Election présidentielle 2022
Gaspard Koenig propose de tailler dans les normes qui pèsent sur l’agriculture
Philosophe et essayiste, à l’origine du think-tank Generation libre et du mouvement Simple Gaspard Koenig vient de se porter candidat pour l’élection présidentielle 2022. Son credo : diviser par 100 le nombre de normes en France. Il explique à Reussir.fr le volet agricole de son programme.
Philosophe et essayiste, à l’origine du think-tank Generation libre et du mouvement Simple Gaspard Koenig vient de se porter candidat pour l’élection présidentielle 2022. Son credo : diviser par 100 le nombre de normes en France. Il explique à Reussir.fr le volet agricole de son programme.
Où en êtes-vous du recueil des 500 parrainages ?
Gaspard Koenig : On commence, j’ai fait la déclaration de ma candidature seulement mardi (11 janvier, ndlr). Mais nous avons un réseau important de maires ruraux rencontrés ces deux dernières années lors de mes voyages en France, à pied, à cheval et en train. Nous sommes assez confiants.
Philosophe, et essayiste, vous connaissez peu le monde agricole si ce n’est à travers les rencontres que vous avez faites lors de votre périple en France à cheval et un lien avec votre grand père qui a travaillé dans une coopérative en Normandie, c’est bien ça ?
Je connais peu le monde agricole, j’ai grandi à Paris. Je suis avant tout un urbain, néanmoins j’ai des racines normandes, dans l’Eure-et-Loire. Mon grand-père a travaillé et a même fini par diriger une coopérative agricole de grains à Evreux. Il était chasseur, je l’accompagnais quand j’était petit. Mes parents sont retournés en Normandie et moi-même je suis installé à Montilly-sur-Noireau dans l’Orne. Et c’est d’ailleurs de là que j’ai lancé ma candidature, dans cette petite commune de moins de 800 habitants. C’est un signal. Tout au long de mes 40 ans d’existence j’ai toujours été attiré par la ruralité. J’ai beaucoup lu Jean Giono, randonné en France, beaucoup fréquenté la ruralité. Et puis ma femme, qui est roumaine, vient aussi d’un tout petit village. C’est émouvant de voir comment les agriculteurs y travaillent dans cette ruralité préindustrielle, j’en ai parlé dans mon ouvrage Kidnapping. Enfin mon voyage à cheval à travers la France, durant lequel j’étais souvent accueilli dans des fermes, m’a permis de mieux comprendre et de parler aux agriculteurs à travers des discussions souvent longues et profondes.
La complexité normative aboutit sur le terrain à des situations horribles
Qu’avez-vous retenu de vos rencontres sur le terrain avec les agriculteurs ?
D’une manière générale à travers mes rencontres en France d’agriculteurs et autres j’ai compris le problème crucial de la complexité normative et administrative en France. Sur le terrain cela aboutit à des situations horribles, kafkaïennes, voire tragiques. Du côté des agriculteurs plus spécifiquement, ils doivent par exemple faire une demande d’autorisation pour changer une clôture, respecter des normes pour les cages à ragondins…! Quand pour prendre l’eau du canal, l’ONF dit oui mais la DDT dit non, l’agriculteur ne peut pas investir dans un système d’irrigation… ce problème peut devenir très entêtant. J’ai aussi rencontré cet éleveur du limousin avec des veaux sous la mère, en bio, plutôt taiseux qui s’est mis à un moment à me livrer tout ce qu’il avait sur le cœur et ne s’arrêtait plus. Il me disait avoir l’impression d’avoir fait tout bien, d’être passé en bio quand la société le demandait mais de ne plus savoir aujourd’hui où il en était face aux nombreuses injonctions contradictoires. Il se sentait malaimé par ses concitoyens hésitant même à arrêter le bio. Et pourtant il n’avait pas de problèmes financiers !
Quelles sont les normes qui pèsent le plus sur eux selon vous ?
Il y a des problèmes très liés au droit du travail, à l’urbanisme… Dans le livre que j’ai écrit avec Nicolas Gardères Simplifions-nous la vie !, nous commençons par l’exemple de cette ferme-auberge près de Montluçon en proie aux pires tourments administratifs. La ferme est en Gaec, l’auberge en SARL. Afin de vendre à l’auberge la viande produite par la ferme, le Gaec facture à la SARL les morceaux que l’auberge va cuisiner. Si elle vend au comptoir des morceaux non transformés, la ferme-auberge peut facturer directement au nom du Gaec et ainsi lui imputer les heures de travail. Il faut deux comptabilités séparées avec des heures de travail administratif souvent confiées à la femme. L’agriculture est fondamentalement un métier non bureaucratique à la base ! C’est troublant de voir que quelqu’un qui fait quelque chose d’aussi simple qu’une ferme auberge se retrouve à passer 6 heures par jour à faire de l’administratif.
La moindre action, la moindre construction de grange prend des années
La moindre action, la moindre construction de grange prend des années. Quand on regarde en Espagne, les agriculteurs s’engagent et les contrôles se font a posteriori. Autre problème : les normes phytosanitaires. Et ce n’est pas parce que les agriculteurs veulent faire de la pulvérisation à outrance, non ! Ils sont sortis du schéma ultraproductiviste des années 80. Mais ils trouvent anormal de se retrouver en concurrence déloyale avec l’Italie ou l’Espagne à cause de la surtransposition français. C’est le cas notamment des riziculteurs de Camargue. Autre problème ; il n’y a pas de différence de taille dans la mise en application des normes. Les normes sur les fils électriques pour l’enclos des cochons concernent tous les producteurs qu’ils en aient 500 ou 4. De même en viticulture, un petit viticulteur aura les mêmes contraintes que Moët et Chandon pour accueillir les saisonniers pendant la vendange. S’il ne rajoute pas une douche il risque 15 000 euros d’amende. Cette homogénéité de traitement est très mal vécue par les agriculteurs pour qui les normes environnementales sont décalées du terrain. Ils ont le sentiment que les écologistes ne connaissent pas la nature.
