles relations commerciales, de nouvelles découpes et valoriser davantage l’agneau français dans les grandes surfaces. « Il est temps de sécuriser le prix à la consommation pour éviter les yoyos des prix à la production, appelle Michèle Boudoin. On en a marre d’avoir des prix ballottés alors qu’on a besoin de stabilité si on veut renouveler les générations d’éleveurs ». Cette contractualisation éleveur-OP-distributeur, espérée de longue date dans la filière ovine, pourrait peut-être faire ses premiers pas dans le monde d’après le Covid. Les opérateurs de la filière n’ont-ils pas montré de la souplesse et de la réactivité pendant la crise en mettant en place des drives ou de la vente directe ?

Des relations renforcées avec la restauration hors domicile

Des réflexions sont aussi en cours avec la restauration collective (qui reste pour la plupart fermée actuellement). En Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, Interbev a édité des plaquettes pour montrer aux gestionnaires de cantines quelle pièce d’agneau peut être cuisinée en collectivité et comment se fournir localement. Des rencontres B to B sont aussi en projet avec le soutien politique des élus régionaux. Des pièces intéressant la restauration pourraient être congelées le temps du confinement puis ressorties le moment voulu. « Le don de viande dans les restaurants hospitaliers a été l’occasion de mettre davantage en relation les acteurs régionaux de la viande », explique Romain Kjan d’Interbev Auvergne-Rhône-Alpes. La FNO travaille par ailleurs à une « journée de l’agneau » qu’elle souhaite mettre en place dans les cantines scolaires.

Certains opérateurs pourraient bénéficier des mesures de gestion des marchés financées par l’Union européenne en congelant des agneaux. Mais, les conditions d’accès à ces aides semblent trop restrictives pour être vraiment utile. Il faut notamment congeler des carcasses ou des demi-carcasses ce qui présente peu d’intérêt pour s’adapter aux demandes. Le 22 mai, seule l'Espagne avait bénéficié de l'aide pour la viande ovine.

L’Europe veut des étiquettes

Plus récemment, la fin du Ramadan le 24 mai et la poursuite du temps ensoleillé, propice aux grillades, soutiennent le marché. De juin à la mi-juillet, la mise en avant dans les magasins d’agneau standard et sous signe de qualité devrait maintenir l’envie d'agneaux des consommateurs. « Il n’y a certes plus d’animations dans les points de vente à cause du confinement mais les catalogues sont maintenus et les opérateurs les ont doublés par des publicités sur Facebook ou de la théâtralisation du magasin », explique François Frette d’Interbev ovin. Ensuite, l’Aïd-el-Kébir, autour du vendredi 31 juillet, sera encore une période de demande d’agneaux. Une fête avec des incertitudes liées au Covid-19, tant sur le nombre de fidèles restés en France que sur la possibilité d’ouvrir des abattoirs temporaires pour le sacrifice.

Autre source d’inquiétude, le projet de stratégie de la ferme à la table, dévoilé le 19 mai par la Commission européenne. Déclinaison du Green deal (Pacte vert), cette stratégie fixe des objectifs ambitieux pour transformer le système alimentaire européen : réduction de 50 % des pesticides, réduction d’au moins 20 % des fertilisants, réduction de 50 % des ventes d’antimicrobiens d’élevages et d’aquaculture, et un quart des terres agricoles en agriculture biologique d’ici 2030. Pour l’élevage, la Commission aimerait mettre en place un étiquetage sur le bien-être des animaux. L’information du consommateur se veut justement un point important de la politique en indiquant sur l’étiquette la qualité nutritionnelle, l’origine des denrées ou l’impact écologique des produits. L’Europe indique également vouloir soutenir la recherche sur les protéines alternatives, « telles que les protéines végétales, microbiennes, marines, dérivées d’insectes ainsi que les substituts de viande ». La viande n’est ainsi pas à la fête dans l’administration bruxelloise puisque la Commission a un moment envisagé de supprimer tout soutien à la promotion des viandes. « Une incohérence totale », commente Michèle Boudoin, dépitée, qui rappelle le rôle de l’élevage sur les territoires, l’emploi, la biodiversité ou les paysages.

La FNO demande une pause dans les négociations avec la Nouvelle-Zélande

Avec la poursuite des négociations entre l’Europe et l’Océanie, Michèle Boudoin craint aussi que la filière ovine soit sacrifiée, une fois de plus, au détriment de la souveraineté alimentaire européenne. « Il n’est pas question de se désarmer alors que la filière est en crise ». Multipliant les rencontres en haut lieu pour tenter de défendre la filière ovine européenne et française, la présidente de la FNO a demandé la suspension des négociations commerciales avec la Nouvelle-Zélande, arguant du Covid-19 et des conditions du Brexit encore très floues. Comment se partager le contingent tarifaire avec le Royaume-Uni alors que les négociations avec l’Océanie doivent se finir fin août ? « Protéger le secteur ovin en limitant les contingents ne coûte pas un centime au contribuable européen, rappelle Michèle Boudoin. Pourtant, quand on voit les dégâts sur le secteur ovin européen d’un accord signé il y a trente ans, il y a de quoi s’inquiéter de cette concurrence déloyale. Et le fait que le contingent ne soit pas rempli depuis plusieurs années n’est en rien une garantie… »

Alors que le président de la République appelait le 13 avril à « rebâtir une indépendance agricole » et le 12 mars que « déléguer notre alimentation à d’autres est une folie », Michèle Boudoin appelle à ne pas laisser à d’autres les choses essentielles à nos vies comme les paysages et l’alimentation. « C’est un choix politique de ne pas vouloir importer une agriculture que nous ne voulons pas ici ».

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