Beaucoup de normes encouragent à la concentration
Vous estimez également que la perte des 100 000 exploitations agricoles en 10 ans révélée par le dernier recensement agricole n’est pas étrangère à cette complexité normative. Pourtant les normes dans le monde agricole ce n’est pas nouveau, ça date de la mise en place de la première Pac, non ?
Oui effectivement depuis le début de la Pac, on perd des exploitations en nombre et le phénomène continue. La complexité à l’installation y est pour beaucoup. D’une manière générale beaucoup de normes encouragent à la concentration. Cela décourage le maintien d’exploitations à taille humaine, familiales. Un papier de recherche il y a quelques années de Blandine Mesnel disait que la bureaucratie de la Pac s’était accélérée depuis la fin des années 90 (Les agriculteurs face à la paperasse, ndlr).
Parmi les autres propositions : légaliser le chanvre
Qu’est-ce que vous proposez comme solutions aux agriculteurs dans votre projet Portalis en référence au corédacteur du Code civil napoléonien ?
Notre projet général, comme Portalis après la Révolution française, est de revenir aux grands principes du droit français en le réécrivant et en divisant par cent le nombre de normes. Cela permettrait à chacun de gagner en liberté et en autonomie. Pour l’agriculture, je propose notamment de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, notamment dans le processus de certification. Cela agirait aussi en faveur du consommateur. Des contrôles a posteriori seraient bénéfiques pour tout le monde. Parmi les autres propositions : légaliser le chanvre. Aujourd’hui le CBD est autorisé à la consommation mais pas à la production, c’est complètement fou. Or c’est un marché gigantesque qui pourrait constituer une vraie filière pour l’agriculture française.
La fin de la surtransposition des normes européennes fait également partie du programme de Zemmour ou encore de Valérie Pécresse, qu’est-ce qui vous différencie ?
Sur la surtransposition autant qu’il y ait un consensus c’est très bien. Après je suis très proeuropéen et très décentralisateur, à la différence de Zemmour qui est jacobin et anti-européen. L’Europe c’est le bon cadre pour définir les normes. Mais la France est régulièrement condamnée pour son refus d’apurement des aides Pac. Elle a peur de la sanction et c’est il me semble un frein à la simplification. La France surinterprète le droit européen. Les audits commandés par Bruxelles devraient ainsi être revus.
Une bonne définition de l’élevage intensif permettrait de s’affranchir de normes bien-être mal inadaptées
Vous avez déclaré lors du congrès de La Coopération agricole qu’il fallait encourager des modes de consommation plus sobres, et évoqué la viande. Selon vous, les Français doivent-ils réduire leur consommation de viande et s’orienter vers des substituts de viande ? Si oui que proposez-vous aux éleveurs comme porte de sortie ?
C’est un mouvement de société inarrêtable qui est plutôt sain pour la santé et l’environnement et qu’il faut prendre en compte. Je pense qu’encourager la baisse de la consommation de la viande permettrait d’en consommer moins mais mieux. On pourrait avoir recours à des substituts de viande pour les sauces, sandwichs et autres nuggets qui font appel à de la viande pas chère juste pour de la protéine. Et ce afin de mieux profiter du vrai steak. On valoriserait ainsi mieux les éleveurs qui font des produits de qualité.
Dans votre programme vous dites vouloir accorder des droits au vivant et mettre fin à l’élevage intensif et à ses pratiques d’enfermement, d’entassement et de mutilation ? Qu’est-ce que l’élevage intensif selon vous, comment le définissez-vous ?
Une bonne définition de l’élevage intensif permettrait de s’affranchir de normes bien-être mal inadaptées. Je pense à cet éleveur condamné parce qu’il n’avait pas donné assez de jouets à ses cochons ou les règles d’éclairage imposées aux élevages qui donnent aux animaux un accès au plein air. Je m’inspire des travaux de la juriste Alice Di Concetto qui dit qu’en matière de bien-être animal le critère principal est celui de la densité ainsi que l’accès au plein air. On pourrait appliquer la clause du grand-père et dire que les nouveaux arrivants devraient respecter ces critères de densité au niveau européen. Ce serait un soulagement pour les éleveurs.
Vous proposez un revenu universel, il pourrait s’appliquer également aux agriculteurs en cas de mauvaise année ?
Par définition ce revenu s’appliquerait à tout le monde. Il serait calculer sur la base du revenu pour les agriculteurs. Un agriculteur qui toucherait 300 euros par mois de revenu, récupérerait automatiquement 400 euros sans rien avoir à demander (l’idée de Gaspard Koenig est de combiner un crédit d’impôt de 500 euros avec un prélèvement de 25% des revenus, ndlr). Ce qui lui ferait 700 euros à la fin du mois. Ce système avantagerait ceux qui ont des revenus très fluctuants cela viendrait compléter leurs fins de mois.
Retrouvez aussi son intervention lors du dernier congrès de La Coopération agricole :